Groupe:

Operation: Mindcrime + I.C.O.N + Fire & Water

Date:

18 Décembre 2015

Lieu:

Vauréal

Chroniqueur:

Blaster Of Muppets

C'est avec curiosité mais aussi avec une certaine appréhension que je me suis rendu au concert d'Operation: Mindcrime, nouveau groupe de Geoff Tate (ex-leader de Queensrÿche) le 18 décembre dernier. Déjà, je n'ai pas été véritablement conquis par The Key, l'album sorti par ces messieurs au mois de septembre. Me précipiter pour assister à la tournée promotionnelle d'un disque qui ne m'a pas passionné n'allait pas de soi. Mais d'un autre côté, on nous a annoncé un concert pendant lequel l'album de Queensrÿche qui a donné son nom à ce nouveau groupe serait joué en intégralité. Alors, pourquoi pas ? Mais même là, ce n'est pas si simple... car j'avais peur que Geoff Tate n'arrive pas véritablement à rendre justice aux meilleures compos de son ancien groupe. Je me souviens notamment d'un show de Queensrÿche donné au Hellfest en 2009 pendant lequel le frontman m'avait semblé usé. Son chant avait clairement perdu de sa superbe. Alors oui, j'ai hésité... et finalement, la curiosité et l'envie de donner à Tate et ses partenaires la chance de défendre leur nouvelle collaboration sur scène l'ont emporté. Quand même, voir un tel musicien (même si le blason Tate a été quelque peu terni ces dernières années) en si bonne compagnie (on compte notamment dans le line-up un certain Simon Wright, batteur ayant joué chez AC/DC ou Dio) dans un endroit aussi convivial que le Forum de Vauréal est plus que tentant. Et rétrospectivement, à l'heure où j'écris ces lignes, je me dis que j'ai bien fait... car la soirée fut très agréable. 

Tout a commencé avec un duo nommé Fire & Water. On n'a pas su tout de suite qu'il s'agissait d'un duo, cela dit. Un guitariste seul s'est présenté sur scène et a commencé à jouer de son instrument pour chauffer la salle. Sa dextérité à la guitare sèche s'est vite imposée à nous... mais c'est quand une jeune femme armée de son saxophone est arrivée sur scène que les choses ont commencé à être plus intéressantes. Ensemble, le duo s'est lancé dans une reprise de Led ZeppelinBabe I'm Gonna Leave You. A la fin de la chanson, on en a su plus sur ces deux personnages. Ils viennent d'Irlande et font donc partie de Fire & Water, groupe qui contiendrait habituellement pas loin d'une dizaine de musiciens. C'est donc une version réduite de la bande qui nous est offerte ce soir. Les deux Irlandais enchaînent avec une composition originale - dont le titre m'échappe - assez enlevée, très sympa... avant de continuer avec The Shepherd, plus cool et bluesy. La voix éraillée de Tomas passe bien et cette musique folk bien exécutée par ces deux musiciens souriants est plaisante et facile d'accès.


Il faut bien faire un peu de promo, alors le duo nous présente son CD et Tomas nous informe qu'il serait sympa de l'acheter car il aurait bien besoin d'un nouveau pantalon ! Au vu du jean qui contient plus de trous que de tissu, on a bien envie de l'aider... ne serait-ce que pour s'assurer que le jeune homme ne succombe pas à une pneumonie avant la fin de l'année. 

Sur le morceau suivant, quelque chose de très sympa se produit. Tomas et Clodagh (oui, c'est aussi ça l'Irlande, des noms "exotiques") s'exécutent quand, au bout d'une minute, ils sont rejoints par quelques musiciens d'Operation: Mindcrime. On voit tout d'abord le bassiste John Moyer arriver par le coin droit de la scène, puis on remarque que Simon Wright s'est installé derrière la batterie... Discrètement, par la gauche, Randy Gane se faufile derrière un clavier alors que Scott Moughton entre également avec sa guitare pour rejoindre la troupe. Ce petit boeuf improvisé est plus que réjouissant et la salle acclame les musiciens comme il se doit. Moyer en profite pour nous dire que cet "accident" est né lors d'une répétition dans l'après-midi et ajoute avec humour qu'il faut soutenir Fire & Water car ils ne rentreront chez eux que s'ils arrivent à se payer leur billet d'avion ! On sent que les deux Irlandais sont aux anges... La charmante Clodagh en profite d'ailleurs pour demander au public de lui envoyer des vidéos au cas où ce jam providentiel aurait été filmé ! 

