Sabaton

Interview date

29 Avril 2010

Interviewer

Ostianne

I N T E R V I E W

Interview Joakim Brodén (par téléphone)


Vous avez sorti quatre albums en quatre ans, même si "Metalizer" est plus une ré-édition de votre premier album. Après "The Art of War", vous avez attendu deux ans pour sortir "Coat of Arms". Etait-ce nécessaire pour vous de prendre ce temps ou cela vous-a-t-il été imposé ?

En fait, c'est la tournée qui nous y a forcés. Nous avons fait plus de cent-soixante concerts pour The Art Of War Tour. Pour être honnête, on n'a pas eu le temps de faire un album aussi vite qu'avant. (Rires).

"The Art Of War" a été très bien accueilli par la presse. Cela vous-a-t-il encouragé pour "Coat of Arms", ou au contraire, vous avez eu peur de ne pas faire un aussi bon album que celui-là ?

Au début, surtout quand on écrivait et composait l'album, on voulait que personne ne soit déçu, et surtout pas les fans. Je veux dire par là que si quelqu'un qui n'aime pas Sabaton n'aime pas l'album, je m'en fiche, mais si un fan de Sabaton est déçu, je ne serais plus du tout content (rires). Mais une fois qu'on a commencé à enregistrer l'album et que tout fut fait, nous nous sommes dits "c’est un album, faisons-le !".

C'est la première fois que vous sortez un album avec Nuclear Blast. Etes-vous contents du travail qu'ils ont effectué sur cet album?

Ça n'a pas eu d'effets. Nous avons fait ce que nous faisons habituellement, on s'est enfermé dans un studio, enregistré la batterie avec Peter Tägtgren de Pain et Hyprocrisy, puis on a enregistré les autres instruments, la basse, les guitares, la voix et les claviers, tout cela dans nos studios.

Sur cette pochette, on voit un oiseau qui peut faire penser à l'aigle germanique. C'est une idée que vous avez eu avant ou après la composition de l'album ?

Et bien... (Rires). Pour être honnête, c'est un phoenix et dans notre cas, c'est plus un aigle Polonais. Mais je peux comprendre que quelqu'un qui regarde la pochette puisse penser cela. Mais en prenant en compte notre propre histoire, et le sujet des chansons de l'album qui peuvent être agressifs, ça aurait accru les problèmes.

Peux-tu nous parler des sujets de chaque chanson, un track-by-track ?

Oui bien sûr ! La première chanson s'appelle "Coat of Arms". Elle parle de la guerre Gréco-Italienne, quand les Italiens ont envahi la Grèce et ont posé un ultimatum à Metaxás.
La deuxième est "Midway", et parle de la bataille de Midway qui a eu lieu entre les Américains et les Japonais dans l'océan Pacifique.
La troisième chanson est "Uprising". C'est sur le soulèvement qu'il y a eu en 1944 à Varsovie. C'est une histoire de trahison et comment les civils ont combattu les Nazis.
La quatrième est "Screaming Eagles". C'est sur la bataille de Bastogne et ça parle de la façon dont les Allemands ont été encerclés par la cent unième division aéroportée.
La cinquième chanson s'appelle "The Final Solution". Elle parle de l'Holocauste. C'est une sorte de chanson oppressante.
Puis nous avons la chanson "Aces in Exhale" qui est un hommage aux pilotes étrangers qui se sont battus lors de la bataille d'Angleterre. Ils étaient Polonais, Tchèques, Hongrois et même Français et Canadiens et leur participation à la bataille d'Angleterre n'a jamais été reconnue.
Puis nous avons la numéro sept qui est "Saboteurs". Celle-ci parle du raid commando Norvégien. Quelques Norvégiens très courageux s'entrainaient en Ecosse et ont comploté avec les forces aériennes. Ça s'est passé en hiver et ils ont fait un voyage assez difficile, mais ils ont renversé la production d'eau lourde afin que l'Allemagne et Hitler ne puissent pas produire la bombe atomique.
On en vient à "Wehrmacht". Une autre chanson controversée. (Rires). D'une certaine façon, ça traite de l'efficacité des soldats de la Wehrmacht dans la machine de guerre qu'était l'Allemagne. Dans un même temps, on pose la question : "les soldats de la Wehrmacht en faisaient-ils vraiment partie ou étaient-ils victimes de la propagande ?"
Puis on a "White Death", qui est la neuvième chanson. On y parle de Simo Häyhä, un sniper Finlandais. Il a tué beaucoup de personnes, plus de sept-cent en moins d'un an pendant la Guerre d'Hiver, l'un des meilleurs snipers qu'on n'ait jamais connu. Ce sont les Russes qui lui ont donné ce surnom, White Death (ndlr : la Mort Blanche en français), parce que son manteau de sniper était blanc, qu'il faisait profil bas et qu'il se mettait de la neige dans la bouche afin de ne pas être repéré à cause de sa respiration.
Et pour finir, nous avons la chanson numéro dix qui est "Metal Ripper" et qui ne traite pas de la guerre. Nous avons-nous-même composé la musique, mais les paroles viennent de différentes chansons de différents groupes de heavy metal ou hard-rock.

