Groupe:

Monolithe

Date:

20 Janvier 2020

Interviewer:

ced12

Interview Monolithe

Interview par mail avec Benoît Blin (Guitare)

 

Monolithe a longtemps été un simple projet studio, peux-tu revenir rapidement sur la génèse du groupe ? Comment vous êtes-vous rencontrés ? Comment fonctionnait le groupe au début ?

Monolithe est un projet de Sylvain Bégot qui officiait à l'époque principalement dans Anthemon. Il avait quelques riffs qui ne collaient pas avec leur musique et il a donc décidé de faire quelque chose à côté. C'était à l'origine un projet personnel et son but était de s'entourer d'autres musiciens pour l'aider à enregistrer la musique qu'il composait. Avec les années, ce projet a pris la forme d'un groupe car certains, comme Richard Loudin au chant et moi-même sommes devenus des habitués. Je ne vais pas détailler pour tous les intervenants mais Sylvain et moi nous sommes rencontrés en 2000 il me semble. Au début du développement d'Internet en France, on était tous les deux des membres relativement actifs du forum du magazine Metallian et c'est ce qui nous a mis en contact. Quant à Richard, il était déjà présent sur la scène parisienne, notamment Doom avec son groupe Despond et c'est assez naturellement qu'on a fait appel à lui. Le fonctionnement du début n'a pas beaucoup changé avec le temps : Sylvain compose tout ou presque puis chacun enregistre les parties qui lui sont réservées avec plus ou moins de latitude quant à l'interprétation.

 

Alors qu’en 2012, Sylvain affirmait dans une interview sur notre blog qu’il n’y aurait jamais de prestation « live », vous avez fini par le faire et vous faîtes désormais des tournées. Quel fut le déclic ? Comment avez-vous adapté les anciens morceaux au format live ?

On pensait vraiment ce qu'on disait à cette époque car la musique du groupe avait vraiment besoin d'une totale immersion pour être appréciée et une version live ne semblait pas être adéquate pour ça. Mais c'était sans compter l'engouement autour du groupe et les demandes régulières de certains organisateurs, notamment du Metal Days en Slovénie. À un moment donné, on s’est dit que c'était quand même bête de passer à côté de telles opportunités et on s'est lancé dans l'aventure. Cette période correspondait aussi à la fin d'une époque, le cycle des quatre premiers albums était terminé et la question se posait d'arrêter le projet, car on avait atteint un objectif, ou de partir sur autre chose. Quand on s’est décidé à poursuivre, on a proposé à nos connaissances de nous rejoindre pour former une équipe complète pour enregistrer le diptyque "Epsilon Aurigae / Zeta Reticuli"  dans un premier temps et partir sur la route ensuite.

L'adaptation des anciens morceaux pour le live a été l'exercice le plus compliqué car il était évident que pour ces premiers concerts, on voulait, certes présenter le nouvel album, mais également retracer la carrière du groupe. On a donc extrait les parties que l'on préférait et essayé de les assembler pour en faire une sorte de nouveau morceau cohérent.

 

Quels retours avez-vous eu sur ces prestations live ? 

Globalement, la réponse a été très positive. Quand on a décidé de jouer live, on n'a pas voulu faire les choses à moitié, on a travaillé le son et la mise en scène. Quand les conditions le permettent, on diffuse derrière nous des vidéos en lien avec la musique pour favoriser l'immersion et le public apprécie. Ceux qui nous connaissent sont comblés et ça aide ceux qui nous découvrent à comprendre ce qu'il se passe sur scène.

 

Pour les guitaristes, quel matériel utilisez-vous ? Et comment vous répartissez-vous les différentes parties ?

Sylvain et Rémi Brochard (guitare / chant depuis 2017) jouent sur ESP LTD et je suis sur Gibson Les Paul. Sylvain va passer chez Solar cependant. Nous avons tous les trois un ampli numérique Avid Eleven Rack qui nous permet d'avoir un son uniforme sur scène dans le but d'être plus massif et ça fonctionne ! La répartition s'est faite en fonction des affinités de chacun mais depuis que Rémi a pris le chant, on essaie d'alléger ses parties de guitare car ce qu'il fait est assez intense.

 

Le fait de devenir aussi un groupe « live » a-t-il eu des impacts sur votre mode d’organisation ? Par exemple, la composition des nouveaux titres est-elle toujours du seul fait de Sylvain ? Quid de votre rythme de répétition ?