Cet apéritif léger se termine avec un hommage au guitariste (irlandais, lui aussi) Rory Gallagher. C'est Out On The Western Plain que Fire & Water a décidé de jouer et Tomas la dédie à tous les musiciens d'Operation: Mindcrime. Le guitariste se fait plaisir au moment d'un break pendant lequel il posera sa guitare sur un tabouret afin de se lancer dans une petite démonstration de jeu à l'horizontal... quelques instants plus tard, il rependra son instrument et en parcourera le manche avec un briquet allumé (!). Aaahhhh... les gimmicks de guitaristes ! 

 

Quelques minutes plus tard (rarement vu un enchaînement aussi rapide entre deux groupes), c'est I.C.O.N qui entre en scène... La rupture de ton est totale. Les Anglais pratiquent le gros heavy metal qui tache ! Le premier morceau intitulé Feeding The Negative fait dans le tempo rapide et la guitare tranchante... alors que The Blacklist, plus mid-tempo, invoque un gros riff bien gras qui évoque les légendaires Black Sabbath. D'ailleurs, le guitariste aurait des posters de Tony Iommi et Zakk Wylde dans sa chambre que je ne serais pas étonné. Il semble très influencé par le jeu de ces deux monstres sacrés... quant à ses poses sur scène, elles semblent directement calquées sur celles de Wylde. Tout cela n'est pas très finaud mais entraînant. Le quatuor mouille la chemise et on se laisse faire sans trop de résistance.

 
Petit truc amusant... John Moyer (oui, toujours celui d'Operation: Mindcrime) doit vraiment être impatient de monter sur scène car après son intervention sur le set de Fire & Water, le voilà qui reprend le micro pour présenter le groupe, leur faire servir du champagne (apparemment, ils en auraient bavé pour être là ce soir... et c'est l'anniversaire du batteur !) et se moquer un peu d'eux ("on dirait des gros durs comme ça mais en fait, ce sont de gros minous"). Les gars sont morts de rire, tout le monde boit sa petite coupette sur scène, les musiciens de Fire & Water sont également de la partie... ce petit parfum de fête et cette bonne entente entre les différents protagonistes de l'affiche ont quelque chose de super plaisant.

Grâce à une volonté d'en découdre certaine de la part du quatuor, les quarante minutes du set d'I.C.O.N passent bien... même si les compos proposées par les Anglais ne s'imposent pas comme les plus marquantes qu'il m'ait été donné d'entendre dans le genre.

Setlist I.C.O.N :

01. Feeding The Negative
02. Devil's Blacklist
03. Drowing In Their Screams
04. Messiah
05. Grindin' Wheel
06. Welcome To My War
07. Deconverted
08. Prize
09. NBL
10. Warning

 

Et maintenant, il est l'heure de passer au plat de résistance. Ce n'est pas un secret, Operation: Mindcrime, le groupe, a prévu de jouer Operation: Mindcrime (l'album) en intégralité. Et histoire de ne pas perdre de temps et écourter le suspense, c'est I Remember Now qui résonne dans les enceintes du Forum alors que les premiers membres de l'équipe montent un à un sur scène. C'est donc le glorieux passé de Geoff Tate qui sert d'introduction à son nouveau groupe ce soir. Et on aura beau s'interroger sur la pertinence de la démarche, on ne pourra pas nier l'effet positif de ce démarrage sur le public. Car oui, c'est avec un enthousiasme indéniable que les fans (de moins en moins nombreux, il n'y a que de deux cent cinquante personnes présentes ce soir) accueillent l'ex-voix de Queensrÿche et ses acolytes. Pas sûr que l'ambiance aurait été aussi bonne si le show avait commencé avec un morceau très récent... C'est un peu triste, mais c'est la réalité. Et Geoff Tate en est conscient (voir l'interview donnée ce même jour).

