Artiste/Groupe:

Destrage

CD:

The Chosen One

Date de sortie:

Mai 2019

Label:

Metal Blade Records

Style:

Metalcore Progressif

Chroniqueur:

JimBou

Note:

17/20

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Destrage - The Chosen One ou The Good One ?

 

Une route à sens unique, un coup d'oeil discret en arrière. Quatre ombres à la démarche chaloupée filant dans l'infinie lumière, une cinquième à leurs pieds. Telle fut la vision des Italiens de Destrage en ce matin de mai 2019, alors qu'ils admiraient l'entièreté de leur oeuvre, à l'aube de la sortie de The Chosen One. Une désormais longue route à sens unique, vieille de dix-sept ans, où la naissance d'un cinquième édifice en forme d'album aura la lourde tâche d'égaler, voire d'embellir, son prédécesseur et aîné de trois ans, à savoir A Means To No End. Une tâche pas si facile car ce dernier, dont les courbes riment aisément avec maturité et volupté, ne laissent que peu de place au doute quant à la flexibilité du groupe à travers les ans.

Et ce malgré le coté Metalcore qui colle à la peau du groupe depuis toujours, avec ses clichés d'ados survoltés et ses fameux breakdows et synth-pop protocolaires. Les Italiens ne lui on pourtant jamais fait faux-bond, en prenant chaque fois le soin d'ajouter un ingrédient à leur recette, album après album, en exploitant à merveille ce facteur supplémentaire appelé Death Metal, qui s'avère être aussi malléable que savoureux. Il faut dire que leur arrivée chez Metal Blade Records en 2013 avait sonné comme un vrai coup de cravache, avec la parution dès l'année suivante de l'excentrique Are You Kidding Me? No, au panel et aux couleurs aussi variés qu'un marché d'épices. La marche était dès lors inarrêtable pour ce quintet au line-up inchangé depuis 2006 dont la magie et l'alchimie semblent n'avoir aucune limite. The Chosen One, long de trente-huit minutes, avait été annoncé avant sa sortie comme un album sans prise de tête, sans révérences ni courbettes. Voyons ce qu'il en est à présent et assurons-nous que les gars de Destrage aient mêlés la parole aux actes.

Un tapping envoûtant, une mélodie qui file entre les doigts avant que les présages d'un riff en ébullition ne s'extirpent d'une folie incontrôlable et nous y sommes. Le décor est tout de suite planté avec The Chosen One, piste titre faisant office d'ouverture et qui avait été, quelques semaines avant la sortie de l'album, gratifiée d'un clip aussi dément qu'atypique. Si ce morceau n'apporte aucune révolution, tant sur le plan musical que dans la discographie du groupe, il aura le mérite de mettre en avant ses forces qui sont la créativité, la fougue et le sens inné des mélodies entêtantes. L'approche des Italiens, qui demeure donc intacte, se cale parfaitement dans le sillage du très réussi A Means To No End (2016) avec une énergie d'un autre nom qui ne tardera pas à se révéler par la suite. Ne tardera vraiment pas, à vrai dire, car la piste suivante, About That, mettra en lumière ce mystère qui n'en est pas un : un Deathcore frénétique, des riffs épileptiques, une batterie schizophrène et la lumière fut, dira t-on ! Un grabuge qui n'en est pas un, car aux détours de ce qui semble être complexe à première vue, un ruisseau d'évidence coule à flots, nous entraînant peu à peu dans les tumultes de quelques hochements de tête instinctifs. Les guitaristes Matteo Di Gioia et Ralph Salati qui aiment jouer en phase en alternant tant duos rythmiques que solistes, effectuent un travail titanesque de tout instant, s'abandonnant tour à tour dans un registre plus personnel avec chaque fois la note qui fait mouche. Les tappings reviennent, les riffs saccadent et un solo s'envole dans les cieux tandis que le batteur Federico Paulovic comble encore et toujours, chaque creux, chaque croche, d'un ou de plusieurs coups de baguette magique ou de pédale endiablée. Qu'on le veuille ou non, About That est une incontournable de l'album. Chaque passage de ce morceau est exploité à merveille et de façon méticuleuse car, du haut de sa grande variété rythmique et de ses riffs calés dans un tempo millimétré, la marche s'enivre d'une mise en abyme toujours plus profonde, avec des instruments plus appuyés de mesure en mesure, pour un rendu toujours plus en profondeur. Si l'aventure vous a emballé jusqu'ici, alors ne vous arrêtez pas en si bon chemin et respirez, car vous aurez besoin de souffle. Et soufflez, car ce qui va suivre ne sera pas de tout repos pour vos cervicales. 