Comme je le disais tout à l'heure, au niveau composition, Sylvain est toujours à la manœuvre, même s'il est ouvert à nos propositions, preuve en est le morceau "Delta Scut" sur notre album précédent qui a été écrit en collaboration avec Rémi. Au niveau répétitions, vu que la composition d'un album ne se fait pas de manière commune, il n'y a pas de travail de groupe, on ne répète donc qu'en vue des prochains concerts, pour apprendre à jouer ensemble les nouveaux morceaux et réviser les anciens.

 

Il y a eu un changement de chanteur il y a quelques années. Quelles en sont les raisons ? Comment l’avez-vous appréhendé en interne ? Et comment Rémi s’est-il adapté à son nouveau rôle ?

La raison du départ de Richard est assez classique, il voulait passer plus de temps sur son groupe principal Nydvind, ce qui est tout à fait compréhensible car Monolithe est assez chronophage. Il nous a annoncé ça quelques mois avant de faire son dernier concert au Hellfest 2017, ce qui nous a laissé quelques temps pour nous organiser. On s'est d'abord demandé si on voulait le remplacer par un autre chanteur car on aimait beaucoup sa prestance mais comme Rémi, qui est déjà guitariste/chanteur dans son autre groupe Ethmebb, s'est proposé, on s'est dit que passer de sept membres à six n'était pas une mauvaise chose, du point de vue organisationnel du moins.

Notre participation au Brutal Assault en République Tchèque en août 2017 n'a été annoncée que tardivement et on ne voulait évidemment pas refuser une telle proposition, ça a donc été un baptême anticipé pour lui et il s'en est admirablement sorti, surtout devant une foule assez conséquente.

 

Le groupe proposait des titres uniques à ses débuts. Vous écrivez désormais des morceaux plus courts (même si la dimension conceptuelle reste prédominante)... Est-ce pour répondre à la logique « live » et à la frustration éventuelle de devoir « couper » les morceaux des premiers disques ?

Le groupe avait terminé un cycle après "Monolithe IV" et, comme il était question de continuer, il devenait nécessaire de changer le format pour se réinventer. La logique concert n'était pas forcément très forte, les morceaux sur "Epsilon Aurigae" et "Zeta Reticuli" font quand même quinze minutes, ce qui n'est pas vraiment taillé pour le live non plus et, même si on les jouait en entier au début, on les a raccourcis depuis. Je pense qu'avec le temps, composer des morceaux plus courts est devenu autant une volonté artistique qu'un désir, peut-être inavoué, d'effectivement proposer quelque chose de plus direct pour le live. Et c'est vrai que c'est assez frustrant de devoir couper un morceau et c'est appréciable de ne plus avoir à le faire.

 

Pourquoi cette obsession sur les chiffres exacts (durée des titres, durée album... pour précision, le septième album contenait des morceaux faisant tous sept minutes exactement).

Cette obsession est venue avec le temps. Nos quatre premiers albums font partie d'une saga, il était donc logique de les numéroter pour suivre l'ordre du récit. Partant de ça, nous avons poussé le concept plus loin pour chaque disque suivant. Les albums cinq et six ont chacun trois morceaux de quinze minutes, puis effectivement le septième album, sept de sept minutes...

 

Votre musique était qualifiée de « funeral doom » à vos débuts. J’ai cru comprendre que vous trouviez cette étiquette trop réductrice et ce depuis l’album "III". Cette évolution s’est-elle faite en conscience ? Quelles sont vos « nouvelles » influences ?

Effectivement, même si on ne rejette pas cette étiquette, car ça fait partie de notre musique, on ne se limite pas à ça. A nos débuts, on jouait un Doom avec des parties très lentes, caractéristiques du Funeral Doom, mais déjà, on voulait sortir d'un schéma classique. Avec le temps, notre musique s'est accélérée et on préfère parler tout simplement de Doom car on peut y intégrer ce qu'on veut. On a toujours quelques passages lancinants mais ce n'est pas la majorité.

Les influences de l’époque sont toujours présentes, principalement le « Peaceville Three », à savoir Paradise LostAnathema et My Dying Bride, mélangées à plein de nouvelles choses, notamment le Rock Progressif voire Classic Rock des années 70 ou la musique plus électronique comme la Synthwave par exemple.

 

Peux-tu nous présenter le dernier album à paraître le 31 janvier ? Quel en est le concept ?