Sur cet album, il y a "The Final Solution" et "Wehrmacht" qui peuvent être un rappel brutal de la réalité, simplement avec leurs titres. Vous n'avez pas peur de "blesser" les gens avec ces deux choses là en Allemagne, mais aussi dans les autres pays qui ont connu cette période ?

Jusqu'ici les Allemands ont été très gentils avec nous, même si on parle d'eux dans chacun de nos albums. (Rires). Il y a en a quelques uns bien sûr, qui ne sont pas metalleux, qui pourraient réagir à des titres comme ceux-là. Je veux dire, on garde toujours des traces de notre travail, on peut voir les paroles des chansons et donc après, neuf personnes sur dix disent "oh !". Mais il y aura toujours une personne sur dix qui se mettra en travers de notre chemin quoique l'on puisse dire. Mais tu sais, de la part des Allemands nous n’avons eu que très peu de mauvaises réactions, voire même pas du tout. Ils savent qu'on parle de l'Histoire et qu'on ne fait pas de propagande politique. On ne critique pas du tout l'Allemagne, on parle juste de faits historiques qui se sont produits. Peu de personnes, voire même personne n'approuve ce qu'on fait les Nazis en Allemagne entre 1939 et 1945.

Les refrains sont souvent accrocheurs. Comment faîtes-vous pour avoir cet effet ?

Oh ! Je ne sais pas. C'est ce qui nous donne une poussée d'adrénaline, ce qui va nous donner envie de le faire sur scène. C'est plus facile pour nous de donner une part d'engagement au public. Quand on écrit quelque chose, on essaye de le faire le plus accrocheur possible, et avec de la chance, le public le ressent et nous suit.

Oui, parce que quand j'écoutais l'album, je le vivais comme si j'étais à un concert, imaginant les réactions du public...

Oh ! Oui, c'est comme ça qu'on travaille les morceaux parfois. Quand je commence à écrire, je ne pense à rien sauf faire une bonne ligne mélodique et emplie d'émotions. Puis quand j'arrive au milieu de la chanson, normalement, je commence à voir ce que ça va donner en concert.

Sur "Midway", ta voix a été retravaillée à l'aide d'un ordinateur. Penses-tu que la technologie puisse mettre en valeur la musique ?

C'est possible parce qu'en studio il y a tellement d'options. On passe trop de temps à faire des choix, à se demander si on doit faire ceci avec les guitares, si on doit utiliser tel effet et si on ressent toujours notre créativité dedans. Mais une fois que tu es passé au travers de tout cela, tu élimines les différents choix en étant sélectif. Et après, c'est vraiment super car la technologie peut être utilisée sur toi. Mais tu sais, quand j'écris une chanson, si j'ai un doute sur quelque chose, finalement, c'est moi qui prends la décision et non la technologie, donc ça ne change rien. Si j'ai une idée précise, c'est plus rapide et plus facile pour moi d'écrire la musique et de ne pas avoir à faire à la technologie, même si j'en utilise.

A cause ou grâce à ton accent, on comprend facilement les paroles des chansons. Est-ce important pour toi d'être compris par les auditeurs même s'ils ne lisent pas les paroles ?

Oui. On essaye de le faire le plus possible. Comme les paroles sont aussi importantes que la musique... On n'écrit pas une super chanson sans n'en avoir rien à faire des paroles. On s'investit beaucoup quand on écrit les paroles, mais aussi quand j'enregistre les parties vocales. Mon chant est très souvent exagéré. C'est une manière pour nous d'en faire un peu trop, mais de rendre les paroles plus compréhensibles.