Nous restons donc sur du solide avec Hey Stranger! dont l'introduction stridente et le lead endiablé des six cordes auront vite fait de captiver votre attention. Une fois de plus on se plaît à retrouver cette recette spéciale intitulée The Chosen One car, ici encore, maîtrise et efficacité feront la paire sur cette piste de bonne augure dont la conclusion décapante démontre qu'un chien enragé ne lâche pas l'os avant de l'avoir en travers de la gorge. Et si vous n'en avez pas eu assez, dirigez-vous directement vers Headache and Crumbs et son tourbillon de riffs chaotiques qui vont donneront tout sauf la gueule de bois, sans mauvais jeu de mot. La portée du riff placé tout juste au milieu du morceau, inconcevable avant de l'avoir entendu est phénoménale, et nous ne pouvons que saluer le travail de Gabriel Pignata à la basse, qui doit se torde les doigts afin de rester dans les rangs. De son côté, Mr. Bugman fera resurgir les démons incontrôlables de Are You Kidding Me? No. (2014) dès les premières notes. Mais ne vous y méprenez pas trop, car son introduction surexcitée savérera quelque peu trompeuse en vertu de ses sonorités globalement moins Punk avec une légère tendance Post-Psyché qui s'accentue jusqu'à la conclusion du morceau. Un peu moins Metalcore cette fois-ci et dans un registre légèrement différent, At The Cost Of Pleasure apportera un grain plus Heavy et un BPM plus lent que sur l'ensemble de l'album, le tout néanmoins mené de façon idyllique par la voix fiévreuse et immersive que Paolo Colavolpe maîtrise si bien. Et dans son ombre, Rage, My Alibi qui, au moyen de petites notes acoustiques à la guitare sèche et de quelques samples minutieusement placés, contribuera au décor finalement très nuancé de l'album.

Mais du haut de cette estrade si propre se détachera, comme dans tout bon feu d'artifice, un bouquet final, ici intitulé The Gifted One. Et si vous espériez entendre une ballade sur cet album, vous ne serez qu'à moitié servis car, même si cette dernière en a des airs dès les premiers instants, c'est bien le titre d'OVNI qu'il faudra lui décerner. Son introduction à la Radiohead, aussi belle que mélancolique y est naturellement pour quelque chose ; et le riff qui lui succédera en guise de retour à la réalité, empruntera quant à lui les traits de caractère d'un Deafheaven aussi Black que planant. Mais c'est bien du Destrage pur jus qui viendra finalement titiller vos oreilles en s'abandonnant à ses travers Metalcore, au moyen de bombardiers chargés à bloc de riffs en tous genres, conclus par deux fois d'un passage transitoire plus calme afin de faire bouillir une soupe déjà brûlante. On notera également l'ingénieuse idée de reprise du refrain si caractéristique de la première piste (The Chosen One) avec des paroles légèrement différentes. Le rendu final de The Gifted One, aussi lunaire soit-il, laissera sans voix les plus grands amateurs du genre car il aura posé un pied ferme sur l'exacte frontière entre le Death mélodique et le Metalcore progressif. Et s'il fallait résumer cette musique en un mot, ce serait : Bellissima.

La digestion de ce gâteau à huit parts qu'est The Chosen One s'avérera finalement plus facile que prévue. Car au delà du fait que le groupe ait joint la parole aux actes en annonçant un album sans détours, sa maîtrise globale et équitable fera de lui une pierre angulaire au sein de leur discographie. Les Italiens de Destrage n'ont toujours pas pris la moindre ride malgré les années qui passent et c'est avec plaisir et satisfaction que nous les retrouvons au sommet de leur forme, d'album en albums. Leur édifice de 2019 aura été puissant, émouvant, saisissant. Et il faut l'espérer, cette route continuera d'être à sens unique... elle le sera sans doute, tant que ses occupants resteront fidèles à eux-mêmes.

 

Tracklist de The Chosen One : 

01. The Chosen One
02. About That
03. Hey Stranger!
04. At The Cost Of Pleasure
05. Mr. Bugman
06. Rage, My Alibi
07. Headache And Crumbs
08. The Gifted One

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