L I V E R E P O R T

Le 29 septembre dernier, c'était un peu "retour vers le futur" dans la sympathique salle parisienne du Glazart. Je ne sais pas trop quel savant fou a joué avec sa machine à remonter le temps mais, de toute évidence, le continuum espace-temps a été "localement" rompu puisque dès qu'on avait franchi les portes de la salle où se produisaient Bullet, Striker et Stallion, on se retrouvait en 1985. Si, si... je vous assure. S'il y a un point commun entre ces trois groupes, c'est bien de verser dans un metal hautement référentiel et grandement nostalgique des 80's. Si vous recherchiez une quelconque trace de modernité, il ne fallait surtout pas mettre les pieds au Glazart ce soir-là, sous peine de devoir subir un voyage dans le temps d'environ une trentaine d'années. Quelques fans ont répondu à l'appel mais, petit manque de popularité (les groupes présents ne jouissent pas encore d'une grande notoriété chez nous) et période extrêmement riche en concerts (comme chaque année, entre septembre et novembre) obligent, nous étions bien moins d'une centaine à nous rassembler devant la scène. Soixante-dix, à tout casser... Du coup, si on voulait voir ces groupes, il fallait en profiter... parce qu'on ne peut décemment pas affirmer avec certitude qu'ils repasseront de sitôt, même si rien n'est impossible. 

Quand je débarque dans la salle, Stallion est déjà sur scène. Damned ! Merci les embouteillages. Première constatation, la fosse a beau être (très) modestement remplie, l'ambiance est très sympa et on sent le groupe heureux d'être là. L'assistance a l'air de passer un bon moment également. Il faut dire que la musique proposée par les Allemands, bien que pas des plus originales, est sacrément efficace en concert. Le titre joué au moment où j'arrive est Give It To Me, une sorte de hard rock fédérateur avec une charpente bien heavy tout de même et une grosse accélération speed metal bien furieuse en milieu de parcours. Visuellement, on est aussi dans l'hommage au passé et Stallion ne fait pas les choses à moitié. Vous vouliez du jean, du perfecto, du gant de cuir clouté et du bandana dans les cheveux ? Vous êtes à la bonne adresse. 

Ce qui pourrait passer pour un acte un peu ridicule s'avère assez fun et remporte l'adhésion du public... car Stallion fait son boulot avec fougue. L'énergie est positive et la musique est tellement accessible, efficace et remuante que l'on se retrouve assez vite à scander les refrains en compagnie du groupe. En plus d'une Watch Out vindicative (extraite de leur album Rise And Ride), les Allemands nous proposent une reprise de Heavy Metal Rock'n'Roll (dispo en bonus de leur EP Mounting The World) du groupe féminin issu de la NWOBHM Rock Goddess. Et ça le fait carrément. Le chanteur invite d'ailleurs le public à éructer sur le refrain (c'est assez facile, il suffit de gueuler le titre de la chanson sur une mélodie simple mais efficace) et tend son micro à quelques personnes présentes devant la scène... ce qui permet à l'un de mes confrères, également en mission pour son webzine, de sortir un "Heavy Metal Rock'n'Roll" très puissant et guttural. Bien joué, l'ami.

Le groupe nous remercie pour notre accueil (on n'est pas nombreux mais l'ambiance est vraiment bonne) et nous fait une promesse : "We will be fucking back!!". Qu'à cela ne tienne. Rien de tel qu'un titre bien speed pour se quitter en bons termes, c'est donc Canadian Steele qui fait office de conclusion... et de transition on ne peut plus à propos puisque le prochain groupe à monter sur scène, à savoir Striker, vient justement du pays des caribous et du sirop d'érable. 

Setlist de Stallion :

01. Rise And Ride
02. Wild Stallions
03. Killing Time
04. Give It To Me
05. Watch Out
06. Heavy Metal Rock'n'Roll
07. Canadian Steele

Avec Striker, les références au passé sont toujours là mais peut-être un peu plus subtiles. Déjà, le groupe aborde un look assez contemporain et n'est pas allé jusqu'à ressortir le spandex ou les clous. Musicalement, je trouve aussi que c'est le groupe de l'affiche qui a la personnalité la plus affirmée (même si des progrès sont encore possibles dans ce domaine). Les Canadiens sont là pour faire connaître leur tout dernier méfait, le très efficace City Of Gold. Du coup, ils balancent Underground, la chanson d'ouverture thrashy de l'album. Démarrage en trombe bien puissant et parfaitement exécuté qui lance le concert sur des rails solides.

