Quand deux monstres du Rock qu’on ne présente plus se rencontrent pour faire un album, il n'y a pas besoin de nom de groupe. Leurs simples noms juxtaposés sur la pochette et tout le monde aura compris qu'il s'agit d'un album événementiel.
Jimmy Page, mythique guitariste de Led Zeppelin et David Coverdale, la voix de Deep Purple puis de Whitesnake unissent leurs efforts pour la première fois et pour cet album unique. Une rencontre inédite symbolisée par le road sign sur la pochette : deux routes distinctes qui se rejoignent pour n’en faire plus qu’une.

Cet album marque tout simplement le retour aux affaires pour Jimmy Page, qui n’avait pas fait grand chose depuis la fin de Led Zeppelin (on passera l’épisode The Firm qui ne fut qu’un pétard mouillé). Coverdale de son côté, à cette époque, en a ras le bol du côté paillettes de Whitesnake (qui est devenu une grosse machine à tubes avec les sorties de 1987 et de Slip Of The Tongue) et recherche quelque chose de plus authentique. Et donc, quand Page cherchera un chanteur pour enregistrer un album, Coverdale sautera sur l’occasion.
Et que donne un album écrit par deux bonhommes qui ont baigné toutes ces années dans le Hard Rock et le Blues Rock ? Eh bien, un album de Hard Rock teinté de Blues.

Un critique américain, le célèbre Mick Wall (Kerrang), avait écrit à sa sortie : "le meilleur album de Led Zeppelin que Robert Plant n’a pas enregistré". Et ce Coverdale-Page, c’est effectivement un peu ça. On retrouve les riffs si particulier de Jimmy Page tout au long de ces onze compositions. Mais aurait-il pu en être autrement ? Et n’est-ce pas ce que tout le monde attendait, finalement ? Et pour en rajouter une couche, en plus des deux principaux protagonistes, on retrouve Denny Carmassi (ex-Montrose) à la batterie, un batteur influencé par le jeu de John Bonham.
Alors du Led Zep, oui, mais du Led Zep qui aurait fait un peu de musculation. Ou plus simplement, du Led Zep comme il aurait sonné dans les années 90.
Et donc, comme prévu, le Shake My Tree d’ouverture fait irrémédiablement penser à un bon vieux titre de Led Zep. Un morceau au groove irrésistible, tout comme le single Pride And Joy où Jimmy sort le dulcimer et l’harmonica pour l’occasion et sur lequel, en plus, David imite quasiment Robert Plant. 



Mais justement, l’autre différence avec le dirigeable, en plus du son bien moderne, c’est bien sûr la voix du grand serpent blanc. Et du coup, Waiting On You, second titre de l’album, nous fait plus penser à du Whitesnake. Tout comme le sacrément énervé Feeling Hot un peu plus loin.
Alors bien sûr, on peut passer l’écoute à chercher des ressemblances ou des différences mais quoi qu’il en soit, ces deux géants savent écrire de très bons morceaux de Hard Rock aux légères influences blues comme les deux premiers morceaux cités mais aussi Over Now avec la frappe caterpillar de Denny Carmassi ou Absolution Blues le bien nommé.
Ils savent aussi nous offrir de très beaux morceaux comme Take Me For A Little While (quel solo, tout en feeling !), Don’t Leave Me This Way (en réponse au Babe I’m Gonna Leave You ?) avec sa fin qui s’emballe ou le majestueux Whisper A Prayer For The Dying, sorte de Kashmir / Still Of The Night qui aurait fusionné avec un Stairway To Heaven. Grande classe !
Tout n’est pas génial, on trouve un ou deux titres un peu en dessous du reste (Easy Does It ou Take A Look At Yourself, ballade un peu pleurnicharde comme Whitesnake sait parfois en faire). Néanmoins, l’ensemble est une belle réussite et montre, à l’époque où le grunge fracasse tout, que la vieille école du Hard Rock a encore des choses à dire.

Cette association pourtant réussie fut sans suite car Jimmy Page rejoignit l’année suivante Robert Plant pour enregistrer l’album No Quarter. Sans l’avouer, ce dernier l’avait eu bien verte de voir cette collaboration fonctionner (il ne s’était pas privé d’émettre de gros doutes à ce sujet) et était tout à coup devenu insistant pour retrouver son ex-partenaire alors qu’il avait justement refusé de le faire deux ans avant, quand Page cherchait encore un chanteur pour ce projet. Opportuniste ?
L’album Coverdale–Page restera donc unique en son genre. Mais il se dit que six titres supplémentaires, enregistrés par les deux hommes, n’ont jamais été publiés et restent donc inédits à ce jour. Peut-être pour une prochaine collaboration entre les deux compères, sait-on jamais ?

Tracklist de Coverdale - Page :

01. Shake My Tree
02. Waiting On You 
03. Take Me For A Little While 
04. Pride And Joy
05. Over Now
06. Feeling Hot
07. Easy Does It
08. Take A Look At Yourself
09. Don’t Leave Me This Way 
10. Absolution Blues
11. Whisper A Prayer For The Dying