Anathema

Interview date

01 Septembre 2010

Interviewer

Ostianne

I N T E R V I E W

Interview Vincent Cavanagh (par téléphone)


Ce titre "We're Here Because We're Here", est-ce un clin d'oeil aux maisons de disques qui n'ont pas voulu de vous ?

Non, pas du tout. Nous ne cherchions pas vraiment de maison de disques. Nous voulions être indépendants, faire nous même cet album dans la paix. Enregistrer un album est quelque chose qui coûte vraiment cher, on met beaucoup de temps pour le payer, donc nous nous sommes dits : "non, non, non la meilleure chose à faire est d'acheter notre propre studio puis de tout enregistrer nous-mêmes pour que le groupe soit totalement autonome." Cela a pris beaucoup de temps, mais maintenant, nous avons notre propre studio, donc à présent, nous pouvons retrouver un rythme plus rapide ou plus normal. Je ne suis pas inquiet au sujet de l'industrie du disque parce que je sais que ça dépend du programme et ça demande beaucoup d'attention, d'améliorations constantes donc ça ne peut qu'être bon pour chacun d'entre-nous, vraiment.

Pendant toutes ces années, quelle a été l'importance de vos fans ?

Elle a été indéniablement très importante pour nous. Parce que nous avons toujours eu une connexion avec le public. Notre public peut s'approprier nos paroles, nos chansons et les intégrer dans leurs propres vies. Même s'il y a des discussions difficiles et ce genre de choses, c'est une sorte d'expérience humaine universelle, nous traversons la mort, le rire, la perte et la traîtrise et toutes ces choses. Je veux dire par là que les gens peuvent vraiment s'identifier à notre groupe, ce qu'il fait qu'il y a cette relation avec eux, surtout sur scène. Quand nous avons commencé Anathema, c'était un groupe de scène. Je pense que les compositions sont ce que j'aime et c'est fantastique de voir que l'âme du groupe, c'est la scène et ce rapport que nous avons avec le public.

Vous n'avez pas sorti d'album pendant sept ans. Finalement, penses-tu que cela vous a aidé à faire un bon album ?

Oh oui, en fait, c'est mieux d'attendre. Mais je dois dire que je trouve que sept ans, c'est long et ce pour tous les groupes ! (Rires). Mais c'était le marché. Nous avons eu besoin de temps quand nous avons commencé à tout faire par nous-mêmes, pour acheter notre studio. Il y a eu beaucoup de choses à travers lesquelles nous avons du passer, trouver un nouveau manager, continuer de tourner et continuer de se faire de l'argent pour acheter le nouveau matériel. C'est essentiellement la raison pour laquelle ça a pris tant de temps. Mais cela ne doit pas se reproduire, parce que nous avons le studio, nous avons le management, nous avons un nouvel agent, et nous avons un travail positif sur tout. Je pense que les gens savent que le groupe est dans une période heureuse et que nous avons traversé tant de choses ensemble, les choses vont vraiment bien pour nous ces derniers temps donc tout est vraiment positif.

Penses-tu que les gens puissent être rassasiés avec dix chansons seulement après avoir attendu tant de temps ?

Oui je le pense parce que c'est un album long. Il y a beaucoup de choses qui en ressortent. Je crois qu'il n'y a qu'une chanson qui ait seulement cinq minutes, le reste en fait plus de six. Toutes sont entre six ou huit minutes donc c’est assez épique. Nous ne voulions pas en faire plus que ce que nous avions déjà fait avec notre musique. Cela dépend du flot des chansons que nous choisissons. J’aime ça. Je pense que c’est plus concis. Nous avons tous fait un travail complet cette fois. Je pense que cela est plus important que tout le reste. Cela doit avoir du sens. Mais pour le prochain album, nous ne vous ferons pas attendre autant de temps, nous avons comme une centaine d’idées pour les morceaux. Mais nous allons choisir très attentivement les chansons et la manière dont nous allons évoluer. Mais c’est une question très intéressante.

On peut presque comprendre des messages cachés à travers les paroles, comme sur "Angels Walk Among Us". Quel était votre état d'esprit quand vous avez écrit ces nouvelles chansons ?

Aucun en particulier, je pense que c'est juste ce qui a été demandé à être écrit. Je pense que celle-ci en particulier suit le dénudement de l'âme, un dernier adieu dans le silence. C'est toujours autour du même sujet parce que c'est très personnel. Ces choses dépendent de ce qu'il arrive, vraiment. Tu ne peux pas diffuser de la négativité autour de toi, tu ne peux pas mettre ce poids sur tes épaules parce que ça ne t'apporte rien de bon. Mais à propos des messages, des sens cachés des paroles, je suis assez satisfait quand les gens ont leur propre interprétation. Beaucoup de personnes ne connaissent pas les histoires qui se cachent derrière ce genre de chansons. Donc nous les laissons les interpréter à travers leurs propres histoires ou à travers quelqu'un qu'ils connaissent. Pour moi, c'est plus intéressant. Moi, quand j'écoute des artistes, je n'ai absolument pas envie de savoir ce à quoi ils pensaient quand ils les ont écrites. J'ai ma propre interprétation. Il y a des choses qui t'aident à te sentir moins seul dans ce monde parce que quelqu'un d'autre les comprend, les ressent... Donc nous laissons les gens se faire leurs propres idées avec leurs propres filtres. C'est très intéressant, très appréciable.

