L’écoute de la musique de Cortez est toujours une épreuve en soi. Une épreuve, car la musique des Helvètes est une telle une chape de plomb qu'elle en arrive presque à vous priver de vos sens. L’intensité voulue par la groupe est sidérante, elle invite autant à la révolte qu’à se blottir dans un coin sombre pour surtout ne pas être dérangé, et laisser passer l’orage.

No More Conqueror n’échappe pas à cette règle, mais il y a quelque chose de changé chez Cortez et principalement du côté du chant. C’est l’intégration de deux nouvelles recrues que sont Antoine Läng au chant et Jeremy Spagnolo à la guitare, qui ont fait évoluer la musique de Cortez sans pour autant la dénaturer. Il reste derrière les fûts Greg, dément en chef de cette production à la fois courte et épique.

Mais là où Phoebus et consorts pouvaient donner l’impression d’une bataille interne entre soi et soi, on a plus l’impression ici de se faire attraper par le colbac et de se faire engueuler tout le long des trente-sept minutes que dure le disque. Le chant y est pour beaucoup puisqu’il se veut beaucoup plus rugueux, plus hardcore que son prédécesseur, et utilise des punchlines très courtes comme des uppercuts en pleine face.

 Ce qui frappe chez Cortez, c’est cette rage musicale. Les multiples changements de directions, les larsens, l’agression sonore totale font partie de la puissance du trio. Mais le plus impressionnant reste les rythmiques indescriptibles que nous impose le duo guitare/batterie. On peut penser à des groupes comme Dillinger Escape Plan pour la folie qui se dégage de cette « construction », mais la sensation qui s’en dégage est plus directe, plus frontale. D’autant que l’auditeur n’a pas toujours le temps de comprendre totalement ce qui se passe que le groupe est déjà passé à autre chose… C’est sans aucune pitié et surtout sans aucun répit que l’on prend des salves de riffs tous aussi tordus les uns que les autres, le tout pour l’album le plus intense de 2018.

J’ai eu l’impression de vivre l’écoute de cet album en apnée. Il n’y a pas de pause pour reprendre sa respiration dans cet album. Où sont passés les passages « plus planants » qui faisaient également le charme de ce groupe ? C’est dommage, car permettre des temps de pause avec des passages plus hypnotiques, voire plus calmes, apporte plus de contraste avec les passages chaotiques. Mais sur No More Conqueror, seul le chaos règne et il peut être difficile d’accepter cette force destructrice pendant tout un album.

Cortez propose une évolution pas dénuée d’atouts mais cet album n’est clairement pas facile à appréhender. Si vous n’êtes pas habitués au style, autant vous dire qu’il faudra vous accrocher aux branches pour conquérir cet album.

Tracklist de No More Conqueror

01. Seven Past Forever
02. Antes Dos Dias Dos Deuses De Ontem
03. Hemigraphic
04. Ajatashatru
05. Duende
06. Abodes Of Hail Season
07. According To Claude Bernard
08. In Albis
09. Nigredo
10. Tristan da Cunha