Groupe:

Gorod

Date:

23 Juin 2018

Interviewer:

JeanMichHell

Interview Mathieu - Barby

Pour ma première interview au Hellfest (oui, une larme coule sur ma joue), j’ai le plaisir de débuter avec l'ami Deicide5000, mais surtout avec un groupe d’exception : Gorod. Les deux représentants que sont Matthieu, guitariste et principal compositeur du groupe et Barby, bassiste tout sourire, m’accueillent avec toute la sympathie qui les caractérise. On va discuter avant tout de leur nouvel album "Aethra", qui au passage sera un des albums incontournables de 2018, mais pas que…

Pour ceux qui n'auraient pas le plaisir de vous connaître, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Matthieu : On est Gorod, un groupe de death metal originaire de Bordeaux. On fait du death metal depuis quasiment vingt ans.

Barby : On a sorti cinq albums et deux EP, et on a en projet de sortir notre sixième album à l'automne, le 19 octobre, il s'appelle "Aethra".

J'ai eu le plaisir de le découvrir et de l'écouter un peu avant tout le monde, comment s'est passé le processus de création, le choix artistique pour cet album ?

Barby : En fait, nous on a besoin d'une deadline, après c'est Mathieu qui compose.

Matthieu : On s’est faits une réunion au mois de novembre, nous on était plutôt partis pour se faire un album en 2019, sachant qu'en général on est plutôt disponibles l'été pour composer, faire des choses en groupe c'est plus facile, mais notre label nous a dit non, ce sera mieux s'il sort en 2018.

Barby : Et comme ils ont besoin d'avoir tout six mois à l'avance, ils souhaitaient que ça sorte en octobre-novembre, donc ça signifie que le master devait être fait en mai, ça veut aussi dire qu’il fallait qu'on ait fini d'enregistrer en avril donc on avait fini de composer vers février, mars. A partir du moment où on a eu cette deadline, tu remontes le temps et puis il faut que tu sois prêt pour ce calendrier-là.

Ça veut dire que vous fonctionnez à la pression ?

Barby : Oui, on a toujours fonctionné comme ça. Si tu prends l'EP "Kiss the freak" pour la tournée qu'on a faite avec Havok, où il n'y avait que des groupes thrash, on voulait coller un peu plus et donc on a aussi tout fait en deux mois. Aethra on l'a composé en trois mois à peu près.

Aethra, à la lumière de quelques écoutes, me semble aller plus loin, plus loin dans tous les compartiments, et vous me dites que vous l'avez composé en trois mois, je trouve ça incroyable !

Matthieu : Oui, mais tu vois quand tu composes, il y a des fois où tu gagnes à avoir de la spontanéité. Quand tu ne te poses pas vingt milliards de questions, tu ne reviens pas systématiquement en arrière, et quand tu dois faire rapidement, tu fais forcément plus efficace. Ton idée est là, elle est présente, tu n’as pas le temps de la digérer vingt-cinq fois, d'y revenir. Et au final l'idée que tu as eu, c'est l'idée que tu retrouves sur le CD à la fin. Ça permet aussi d'éviter les pièges, les idées trop alambiquées, c'est pour ça que ça fonctionne.

Barby : C'est Mathieu qui compose toute la musique de Gorod depuis le début, et comme on se connait très bien, on sait quel riff va sauter ou pas. On est capable de faire le tri vachement plus vite dans ses idées.

Et ensuite vous reprenez tous ensemble les idées de base de Mathieu ?

Barby : En fait, Matthieu arrive avec les compos déjà pratiquement faites, les deux guitares sont faites avec une batterie préprogrammée, il nous demande si ça va, et après nous on reprend avec lui. On voit si on peut changer ce riff-ci, ou cette structure-là. Puis il a tellement travaillé en amont, revu, changé, découpé, donc au final il n’y a souvent pas grand-chose à changer.

Votre démarche fait preuve d'un groupe qui s'entend bien ?

Barby : Tu sais, dans la vie d'un groupe, tu te répartis les choses et tu sais qui fait quoi bien. Et même au niveau des solos aussi tout est déjà écrit à l'avance ?

Mathieu : Non pas du tout, tu vois par exemple pour cet album Nico a écrit deux ou trois solos, je crois. Et puis je lui laisse toujours un peu de place sachant que c'est quelqu'un de très timide, il va te dire que lui, il ne sait pas faire, qu'il ne va pas être capable de le faire. Et quand tu lui dis "Mais vas-y, essaie un truc", ce qu'il fait c'est génial. Je lui laisse avec grand plaisir la place pour faire des trucs. Il y a des moments où moi non plus je n’ai pas forcément des idées, et comme lui il n’a pas le même regard que moi sur les compositions, il va trouver un truc auquel moi je n'aurais pas pensé et c'est cette complémentarité là qui fait que ça fonctionne bien.

Il y en a jamais un qui se dit tiens, on devrait mettre un riff comme ci, où un riff comme ça ? Chacun reste dans son compartiment ?

Barby : Oui, moi je joue de la guitare mais tu vois je me suis jamais dit que j'allais proposer un riff à Mathieu. Après Mathieu nous demande de mettre des idées, donc il y a des fois où on lui propose des structures, c'est comme pour le reste, on le prend ou pas. Ce n’est pas grave.