Dany est l'auteur principal de ce nouvel album. John et toi, vous avez été relayés au second plan. Est-ce quelque chose qui s'est fait naturellement ?

Non, on dirait que c'est ce qu'il s'est passé car c'est ce que nous avons écrit sur le livret (rires), mais ce n'est pas ce qu'il s'est passé. C'est une vraie collaboration entre Dany, John et moi. Mais je dirais que Dany est plus complet que John. Parce que Dany fait des choses plus compliquées que celles faîtes par John. Mais John est un auteur approximatif car il y a des choses qu'il ne voit pas et pour lesquelles il a besoin de moi. Donc, dans ce sens là, John n'est pas un auteur principal. Ce qu'il s'est passé, c'est que cela a été orchestré par moi. C'est moi qui ais fait les démos et qui ais produit. C'est une sorte d'équipe composée par Dany, John et moi.

Il y a beaucoup de parties acoustiques dans cet album, le metal a disparu au profit de quelque chose de plus léger. Cela reflète-t-il des changements personnels en plus des changements musicaux ?

Je le pense oui. C'est toujours vrai quand tu es honnête avec ce que tu créés, si c'est une véritable réflexion sur qui tu es. C'est naturel, c'est de cette manière que ça sort. L'évolution de la musique est une évolution personnelle de ton esprit et de ta propre expérience, de ta compréhension de toi-même et surtout de ta place dans ce monde. Cela dépend de ton histoire et de quand tu te rends compte que tout ça, c'est de la connerie et que donc, tu te mets en marche. Je suppose que notre façon d'écrire la musique et notre créativité sont faîtes de manière plus consciente sans que l'on s'attarde sur ce que le style ou les gens veulent que l'on fasse. C’est comme lorsque tu marches le long d'une rivière quand tu écris une chanson. C'est une rivière en elle-même, tu dois courir sur la berge et suivre son chemin et c'est la même chose avec une chanson. Parce que si tu t'impliques avec ton idée, que tu la répètes, encore et encore, la chanson va se révéler et te dire quelle finalité elle veut avoir. C'est ça l'astuce. C'est un miroir en fait.

Votre musique est une invitation à laisser notre esprit s'évader. Est-ce votre appréhension principale de la musique en général ?

Oui, je pense que c'est notre échappatoire. Donc c'est une évasion profonde pour nous. Mais ce n'est pas vraiment une façon de fuir la réalité, c'est plutôt maintenir notre conscience en éveil. Je ne dirais pas que c'est un échappatoire. Qu'est-ce que l'évasion ? S'évader c'est plutôt quand tu bois de l'alcool, que tu prends de la drogue ou même quand tu regardes la télévision, je considère cela plus comme étant une fuite. Parce que si tu aimes la musique, c'est une expérience vraiment profonde, surtout si tu écris les paroles, ça doit être l'opposé de la fuite. Finalement, tu dois te plonger dans qui tu es. Mais effectivement, si les gens le font, s'ils peuvent s'évader grâce à la musique, pourquoi pas.

Il est dit qu'il est plus facile d'écrire des chansons et des paroles tristes que quelque chose de joyeux même si on est de bonne humeur. Est-ce aussi le cas pour Anathema ?

C'est possible. Mais tu vois, je ne pense pas que nous écrivions des chansons tristes bien qu'elles aient toutes un côté mélancolique. Ce que l'on peut trouver d'un peu triste dans cet album, c'est que ça se trouve au milieu de quelque chose... Tu sais, certaines personnes me demandent "pourquoi écrivez-vous des chansons tristes ?". Mais pour moi, elles ne sont pas tristes, elles sont joyeuses. Je ressens plein de vivacité avec ce genre de musique et ça me rend heureux !

Pourquoi avez-vous attendu tant de temps pour intégrer officiellement Lee Douglas dans le groupe ?

Nous n'avons pas pris cette décision, c'est juste qu'elle avait un lien fort avec tout ce que nous avons vécu dans nos vies. Je dirais qu'elle était tout simplement prête. C'est l'une de nos meilleures amies bien qu'elle ne fasse pas partie d'une des deux familles qui composent le groupe. Pour nous, ça a simplement du sens. Je pense que c'est assez profond parce que personne n'imaginait que nous ferions de la musique et nous en sommes là, cinq personnes qui ont grandi toutes ensemble, qui ont joué de la musique ensemble. C'est spécial ! (Rires). Donc c'est comme ça que ça s'est passé, naturellement tout simplement. Lee est une chanteuse naturelle.

Il semble qu'"Hindsight" ait déçu certains de vos fans à cause de son concept. Comprends-tu ces réactions ?