Un peu plus de mélodie mais toujours autant de fougue avec le deuxième titre joué ce soir, l'excellent Let It Burn (extrait de l'album précédent, Armed To The Teeth). Le son est fort et puissant, la voix de Dan Cleary est légèrement en retrait mais on entend quand même assez bien le bougre s'égosiller. Le groupe joue serré, la précision et la vitesse d'exécution sont assez remarquables... La musique est hyper entraînante et les membres de Striker s'éclatent. Sur scène, beaucoup d'énergie et de sourires. Dans ces conditions, difficile de ne pas passer un bon moment. 

Les Canadiens ont beau mettre leur dernier disque à l'honneur avec pas moins de cinq extraits au total (en plus de la première chanson, ils ont joué City Of Gold, Crossroads, Start Again et All For One) ils n'oublient pas de piocher dans leurs deux premiers opus pour autant. Nous avons même eu le droit à des chansons que le combo n'avait pas joué sur scène depuis longtemps comme Eyes In The Night. Si la formation se montre très pro, on sent bien que, parfois, Dan Cleary peine un peu à atteindre quelques notes aiguës. Pour sa défense, reproduire avec exactitude toutes les lignes de chant enregistrées en studio n'est pas forcément hyper simple et la performance du vocaliste reste de bonne facture... juste pas aussi impressionnante que sur les disques. Par contre, il compense son occasionnel manque de justesse ou d'aisance par une ardeur de chaque instant. 

Le chanteur n'est pas le seul à mouiller la chemise. La paire de guitaristes se la donne bien aussi et sait occuper le devant de la scène dès qu'il s'agit de balancer des solos bien speedés. La section rythmique est très carrée et tout ce beau monde, en plus de s'occuper de son intrument, donne de la voix pour soutenir Cleary quand quelques passages l'exigent (chœurs parfois un peu thrash à la sauce bourrin sur certains couplets ou plus mélodiques sur quelques refrains). Le maître mot est efficacité... et vélocité aussi car ça enchaîne franchement les morceaux sur scène. Les meilleurs moments : l'excellente Lethal Force avec son couplet rapide et son refrain au riff très Judas Priestien, Start Again qui mélange thrash à l'américaine et refrain tout droit sorti de la NWOBHM et le final constitué de deux extraits du tout premier album (Terrorizer et surtout Full Speed Or No Speed qui résume bien la philosophie du groupe et la setlist de ce soir) !
Conclusion : excellente prestation de Striker qu'il me tarde déjà de revoir.

Setlist de Striker :

01. Underground
02. Let It Burn
03. City Of Gold
04. Fight For Your Life
05. Crossroads
06. Lethal Force
07. Eyes In The Night
08. Start Again
09. All For One
10. Terrorizer
11. Full Speed or No Speed

La tête d'affiche, c'est Bullet. Changement d'ambiance, on laisse le heavy speed thrash de côté pour revenir à quelque chose de plus rock. Pour ceux qui ne le sauraient pas, les Suédois de Bullet font un peu dans le heavy metal rock'n'roll justement (vous avez vu le clin d'oeil subtil à la chanson de Rock Goddess jouée plus tôt dans la soirée ? Chroniqueur, ça ne s'improvise pas). Prenez une grosse louche d'Accept, une louche au moins aussi grosse d'AC/DC, ajoutez une cuillère à soupe de Judas Priest et... attendez, il manque quelque chose... que dites-vous ? Oui, je vous entends derrière votre ordinateur... De la personnalité ? Ah non, désolé, on a dû vous donner une mauvaise recette. Il n'y a pas de personna... comment vous dites, déjà ? Attendez, avant de vous mettre à m'insulter copieusement, soyons francs deux minutes. C'est très sympa, Bullet. Je ne dis pas le contraire. Leurs cinq albums sont bardés de titres super efficaces qui font revivre l'âge d'or (ou un certain âge d'or) du hard rock, c'est vrai. Mais quand même, quand on singe à ce point ses idoles, on peut pas s'attendre à n'avoir que des compliments, si ? Alors oui, je ne suis pas méga-fan de Bullet, je l'avoue... Ce qui ne veut pas dire que le groupe est dépourvu de qualités ou que je n'ai pas apprécié le concert.