Dès le début du concert, le son est impeccable, le light show irréprochable. Le groupe est en place, carré, pro... Le mix fait la part belle à tous les instruments et ne pousse pas la voix de Tate trop en avant. Le leader a beau être la "star" du groupe, il n'écrase donc pas ses camarades de jeu... Humilité ou nécessité en raison d'une voix qui s'est dégradée et qu'il faut mieux garder à un niveau sonore raisonnable ? La question se pose mais, personnellement, je trouve que le monsieur ne s'en sort pas si mal. Il est même meilleur que dans mes souvenirs... Cependant, inutile de mentir, on le sait, Tate n'a plus la puissance, ni le grain de voix exceptionnel qu'il a eu par le passé. Il va avoir cinquante-sept ans le mois prochain et ses lignes de chant ne sont pas parmi les plus simples à reproduire sur scène (ne serait-ce qu'à cause de leur hauteur). Si l'on prend tout cela en compte, on peut faire preuve d'une certaine indulgence vis-à-vis du vocaliste. Alors soit, il se simplifie la vie, ne tient pas ses notes extrêmement longtemps, laisse le public ou ses collègues chanter certains passages plus ardus... mais il n'est pas mauvais. Et puis, c'est quand même Geoff Tate. Sa voix, bien que diminuée, reste assez unique en son genre... et le chanteur, même si on l'a connu plus impressionnant, conserve une certaine classe (le style vestimentaire "dandy" y est aussi pour quelque chose). 

Mais ne parlons pas que de Tate... car il est loin d'être seul et les musiciens qui l'accompagnent ne sont pas de simples figurants. Il y en a d'ailleurs un qui capte très régulièrement l'attention, c'est John Moyer. J'avais un très bon souvenir du bassiste lors de son passage avec le supergroupe Adrenaline Mob à Paris il y a trois ans... et cela se confirme ce soir : il est très à son aise sur scène et fait tellement le show que mon regard est bien plus souvent attiré par lui que par n'importe quel autre membre du groupe. A tel point que je serais presque tenté de rebaptiser l'équipe Moyer's Operation: Mindcrime. Son jeu est impressionnant (et bien mis en valeur par le mix) mais ce sont aussi son attitude, sa façon de se mouvoir sur scène, son hyper activité (il participe notamment beaucoup aux choeurs) qui font qu'on ne peut décemment pas ignorer sa présence. Il est tellement investi et performant que je n'hésiterai pas à le qualifier d'atout crucial pour la formation. 

L'ambiance est très bonne alors que les titres, plus excellents les uns que les autres, du remarquable Operation: Mindcrime défilent. Quelle claque, quand même, ce concept album ! J'ai beau le connaître par coeur et l'avoir écouté un nombre incalculable de fois depuis que j'en ai fait l'acquisition (il y a presque vingt-cinq ans de cela), je suis presque surpris... comme si j'avais oublié à quel point c'était un put**n de disque ! Oui, je m'autorise une petite grossièreté en passant mais, franchement, quel chef-d'oeuvre !! Et Tate a beau ne plus avoir le même organe qu'à l'époque, je ne peux nier que la prestation (la sienne... et celle des autres musiciens, tous très talentueux) qui nous est offerte me procure un sacré plaisir.

Sans doute parce que l'album joué est une histoire qui ne saurait être interrompue (et sérieuse, qui plus est)... il n'y a pas de pause entre les morceaux, pas de speech... tout s'enchaîne comme sur album et il faudra donc attendre une heure avant que Tate s'adresse à nous. Cela n'aura pas empêché une réelle communion entre l'artiste et ses fans... mais la communication aura été forcément très limitée pendant cette première partie du concert. En tout cas, on aura remarqué à quel point tout le monde était au point (les soli de Scott Moughton et Kelly Gray aux guitares, même s'ils n'ont pas toujours la finesse de ceux des joueurs d'origine - DeGarmo et Wilton - sont maîtrisés) ainsi que la connivence entre les différents membres de l'équipe. En passant, juste un petit mot sur un autre musicien qui m'impressionne ce soir : Simon Wright est impeccable. Quelle frappe ! Puissance, précision... rien à redire sur son jeu, c'est la grande classe !

