EMP Powered by Holy Records

Interview date

09 Mai 2012

Interviewer

fifi59

I N T E R V I E W

Interview Philippe Courtois (par mail)


Salut Philippe, merci d'accorder cet entretien au webzine auxportesdumetal.com. Tout d'abord, peux-tu nous indiquer pourquoi tu as appelé ton label Holy Records ?

Bonjour Fifi59. Pour le choix du nom, j'étais à l’époque très impressionné par le côté « Satanique » et religieux du Metal extrême. Comme je suis un garçon qui aime bien le conflit et la transgression, j'ai trouvé innovant à l'époque d'utiliser un terme Divin, positif et religieux pour établir un contrepoids avec les valeurs véhiculé par l'underground. Holy était une évidence, car pour nous le Metal est sacré, il coule dans nos veines. Fin 1991, quand Séverine Foujanet à décidé de monter un label indé avec moi pour terminer nos études de BTS, elle a tout de suite accepté le nom Holy Records. C'est sûrement aussi un clin d'œil au titre de la première démo de Misanthrope de 1989 : « Inductive Theories ». Vingt ans plus tard, j'aime toujours ce nom Holy Records et les Holy Maniacs aussi. C'est pour cela que nous l’avons accolé à EMP en 2009 quand nous nous sommes jumelés avec le géant allemand. Notre nouvelle structure est aujourd'hui EMP powered by Holy Records.

Quels sont tes genres préférés au sein du Metal ? De quels groupes es-tu fan ?

J'aime énormément de groupes de tous les styles. J'ai eu la chance de pouvoir écouter, grâce à mon métier, toutes la production musicale Metal de 1986 à 2009 ! J'aime les groupes français des années 80, les groupes français de Black, Doom, Death, Thrash de 1985 à 2000, bien sûr toutes les productions Holy Records… et les grands classiques : old Morbid Angel, Paradise Lost, Hellhammer-Celtic Frost-Triptykon, My Dying Bride, Mercyful Fate, Bathory, old Sodom, old Destruction, old Metallica, old Iron Maiden, Wehrmacht, old Suicidal Tendencies, Darkthrone, Motörhead, Coroner, Massacra, Death, old VoïVod, Septicflesh, old Hellowen, Katatonia, Carcass, old Entombed, Behemoth, Opeth, Unleashed etc…

Pourquoi as-tu décidé de monter un label Metal ?

Adolescent, j'étais fasciné par le Metal, ces groupes et ces labels undergrounds. Autour de moi, en 1989/90, il y avait une effervescence de jeunes labels indépendants et admirables, Nuclear Blast Records, Thrash Records, Sydney Production, Devil’s Records, Putrefaction Records, Semetery Records, New Wave Records, Deathslike Silence production, Jungle Hop. Nous avons eu la chance d'être proches de Val, de Thrash Records/Infest Records en 1990/1991. J'ai rencontré le gérant de Sydney Production en 1989, nous étions en contact par courrier avec toutes ces structures et je suis passé de nombreuses fois chez Jungle Hop. Nous avons analysé leur travail, après observation, et nous avons monté notre Label, avec déjà une idée précise du milieu, des valeurs et un but. C'était notre destinée.

Quelles furent les diverses étapes liées à la création d'Holy Records ?

Il nous a fallu trouver beaucoup de temps, d'énergie et d'argent pour produire, faire le mastering, fabriquer mille LP et mille CD en 1991 et les distribuer. Une fois l'argent et l'artiste trouvés, nous avons monté une association qui s'est transformée en une SARL en 1994. Séverine et moi avons gagné notre premier salaire début 1995 chez Holy Records ! Nous ne remercierons jamais assez nos familles qui nous ont hébergés et nourris durant les quatre années de lancement de cette entreprise passionnante.

Quelles sont les priorités au niveau des styles pour Holy Records ?

Aucun style de prédilection, juste le talent de l'artiste, le coup de cœur à l'écoute d'une démo ou de la prestation scénique d'une formation lors d'un concert. Le style du Label dit « Avant-Garde » n’est qu'une invention des médias. C’est l'identité musicale de Séverine et de moi, nos intuitions qui ont créé le style Holy Records… rien d'autre.

Comment cela se passe-t-il pour signer un groupe ? Quels sont les critères ?

Avec Holy Records, il n'y a aucun critère, on aime et on signe ou on n'aime pas et on zappe. Notre concept était de prendre un groupe vierge sans album et de tout faire pour lui (choix du studio, du producteur artistique, création graphique, mastering, promotion mondiale, distribution mondiale) pour qu'il n’ait que la musique en tête. C'est beaucoup de travail mais nous ne nous sommes jamais pliés à un choix « commercial ». Nous voulions développer un coté plus « Arty » pour le Metal à une certaine époque. Je pense, avec du recul, que nous avons essayé de remonter le niveau artistique et créatif de notre scène ! C'est très bon pour l’image du Label, mais nous avons énormément investi d'argent pour un résultat commercial trop souvent décevant.

Quel fut le premier groupe signé chez Holy Records ? Quels souvenirs en gardes-tu ?