Les Suédois attaquent leur set avec deux chansons de leur tout nouveau bébé Storm Of Blades : la chanson titre et le single Riding High. Le refrain de la première fait mouche avec ses "heavy metal" repris en chœur aussi bien par le groupe et que par les fans ; quant à Riding High et son chorus de guitare bien senti, rien à redire, c'est du solide. L'ambiance est à la fête, le son est puissant... ça commence bien. Le groupe est un peu moins excité et remuant que les précédents mais c'est assez normal étant donné que la musique jouée l'est moins également. Et puis, on ne peut pas dire que les gars de Bullet ne fassent pas le show... au contraire. Et vas-y que je joue de la guitare derrière ma tête, avec ma langue (ou mes dents... j'avoue que je n'ai pas regardé d'assez près), à genoux (les deux guitaristes se sont livrés à un duo de guitare face à face et au sol), etc.
Mais ce n'est pas tout. Bullet veut aller plus loin et ne se contente pas d'aligner tous les clichés (fun) du metal... et là, attention, c'est effets spéciaux et compagnie ! Le guitariste Alexander se lance dans un solo, fait mine de monter le son sur les amplis jusqu'à ce que l'un d'entre eux explose et laisse entrevoir une marionnette qui se tape un petit délire (elle fait semblant de chanter, fait du air guitar ou même du air drums) sur une poignée de chansons suivantes ! Inédit. On peut aussi parler du moine encapuchonné venu, à l'aide d'une énorme masse, frapper l'enclume sur le refrain de Hammer Down ! 

Les Suédois de Bullet ne font donc pas les choses à moitié. Le show est assuré et il est fun. Par conséquent, le public est plutôt de bonne humeur et ne se prive pas de le montrer. On aura même un petit pogo sur Stay Wild ! Le chanteur Hell Hofer (à la voix vraiment proche de celle d'Udo Dirkschneider) donne aussi de sa personne... à sa façon, comme quand, lors de la présentation de chaque membre du groupe, il casse une baguette de batterie avec son front ! Il n'oublie pas de remercier chaleureusement l'assistance pour sa présence et son accueil de temps à autre, ça fait plaisir. 

La fin du show est constituée de morceaux appartenant aux deux premiers albums du groupe et force est de constater que ces compos sont sacrément bien fichues et efficaces en concert. Avant le rappel, c'est Bang Your Head qui régale la fosse du Glazart. Puis quand le groupe revient, c'est pour entonner Rebels Return et la très attendue (et réclamée) Bite The Bullet avec son gros refrain repris, comme il se doit, par un public conquis. Personnellement, je ne suis pas devenu un fan inconditionnel du groupe et je ne vais pas me commander leur discographie mais oui, j'ai trouvé certaines chansons particulièrement réussies ou percutantes et j'ai passé un très bon moment. 

Alors que je m'apprête à sortir du Glazart, l'inquiétude s'empare de moi. Pendant les quelques heures passées à m'éclater sur du bon metal des années 80, le monde extérieur a-t-il changé ? En quelle année sommes-nous au fait ? Mais très vite, je me souviens et je reconnais l'environnement qui m'entoure... Les passants sont armés de smartphones... Quel soulagement ! Et, bonne nouvelle, cette rupture du continuum espace-temps n'a finalement pas abouti à la destruction totale de l'univers, ce qui n'est pas négligeable, vous en conviendrez. Bon, c'est pas tout ça mais il se fait tard et il faut rentrer... Où ai-je garé ma DeLorean déjà ?

Setlist de Bullet :

01. Storm Of Blades
02. Riding High
03. Heading For The Top
04. Rolling Home
05. Rush Hour
06. Turn It Up Loud
07. Dusk Til Dawn
08. Hawk Eyes
09. Rambling Man
10. Dr. Phibes
11. Hammer Down
12. Stay Wild
13. Bang Your Head
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14. Rebels Return
15. Bite The Bullet

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