Oui, certaines personnes l'ont attendu pendant un très long moment et d'autres attendaient des nouveautés. Pour nous, l'une des raisons pour laquelle c'est arrivé, c'est parce que nous en avons trop fait. Nous avons du beaucoup travailler sur cet album, Dany et moi avons même donné un concert acoustique avec un violoncelliste. Nous connaissions la chance que nous avions d'enregistrer nos chansons de cette manière et c'était un grand pas pour le groupe que de l'enregistrer comme ça puisque nous suivions toujours le même chemin avant. Nous voulions faire la lumière sur ce que nous avions fait par le passé et donner de nouvelles couleurs à notre travail. Et la dernière raison est que nous avons du prendre les chansons choisies par le label. Nous devions acheter le nouvel équipement pour le studio, on avait besoin d'enregistrer "We're Because We're Here"... Donc, oui...

C'est assez surprenant de savoir que vous allez jouer à Beyrouth dans quelques jours. Quelle est votre renommée dans ce pays ?

Je vais te raconter une histoire : la dernière fois que j'y suis allé, je zappais sur les chaînes nationales en regardant un talk show avec d'autres personnes. Je n'avais pas l'impression d'être célèbre ! (Rires). Les réactions du public dans ce genre de pays sont vraiment très fortes. Nous sommes déjà allés en Tunisie il y a peu et c'est assez semblable. Et j'espère qu'un jour, nous serons aptes à jouer dans d'autres pays du Moyen-Orient. A part au Liban, nous aimerions aller en Jordanie et en Syrie chanter avec tout le pays, même si ce n'est pas possible avec le président actuel. J'espère que les jeunes gens finiront par avoir ce qu'ils revendiquent. Il y a beaucoup de jeunes personnes intelligentes, des artistes et des personnes ouvertes d'esprit dans ces pays. Ils sont tout simplement comme toi et moi qui allons à un concert pour nous amuser.

De tous les pays que vous avez visité avec le groupe, lequel a ta préférence ?

Je ne peux pas le dire parce que je vais contrarier un bon nombre de personnes ! (Rires). Nous avons traversé toute l'Europe, l'Amérique du Sud. Pour le groupe, je crois qu'il y a beaucoup de public, et ce public est vraiment bon partout. Mais si on ne parle pas de cela, je pourrais dire que Paris est ma ville préférée dans le monde. Ensuite, ça serait New-York et j'ai adoré aller à Londres, c'était aussi une bonne expérience.

Vous allez revenir en France en Octobre pour votre concert à Paris. Vous allez jouer dans une salle plus petite que lors de votre dernière visite...

Cette fois, nous sommes en tête d'affiche. La dernière fois, nous jouions avec quelques autres groupes, et nous étions déjà venus dans une salle mythique, l'Olympia. Pour le concert qui vient, nous donnerons donc un vrai concert de tête d'affiche. Par chance, nous avons deux premières parties géniales : Petter Carlsen qui est un auteur génial et qui vient du Suède et Anneke van Giersbergen, l'ancienne chanteuse de The Gathering avec laquelle nous avons déjà travaillé. J'ai donc un conseil : achetez dès à présent vos billets parce que ça promet d'être spécial.

Est-ce que la capacité d'accueil d'une salle de concert est importante pour vous, ou ce qui compte, c'est d'être en communion avec le public ?

Je pense que la plus grande foule devant laquelle nous avons joué était constituée de vingt-cinq mille personnes au Wacken. Pour moi, ce n'est pas anormal parce que je suis habitué à jouer sur des grandes scènes. Pour être tout à fait honnête, c'est ce à quoi je tends. Mais il y a quelque chose de plus intime quand on joue dans des salles plus petites. Nous avons joué tant de fois devant plusieurs milliers de personnes ou trois mille personnes qui étaient vraiment enthousiastes. Ce genre de foule fait produit un son terrible et c'est génial. Je pense que pour un groupe comme le nôtre, c'est plus une histoire d'ambiance. J'aime toujours jouer dans des festivals et je pense sincèrement que les deux options sont bonnes.

Quel est ton meilleur souvenir avec le public Français ?

L'Olympia à Paris. Parce que c'était l'une de mes ambitions de jouer dans ce lieu. Et maintenant, on revient ici pour jouer en tête d'affiche (rires), ça va être spécial. J'aime cet endroit. J'aimais écouter les concerts qui s'y passaient et je me disais "wow, je vais jouer dans cet endroit", il y a un son très beau. J'étais dans un pu***n d'état d'excitation ! (Rires). C'était super, autant que mes attentes finalement, c'était magique.

As-tu quelque chose d’autres à dire aux fans qui vont lire cette interview ?

Venez nous voir le 10 octobre. Nous allons jouer tout ce que nous pourrons, tenir le plus longtemps possible sur scène. Cela va être génial, une pure nuit de musique. Il y a l'humilité, la collaboration et le rapport avec le public, donc ça devrait être un bon concert !


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