Pour l'anecdote : sur Suite Sister Mary, c'est Clodagh de Fire & Water qui vient donner la réplique à Tate en incarnant Mary. C'est une très bonne chose que la chanteuse/saxophoniste (qui reviendra d'ailleurs sur le rappel... mais ne grillons pas les étapes) ait été mise à contribution. J'avais imaginé que si Tate n'avait pas de chanteuse "sous la main", il serait contraint de chanter une sorte de duo imaginaire avec des enregistrements (comme cela se fait malheureusement assez régulièrement de nos jours)... c'est bien mieux ainsi. D'autant plus que la demoiselle s'en sort très bien. 

Une fois le fameux concept Mindcrime terminé. Geoff Tate nous adresse enfin la parole et nous remercie de notre présence. Et là, il nous rappelle que son nouveau groupe a sorti un album il y a quelques mois et qu'il est maintenant temps d'en jouer quelques titres. Là encore, la surprise est plutôt bonne. Evidemment que succéder à des compos du calibre de celles qui ont précédé n'aident pas Re-inventing The Future, The Stranger et Burn à passer pour des bijoux... mais force est de reconnaître que la pilule passe plutôt bien. Surtout pour les deux premières, la plus surprenante étant The Stranger, une chanson que je n'avais pas adorée sur album, mais dont le rendu "live" est plus que convaincant. La puissance et la lourdeur de la rythmique font qu'il est presque impossible de rester de marbre... et je sens bien, chez moi comme chez mes voisins, un certain entrain, voire un début de quelque chose qui pourrait s'apparenter à du headbanging. Par contre, rien à faire, Burn m'ennuyait en studio et la sentence est la même en concert... Mais l'ennui aura été de (très) courte durée puisque c'est déjà l'heure de rejouer du... Queensrÿche ! C'est le très bon Damaged (issu de l'album Promised Land) qui fait donc office de conclusion temporaire avant un rappel généreux (quatre titres) uniquement constitué de chansons de Queensrÿche (décidément !) extraites d'un autre disque classique du groupe : le fameux Empire. C'est Silent Lucidity qui ouvre le rappel, vite suivie de The Thin Line sur laquelle Clodagh revient (je vous l'avais bien dit), armée de son saxophone. L'intro à la basse de Jet City Woman est très chaleureusement accueillie par le public et une fois la chanson passée, Tate en profite pour présenter les musiciens... avant que tout ce beau monde ne nous achève en beauté avec l'excellente Empire, toujours aussi imparable !

Verdict : comme je l'ai dit en introduction, quand j'ai pris la décision de venir à ce concert d'Operation: Mindcrime, je n'étais vraiment pas sûr de mon coup. Aucun regret, la soirée fut très bonne... au-delà de mes espérances, même. Evidemment, il y a quelque chose qui relève de l'aveu d'échec (trois nouvelles chansons contre dix-neuf chansons de Queensrÿche) et qui fait un peu de peine. Tate capitalise sur son glorieux passé et n'ose pas imposer ses créations plus récentes : il n'y aura pas eu d'extraits de ses albums solo, de sa propre mouture de Queensrÿche - rappelez-vous l'album Frequency Unknown - ni même de compos issues d'albums moins populaires de son ancien groupe. Mais du coup, ça marche. On ne s'ennuie pas. On a beau savoir que nous ne sommes pas en face du groupe jadis légendaire qui nous a fait rêver, on se laisse prendre par un set carré et servi par des musiciens qui forcent l'admiration. Si on m'avait dit, il y a quelques mois, que le show d'Operation: Mindcrime me ferait passer un meilleur moment et me marquerait davantage que d'autres concerts de l'année 2015 donnés par des groupes que j'affectionne bien plus, je ne l'aurais pas cru. J'aurais même sans doute un peu ricané. Et j'aurais eu tort. Comme quoi... La vie est décidément pleine de surprises.

Setlist Operation: Mindcrime :

01. I Remember Now
02. Anarchy X
03. Revolution Calling
04. Operation: Mindcrime
05. Speak
06. Spreading The Disease
07. The Mission
08. Suite Sister Mary
09. The Needle Lies
10. Electric Requiem
11. Breaking The Silence
12. I Don't Believe In Love
13. Waiting For 22
14. My Empty Room
15. Eyes Of A Stranger

16. Re-inventing The Future
17. The Stranger
18. Burn
19. Damaged
----------------------------------
20. Silent Lucidity
21. The Thin Line
22. Jet City Woman
23. Empire