Délétère, le Lys Noir du Black Metal québécois
Si vous êtes un fan de Metal Noir Québécois, il est hautement improbable que vous soyez passés à côté des Canadiens de Délétère ces quatre dernières années : une compilation des premières démos du groupe en 2015 (De Ritibus Morbiferis - Demo Compendium), un album la même année (Les Heures De La Peste) et un EP en 2017 (Per Aspera Ad Pestilentiam) ont chacun à leur tour nourri nos oreilles d’un Black Metal à la fois funeste, morbide, épique et majestueux. Le nouvel opus, De Horae Leprae, a la lourde tâche de ré-ouvrir le splendide bal macabre.
Cette fois, Délétère nous entraine dans les méandres d’un concept-album (a priori fictionnel) traitant de Teredinis, un lépreux appelé à devenir « le prophète de Centipèdes, préfiguration de la Peste incarnée ». Comme à leur habitude – et comme il en est de rigueur dans le Metal Noir – les paroles sont en Français, dans un style très travaillé, brillant, dans la droite lignée des auteurs issus du Romantisme Noir. Par moments, on pense à l’excellent effort d’Absconditus sur Katabasis, dans le très judicieux mélange de la langue de Molière et de celle d'Auguste. Jugez-en par vous même :
Des cons poisseux seront arrachés Les jeunes bambins aux viscères tendres Que les sauterelles te portent des nuées Vers la Cité des Purs, festin candide à consumer
Locusta Deuoratrix, Sagina Caedendis Gardienne des Secrets, Lamie voilée d’escarbilles
O Regina Cineris, Filia Teruenefici Reine sibylle des meurtriers, Muse cendrée des forcenés
Locusta ! Locusta rumina !
Philosophe ophidienne pénètre ma gorge Enivre-moi de ta salive, ouvre mes yeux sur l’Éther Laisse tes Filles Locustes, lacérer mon cuir Fais de moi codex du Savoir infini
L’image qui me vient d’emblée est celle de Kzohh sur Rye. Fleas. Chrismon., dans son approche, finalement très atmosphérique, de la peste. Mais le style est néanmoins bien différent. À l’Ambient très cinématographique de Kzohh, Délétère préfère le lyrisme mélancolique que le groupe développe depuis Per Aspera Ad Pestilentiam : du Metal Noir tiraillé entre le lyrisme d’un Grimoire et l’obscurité d’un Neige Et Noirceur (période La Seigneurie Des Loups). De Horae Leprae accomplit pleinement cette ambiguïté, jusqu’à l’excellence. La justesse des chœurs de Cantus IV - Inopia et Morbo, la morbidité mélodique d’un Cantus II – Sagina Caedendis, la brillance de Cantus VI – Barathra et la synthèse presque opératique opéré sur Cantus IX – Oratio Magna, prouvent à quel point Délétère maîtrise la transcendance de son style.
De Horae Leprae accomplit pleinement le projet lancé par Délétère six ans plutôt, il le parachève parce qu’il réussit l’extrême difficulté de lier les premières démos, bien crades, aux essais plus récents, très lyriques. Délétère est comme ce Lys Noir dont ils évoquent l’apparition dans Cantus VIII – Atrum Lilium, beau et terrible à la fois. Mais laissons donc à De Horae Leprae le soin de conclure :
Je suis Gloire annoncée, un testament de chairs fanées La Terre Promis n’est point que lande à pourrir Mais un palais pelvien d’usure ruiné Berceau du Lys noir, mon Parent au funeste empire
Tracklist de De Horae Leprae :
01. Cantus I – Teredinis Lepra 02. Cantus II – Sagina Caedendis 03. Cantus III – Ichthus Os Tremoris 04. Cantus IV – Inopia et Morbo 05. Cantus V – Figura Dysphila 06. Cantus VI – Barathra I 07. Cantus VII – Barathra II 08. Cantus VIII – Atrum Lilium 09. Cantus IX – Oratio Magna
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