D'après toi, qu'est-ce qui va le plus surprendre les auditeurs sur cet album ?

La plus grosse surprise ?! Oh ! C'est difficile ! Je vais sûrement dire "The Final Solution". C'est un choix délibéré d'avoir fait une chanson appelant à la controverse à cause des paroles. Les chansons de cet album sont assez heavy, celle-ci l'est moins et ne parle pas d'une bataille. C'est la première fois depuis un long moment qu'on écrit une chanson qui ne parle pas vraiment d'une bataille. Donc, je pense que ça sera "The Final Solution".

Aujourd'hui vous enregistrez un vidéo-clip pour le single. Peux-tu nous en parler un peu ?

Aujourd'hui, on filme une vidéo pour la chanson éponyme, "Coat of Arms". Ça va être filmé dans la ville où l'on vit et dans le studio qu'on a là-bas. On va filmer les parties avec le groupe et puis après, on va avoir des animations veillottes qui seront intégrées dedans. Et puis, on va faire une autre vidéo pour l'Asie avec la chanson "Uprising". Il va y avoir des acteurs Polonais qui interpréteront les combattants et aussi Peter Stormare, un acteur Américain. On devait le faire en avril, mais il y a eu cet accident avec le président Polonais et son cabinet, donc on a décidé de ne pas l'enregistrer en cette période de deuil, parce que ça aurait été assez impoli pour les Polonais. Donc, on devait l'enregistrer la semaine suivante, mais ce putain de volcan Islandais a décidé de nous barrer la route. Donc à cause du nuage de cendres, on a du le repousser une fois de plus.

Tout était contre vous pour ce clip !

Oh oui ! Parfois on se disait : "Nous ne sommes pas censés faire cette vidéo !" (Rires).

Est-ce que votre raisonnement a changé entre votre premier album et "Coat Of Arms" ?

D'une certaine manière, oui. Je me souviens quand on enregistrait notre premier album, "Metalizer", même s'il n'est pas sorti comme tel, nous voulions que tout soit parfait. C'était notre premier album, nous n'étions jamais allés en studio avant, nous étions totalement inexpérimentés. Nous voulions que les gens pensent que c'était parfaitement combiné. On a pris beaucoup de temps pour en faire quelque chose de propre, et pour être sûrs que le chant était bien placé et d'autres choses comme ça. Maintenant, quand on enregistrait "Coat Of Arms", notre secret était déjà révélé, les gens savent que nous sommes capables de faire toutes ces choses. (Rires). Donc, nous n'avons plus à nous préoccuper de cela à présent. Bien sûr, maintenant, on a pris du recul, ça a pris du temps, mais on essaye toujours de mettre la performance en premier. Je veux dire, qui cela intéresse-t-il ? Si c’est une bonne chanson ou une chanson avec de bonnes lignes de chant, alors, on s'en fout que cela ne soit pas parfaitement bien monté ou juste. Si une chanson est très bonne et pleine d'émotion, alors on la garde.

Il y a beaucoup de release party pour cet album, et pas seulement en Suède. Pourquoi en faire autant ?

Parce que c'est pour nous une chance de présenter et de jouer l'album, d'avoir des réactions à chaud, s'assurer que les fans pourront nous rencontrer et avoir des autographes. On peut se produire et se détendre plus facilement, parce que, quand on est en tournée, après un concert, on en a un autre à assurer le jour d'après. Et même si on peut boire une ou deux bières après le concert, on ne peut pas vraiment être saouls, sinon, on a une gueule de bois le lendemain. (Rires). Donc, ça nous donne la chance de rencontrer les fans, signer des autographes et d'être bourrés !

A part le Hellfest, vous n'allez donner qu'un concert en France alors que vous allez donner quelques concerts dans chaque pays dans lesquels vous allez passer. Peux-tu expliquer pourquoi il n'y a qu'une date ?

C'est facile. Parce qu'on a du boucler les dates avec notre agent. Ils ont bouclé la tournée en y incluant qu'une seule date en France, aucune en Espagne et une seule en Italie, ce qui nous a énervé et nous lui avons dit « non, non, non ». Donc le plan, c'est qu'on va donner des concerts supplémentaires en France, en Italie et en Espagne, début 2011, je pense en janvier. On va regrouper les concerts, parce qu'il y a un délai à respecter. Et nous voulons donner des concerts partout parce qu'on ne veut pas que les gens voyagent beaucoup pour voir un show de Sabaton. C'est mieux d'aller là-bas, de faire ce que l'on doit dans tous ces putains d'endroits !