C'est un souvenir inoubliable. En 1991, nous avons reçu un flyer découpé en forme de croix pour un album à venir du groupe grec NIGHTFALL. Nous connaissions leur excellente démo « Vanity » via Steph Le Saux du ‘Zine « In My Veins » (actuellement BlogMastermind sur Temple of Perdition). Nous avons écrit à Efthimis Karadimas une lettre par La Poste ! Du genre « Si cela t'intéresse, nous sortons ton album en CD et LP car nous montons un nouveau Records Label ». Pour Efthimis, son flyer était un « appât », il n'avait aucun label derrière lui pour sortir « Parade Into Centuries ». Ce fut une rencontré inespérée pour les deux parties. Vers mars-avril 1992, le contrat était signé. En juin 1992, nous avons fait le mastering + test pressing (il y a pile vingt ans) et l'album est sorti au départ uniquement par VPC, en septembre 1992, version LP et CD. Nous nous souvenons de tout, le mastering, la création de l'artwork, les photos, la première chronique dans un mag national, la réception du stock à la maison de mes parents, la première écoute du CD sur ma chaine stéréo ah ah ah. C’était une période bénie par les Dieux du Metal.

En matière de budget pour l'enregistrement, la promotion, les concerts pour un groupe, quelle est la politique d'Holy Records ?

Il y a eu tous les exemples chez nous. De la licence d’un « Master » à la production complète de A à Z d’un album, avec en bonus tournage d'un vidéo-clip et organisation d'une tournée. Au niveau de la promotion, tous les groupes ont toujours eu la même chose. Par contre, c'est vrai, produire "Revolution DNA" de SepticFlesh ou "Diva Futura" de Nightfall, ça n'a pas du tout le même coût qu'un album de Rajna ou Division Alpha. La politique d'un label doit évoluer selon le marché sinon tu coules rapidement. Il faut économiquement t'adapter. Holy Records était à l'époque une S.A.R.L. avec quatre salariés et d'immenses bureaux de quatre cents m2 … le coup fixe mensuel du label était énorme. Dans toutes choses, il y a deux poids deux mesures, même si ton désir le plus profond est d'être juste et respectueux envers l'artiste et le consommateur de l'album en bout de chaîne.

Comment les prix des albums sont-ils fixés ?

Chez Holy Records, nous avons toujours voulu la politique du prix le plus bas possible, 10-13€ le CD et pas de surcoût pour les luxueuses versions Digipack. Aujourd’hui, tout notre catalogue est à 9,99€ sur notre nouveau site EMP powered by Holy Records.

Comment se passe la distribution des albums du label ? Dans quels pays les retrouve-t-on ?

Dans les années 90-2000, nos CDs était disponibles dans les boutiques du monde entier. Aujourd’hui, à l'ère de la dématérialisation, il n'y a que des CDs de majors en boutique, les rayons des Virgin/Fnac sont vides. Donc, nous nous concentrons sur les ventes sur nos stands aux concerts, festival et bien sûr la vente par correspondance via www.emp-online.fr.

Comment accueilles-tu une bonne chronique d'album ? Et lorsqu'une mauvaise chronique paraît avant la sortie de l'album, quelle est ta réaction ?

Il faut du respect pour l'artiste et pour son œuvre, après cela tu peux dire ce que tu veux. Aujourd'hui, la majorité des gens écoutent la musique gratuitement en streaming, donc ils se font leur propre avis. Les chroniques sont importantes pour une petite frange de la population qui continue à consommer du CD, à acheter des mag papier. Je pense qu'il ne faut pas les freiner dans leur désir d’acquérir un album. Les artistes en vendent tellement peu de nos jours. Le problème c'est l'intégrité et la valeur d’une chronique. Tu sais "Into the Pandemonium" de Celtic Frost à reçu la note de 0/100 dans le mag anglais Metal Forces en 1987, alors que vingt-cinq ans plus tard, c’est l'un des dix albums les plus importants de la scène Metal de tous les temps. Il faut choisir ses goûts musicaux par soi-même et non pas suivre les mots d’un autre.

Holy Records est actuellement en stand-by. Quelle est la situation actuelle du label et des groupes ? Holy Records va-t-il bientôt être réactivé ? Prévois-tu la signature de nouveaux groupes ?

Effectivement, nous attendons la fin de la mutation de cette ère incompréhensible avant de revenir en première ligne. Nos dernières sorties, Ufych et Argile, datent de Mai 2010... comme le temps passe vite ! Nous travaillons actuellement sur les nouveaux Supuration, Misanthrope, Orakle, Kaddenzza et Stille Volk. Aucune nouvelle signature n'est à l’horizon car il n'y a malheureusement pas de marché pour l'accueil. Par contre, en 2012, nous venons de rééditer le "Crucidiction" de Tristitia en Digipack, le "Maudat" de Stille Volk avec deux bonus vidéo, et nous venons de sortir un double vinyl gatefold deluxe en trois versions (Noir, Splatter et Or) du "Sahara" de Orphaned Land. Quel plaisir de refaire du vinyl sur Holy Records !