"Okta Khora"  est notre huitième album et, même s'il sort officiellement en format physique le 31 janvier, nous avons décidé de le mettre à disposition dès novembre 2019 suite à une diffusion prématurée sur certains sites de téléchargement illégal.

"Okta Khora" est un néologisme qui vient du grec. « Okta » veut dire « huit » ou « huitième » et « Khora » est une sorte de chaos primordial. Pour Monolithe, le « khora » est l'univers avant le Big Bang, une sorte d'univers vide.

L'histoire traite d'une civilisation extra-terrestre, surnommée les « eighters », dont la religion extrémiste et messianique proclame qu'ils sont destinés à annihiler toute chose dans l'univers dans le but d'atteindre l'« Okta Khora », qui est une sorte de « reboot » de l'univers, dans le but de le purifier. Ils sont également persuadés qu'ils mènent leur huitième croisade, et qu’ils ont par conséquent déjà rebooté l’univers à sept reprises auparavant. Leur civilisation et leur technologie a évolué avec le temps autour de cette obsession unique.

Arrive un moment où d'autres civilisations se rendent compte de la menace que les « eighthers » représentent mais ils réagissent trop tard et finissent par subir une colossale débâcle militaire, ce qui condamne fatalement l’univers, laissé sans défense contre les fondamentalistes de l’Okta Khora, à la mort.

Pour revenir sur le sujet des chiffres, cet album comporte huit morceaux, quatre chantés de huit minutes et quatre instrumentaux de quatre minutes. Ces pistes instrumentales sont liées deux par deux pour former deux pièces de huit minutes.

 

 

Qui gère vos artworks, toujours très réussis ?

De "Monolithe III" à "Nebula Septem", en incluant les rééditions de "Monolithe I" et "Monolithe II", c'est le Norvégien Robert Høyem qui s'en chargeait. Pour ce dernier disque, nous avons voulu changer de direction, pour se rapprocher du concept, et c'est l'Allemand Alexander Preuss qui est à la barre. Il est spécialisé dans le graphisme pour jeu vidéo et son univers colle parfaitement au nôtre.

 

 

Un mot sur votre participation au Hellfest. Ce n’est pas rien pour un groupe de jouer là-bas. 

Jouer au Hellfest était un de nos objectifs quand on a décidé de monter la formation live et avoir pu accéder à l'une des scènes du festival est un sacré honneur pour nous. Surtout en tant que français, car, même s'il est de plus en plus reconnu, le Metal français n'a pas toujours été très en vogue et maintenant, on abrite un des meilleurs festivals mondiaux sur notre territoire. Y participer fut une sacrée expérience.

C'est à ce jour le public le plus important devant lequel nous avons joué, ce qui est un peu étonnant vu l'heure matinale à laquelle nous étions programmés. Nous avions déjà tous l'habitude de jouer live mais je me suis retrouvé avec l'appréhension que j'avais lors de mon premier concert.

J'avais déjà pu assister au festival quelques années auparavant et j'étais déjà impressionné par l'ambiance et l'organisation... et pouvoir voir ça de l'intérieur a ajouté quelque chose à mon impression. Je me sentais un peu comme un gamin qui n'avait pas le droit d'être où il est alors que même si tu n'es pas placé très haut sur l'affiche, tu es traité avec autant d'importance que d'autres groupes plus populaires.

 

 

 

Comment un groupe de "doom" se retrouve-t-il à faire une mini-tournée au Japon ?

Assez simplement finalement, nous avions des contacts là-bas, qui aiment beaucoup Monolithe, notamment Yuki de Presence Of Soul, qui voulaient nous faire venir. Ils se sont donc occupés de toute l'organisation sur place et c'était plutôt une réussite. Même si ce n'était pas plein tous les soirs, j’ai adoré chaque concert, notamment celui de Tokyo qui était complet !

Certains dont je fais partie ne connaissaient pas ce pays, ça nous a permis d'allier vacances et musique.

 

Prévoyez-vous des tournées spéciales pour interpréter en intégralité vos premières œuvres ?

2021 sera les vingt ans du groupe et en 2022, ce sera les dix ans de notre album "Monolithe III". C'est un de nos anciens albums les plus appréciés. Rien n'est encore décidé sur ce qu'on va faire mais on va sûrement célébrer ces événements d'une manière ou d'une autre. Jouer ce disque en entier est une des idées, à suivre donc.

 

Quels sont les projets de tournée pour 2020 ? 

Rien n'est annoncé pour le moment mais on travaille sur certains projets dont nous ne manquerons pas de reparler dans l'année.

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