Mathieu : Sans offense, c'est aussi que moi je compose beaucoup, pour certains le temps qu'ils composent un riff moi j'ai le temps de faire tout un album. Des fois ils arrivent avec des trucs à proposer et moi j'ai déjà composé dix chansons, donc il y a plus la place. Et en fait, ça se passe toujours comme ça parce qu’on dit à chaque fois qu'on va essayer de faire un truc en se posant, en répétant, mais prendre le temps de travailler comme ça on n'y arrive jamais.

Barby : Mathieu a toujours composé d'un bloc, après on pourrait peut-être essayer sur les prochains de travailler différemment pour tenter, c'est possible. Ça peut laisser le temps de tenter deux ou trois choses, c'est une option.

Il y a un concept derrière cet album, une continuité, un lien entre les morceaux ?

Mathieu : Pas forcément dans la musique parce que je ne compose pas avec une idée de thème, par contre oui pour les paroles, tout tourne autour de la lune, des divinités autour de la Lune. Chaque civilisation a un peu sa vision de cet astre et le chanteur a rassemblé les histoires de ces divinités. Alors des histoires qui ont un peu de corps, pas des trucs gnan-gnan qui ne colleraient pas avec du metal. Il y en a beaucoup en fait, c'est dark, il y aussi des histoires un peu bizarres, un peu sombres et du coup il a pu en parler dans cet album-là. Il y a même une divinité polynésienne qui est suffisamment death metal pour en faire une chanson ! (rires)

Barby : Il y aura des textes mythologiques, des histoires sur la divinité. Julien fait toujours beaucoup de recherches quand il fait des textes pour un album, c'est souvent basé sur des concepts. Il y a toujours une explication du concept, à quoi ça se rapporte, bref c'est toujours très complet.

C'est quoi la suite pour Gorod ?

Mathieu : Déjà il nous reste tout l'été pour préparer la sortie de l'album, jouer les morceaux, les répéter, parce que pour l'instant on n'a pas eu l'occasion de les jouer ensemble. Pour l'instant c'est juste un enregistrement, on les a travaillés pour les enregistrer mais on ne les a jamais joués ensemble.

Vous avez enregistré au Bud studio, ça veut que chacun avait un ticket, vous êtes passés les uns après les autres ?

Mathieu : Souvent, le temps dont on dispose quand on est là tous ensemble c'est pour préparer des concerts. On bosse une setlist, on bosse pour un concert parce qu’on a rarement du temps pour travailler ensemble sur quelque chose de nouveau. Et la plupart du temps ça se fait juste avant la sortie d'un album, on choisit trois, quatre morceaux de l'album, on les travaille, on les jouent ensemble pour la scène. Après on voit comment le public réagit, lesquels marchent, lesquels ne marchent pas, on fait un tri et on garde quelques morceaux pour la setlist. Mais on ne se voit pas pour la création.

Barby : Après on verra pour la setlist parce qu’on en est vraiment contents de ce nouvel album. On verra combien de morceaux on mettra, peut-être quatre, et puis c’est comme tout le monde, quand tu fais de la musique c'est pour la jouer en live. Et surtout Mathieu a fait des compos extrêmement efficace pour la scène, elles ont un vrai potentiel live.

Mais on entend bien que ce n’est pas juste de l'efficacité brute, il y a aussi des passages plus fouillés.

Mathieu : Sans entrer vraiment dans les détails techniques, aujourd'hui je joue avec des loopers, ce qui me permet de faire des boucles et donc ça a modifié ma manière de composer. C'est-à-dire que je peux enregistrer live des parties que je peux balancer sur scène. Du coup je peux faire des morceaux qui vont jusqu'à par exemple six guitares mais que je peux, que l’on peut quand même jouer en live. Ça va modifier pas mal de choses, ça va rendre super patate. Il y a quelques années en arrière, c'était impensable de jouer comme ça mais grâce à ce système-là, maintenant c'est possible.

(On nous demande d'en venir à la dernière question) Alors une dernière question...

Barby : Non !! (rires)

Très bien, ce fut court mais intense pour une dernière... L'objectif qui vient, c'est de revenir au Hellfest 2019 j'imagine ?

Barby : C'est l'un des objectifs, ce n'est pas forcément le seul. On va d'abord essayer de défendre un maximum cet album, on va faire en sorte que la promotion se passe bien, pas qu'on fasse comme avec l'album précédent où on a eu quelques ratages. Déjà pour accompagner l'album, on va enchaîner avec un clip en septembre, puis un deuxième pour la sortie de l'album. Une tournée après la sortie de l'album et en 2019 des dates en France et des dates à l'étranger. On va tout faire pour que ça se passe bien, porter cet album chez les gens, le défendre autant qu'on peut.

Et avant de faire tout ça il faut répéter ensemble maintenant !

Mathieu : Oui, mais tu vois cet album finalement je l’apprends assez vite. Pour l'instant on l'a joué en découpé et pour certains morceaux des albums précédents il me fallait une semaine pour les avoir dans les doigts, c'était l'horreur. Là ça coule relativement tout seul, je ne sais pas à quoi ça tient...

Le bénéfice de l'âge ?

Mathieu : Oui certainement. (rires)

Merci à Mathieu et à Barby pour cet échange tout en sympathie. Et pssttt, "Aethra" sera l'album death technique de l'année, je vous le garantis.

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