Et vous allez tourner avec Alestorm. Que penses-tu de ce groupe ?

Que ce sont des Ecossais complètement fous ! On s'est rencontré plusieurs fois, à l'occasion de festivals, ils sont déjà venu à quelques un de nos concerts, certains membres sont fans de Sabaton. Ce sont des personnes avec qui il est super de s'amuser, même si on ne peut rivaliser avec eux, sinon, ils nous font rouler sous la table. Ces mecs peuvent boire un nombre affolant de bière et le font sans soucis. Je pense que ça va être une tournée de folie ! Et pour finir, pour les afters, quand on va avoir un jour de repos, je sens que je vais avoir de belles migraines !

J'espère que vous ne serez pas bourrés sur scène !

Je ne pense pas. Et puis, ils boiront après le concert. Mais la différence est la suivante, quand on peut boire cinq bières, eux en boivent quinze ! (Rires).

Et quelles seront les prochaines étapes après la sortie de "Coat of Arms" et la tournée ?

Après la tournée, on va donner quelques concerts en France, en Italie et en Espagne. Après, on va sûrement faire un tour rapide aux Etats-Unis. Nous y sommes déjà allés deux fois pour quelques shows, mais pas pour une véritable tournée. Après, on va lire un peu, penser à des guerres. A ce moment là, on sera en tournée depuis à peu près un an. Donc je pense que quelques membres du groupe vont prendre deux semaines de vacances et moi, je vais commencer à travailler sur le prochain album. Nous allons jouer dans des festivals pendant l'été 2011, et quand je n'irai pas aux festivals, je travaillerai sur les nouvelles chansons. Avec un peu de chance, on aura un nouvel album début 2012.

Ecrire sur les guerres et les batailles semble être un sujet sans fin, mais n'as-tu pas peur qu'un jour, vous en ayez marre de toutes ces histoires ?

Non. Elles sont si différentes. Il y a des histoires tristes à raconter, mais aussi, et c'est triste à dire, mais il y en a aussi des joyeuses. Il y a aussi de bonnes histoires. Je veux dire par là que la guerre fait ressortir les bons aspects et les mauvais aspects d'une personne. Et par exemple, nous cherchons à écrire sur des personnes qui font des choses superbes et de manière désintéressée. Mais je serais surpris si tous les albums de Sabaton ne traitaient que de la guerre. Nous allons sûrement faire un ou deux albums qui ne traiteront pas de la guerre, mais qui y seront tout de même rattachés. La guerre, c'est notre truc et nous aimons écrire dessus et il semble que nos fans aiment cela, donc je vais dire que la majorité des albums parleront de la guerre et cela nous intéresse vraiment et on s'investit là dedans. On aime lire là-dessus, entendre des histoires.

C'est une sorte de passion...

Oui, un intérêt morbide et malsain ! (Rires).

D'après toi, quel est l'événement qui a le plus changé la carrière de Sabaton ?

Oh, je ne sais pas vraiment. Vu le point où on nous en sommes dans notre carrière, je dirais que c'est l'album "The Art Of War" et ce que l'on a fait dessus. Parce qu'on a eu beaucoup de fans, beaucoup de monde a découvert le groupe avec cet album et la tournée. Mais d'un point de vu personnel, c'est plutôt la nuit du 7 au 8 septembre, l'an dernier. Nous avons eu la possibilité de jouer à Wizna, sur le champ de bataille, et nous chantons là-dessus sur la chanson "40 1" sur l'album "The Art Of War". C'était le soixante-dixième anniversaire, donc ça fait soixante-dix ans que la bataille a eu lieu, et nous nous tenions là. Nous étions sur le champ de bataille, devant 8 à 10 000 Polonais qui criaient. C'était une nuit merveilleuse.

Tu as quelque chose à ajouter pour nos lecteurs qui attendent avec impatience d’écouter l'album ?

Tu sais, c'est la question la plus difficile. J'essaye toujours de dire quelque chose dans la langue locale, si tu vois ce que je veux dire, et je suis très mauvais en français. Donc, je vais y aller en disant merci beaucoup ! (Rires).