J'attends avec impatience la sortie du nouvel opus de Misanthrope, peux-tu nous en dire quelques mots ?

Nous espérons le sortir en septembre, pour les vingt ans d'Holy Records… mais chut, c'est Top Secret ! Voici un indice : il sera d'une durée de soixante-six minutes.

Quel est la plus grosse vente du label depuis sa création ?

ELEND "Les Ténèbres du Dehors" (HOLY17CD), avec trente-cinq mille exemplaires… c’était en 1995 ! Depuis, impossible de faire mieux. Bravo aux artistes.

Que penses-tu du téléchargement ?

C'est une vieille question bien dépassé. Aujourd'hui, malheureusement pour les artistes, la musique s'écoute gratuitement en streaming. Le modèle économique du Label indépendant et de l'artiste indépendant qui vit de l'exploitation de sa musique physique est complètement terminé. Alors tu trouveras toujours un exemple pour me contredire. Mais un exemple n'établit jamais une règle.

As-tu une opinion sur les moyens à employer pour réduire le téléchargement illégal ?

C'est terminé tout ça pour moi. J'ai passé assez d'années à me prendre la tête. Les Majors comme Universal génèrent plus d'argent aujourd’hui en vendant des accès à internet que de la musique. Donc ils sacrifient leur musique (mais aussi celle de tous les autres) pour s'enrichir avec vos téléphones portables et vos connexions à haut débit. Et comme d'habitude, c’est l'Artiste et le Label indépendant qui tombent, car nous n'avons rien d'autre que la musique pour vivre. Nous vivons dans une société cannibale, ce n'est pas nouveau. Pour se consoler, il faut juste regarder en arrière sur les superbes années de 1992 à 2002… c'était vraiment une expérience extraordinaire et inégalable.

Qu'en est-il des ventes à cause de ça ?

Il n'y a plus de ventes depuis des années. Il ne reste que les mélomanes qui ne veulent pas de Ipod  et quelques collectionneurs fans de Digipack et autres Vinyles. C'est comme ça, nous vivons avec et nous avons aujourd'hui un nouveau métier pour nourrir nos familles.

Comment vois-tu l'avenir de la musique ?

Pour les gros groupes, AC/DC, Metallica, Motörhead, Rammstein, Iron Maiden, Amon Amarth, Kiss, Manowar, Guns N’ Roses, M. Manson, Nightwish, Slayer, Volbeat, In Flames etc… il y a toujours beaucoup de business à faire. Pour les autres, c’est un hobbie formidable. Certain font du golf, d’autres du polo, nous autres nous jouons dans un groupe de Metal.

Quel est ton meilleur souvenir au sein du label ? Et ton pire ?

Quand les artistes et les fans nous disent merci, c'est la plus belle des récompenses, Séverine et moi sommes souvent très émus. Le pire ? Qu’est-ce qui peut être pire que la destruction de ton travail-passion en trois- quatre années par le développement technologique ?! Mais le pire fut de ne pas réussir à commercialiser un artiste à la hauteur de son talent. C'était difficile à vivre philosophiquement.

Comment vois-tu l'avenir d'Holy Records ?

Comme un label mythique de la scène Metal des années 90 avec un âge d'Or de 1992 à 2002. Notre avenir est derrière nous car nous sommes réalistes et nous avons un esprit d'analyse concret. Aujourd'hui, notre avenir c'est EMP powered by Holy Records. Et ça, c'est vraiment encore plus énorme !!! Nous sommes heureux.

Que penses-tu de la scène Metal française ?

J'adore et j’ai toujours adoré le Metal français, c’est mon moteur, je collectionne le Metal français des années 80 et le Death Thrash des années 80/90. Mais le Black et le Modern sont aussi d'un niveau fantastique chez nous. Nous sommes très gâtés avec la qualité de notre scène comparée à nos voisins. Les groupes français ont une haine et une authenticité unique car nos artistes savent que ce style est et restera « Underground ». Il n'y a qu'un Trust et qu'un Gojira.

Qu'écoutes-tu en ce moment ? As-tu pris une claque dernièrement ?

Je n'écoute plus toutes les nouveautés… et c'est cool, maintenant j'écoute enfin que ce que j'aime ! Oui, beaucoup de claques ces deux dernières années avec Ghost, Thulcandra, Alcest, Vallenfyre, Revocation, Lord Vicar, Mustasch, Solstafir, Huntress, Alternative Cult, Azarath… la scène mondiale est colossale !

Selon toi, quel est l'apport des webzines dans la sphère Metal (rôle, promotion des albums, des groupes...) ?

C'est génial, c'est une information constante en instantané. Mais attention, il ne faut pas noyer l'information, trop d’info tue l'info. Facebook aussi, c’est la révolution de la communication. J'adore vivre avec mon temps et enfin partager notre passion de la musique Rock et Metal avec vous.

Merci pour cette interview Philippe, je te laisse le mot de la fin !

Merci pour tout fifi59, c'était une interview très intéressante. Et venez faire un tour sur notre Facebook EMP France et sur le site web emp-online.fr où vous trouverez les CDs mais aussi les fringues Metalllllll. Bonne route. Amicalement.


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