Artiste/Groupe:

Entrapment

CD:

Through Realms Unseen

Date de sortie:

Novembre 2016

Label:

Pulverised Records

Style:

Death Metal

Chroniqueur:

Olphuster

Note:

11/20

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Dans la lignée du « swedeath » classique avec des influences telles que Nihilist, mais aussi Autopsy ou encore Slayer, Entrapment nous sort ici son troisième album, le premier en date sous l'égide de Pulverised Records. 

Originaire des Pays-Bas, ce qui a commencé comme le one-man band de Michel Jonker, avant de se constituer un line-up stable, nous offre après Lamentation Of The Flesh un LP cru, aux guitares carnassières et aux sonorités d’outre-tombe, d’une lourdeur flirtant quelque peu avec le doom, tout en incorporant des éléments de la mouvance death’n’roll.

L’album s’ouvre sur Omission, avec un riff d’intro puissant, des guitares downtunées qui martèlent un rythme binaire, lancinant mais brut. On remarque d’emblée la voix gutturale, rugueuse et même un peu glaireuse qui nous guidera tout au long de l’album, mais qui m'a paru cependant assez inégale selon les passages quand on considère celui-ci dans son ensemble. 

The Seeker était le single rendu public peu avant la sortie, qui m’avait d’ailleurs donné envie de m’y intéresser de plus près.
J’y reconnaissais agréablement des traits de Bloodbath, notamment au niveau du son des guitares et du mix général, ce son compressé pas très agréable au premier abord, mais qui offre une infinité de possibles pour la technicité des riffs et des breaks. Le glas que fait sonner le charley avant de « balancer la sauce », et après une intro inquiétante, m’avait laissé un bon souvenir ; de même que la progression harmonique du morceau qui maintenait la tension jusqu'au bout, avec notamment un riff convulsant en milieu de titre qui enchaîne sur un bon groove avec le genre de solo de guitare un peu enlevé qui fait toujours plaisir. 

Mais dans un second temps, j'ai relevé un bémol symptomatique de l'ensemble du disque quant au traitement des instruments et de la voix. En effet, sur enceintes comme au casque, on repère vite la présence écrasante de delays sur ceux-ci, et si l’on comprend bien le choix artistique de donner un ton « abyssal », dans la continuité des thèmes et de l’artwork, ça finit par desservir le chant qui manque parfois de définition et se « noie » dans l'instrumentation. Le tout reste bien sûr cohérent, mais on déplore cette trop grosse présence des guitares rythmiques et de la basse au détriment du chant et des guitares lead, sans parler de la batterie dont le côté très compressé n’est pas toujours à son avantage. Encore une fois c’est très inégal, car, d'un morceau à l'autre, l’alchimie peut très bien fonctionner ou au contraire rater : ce qui m’a justement attiré avec The Seeker m’a laissé beaucoup plus perplexe sur des titres comme Isolated Condemnation ou Dominant Paradigm.

Prenons ce dernier : puissant avec son break de croches ternaire, assez divers dans l’ensemble par rapport à d’autres morceaux plus « standard », mais plus que discutable sur la voix. Au manque de définition du chant causé par le mix s’ajoutent des overdubs, sûrement pensés pour « gonfler » le cri, mais qui au contraire le dispersent et lui font perdre sa puissance.
Par ailleurs, j'ai été un peu déçu de retrouver dans mes écoutes successives ce qui selon moi pèche dans les prestations live de certains groupes de death, à savoir le sentiment d’une voix pas vraiment gutturale, pas vraiment puisée dans les tripes, mais plutôt dans un cri générique un peu fade, souvent symptomatique d’une voix fatiguée. Ce qui rend Entrapment difficile à juger, c’est que cela varie en cours de morceau : alors que le début me semblait plutôt plat, j’ai été surpris de retrouver une énergie galvanisante dans le chant après le premier bridge, de même que dans le cri perçant qu’on retrouve dans le superbe slow down de fin avant la dernière reprise du thème.  

On ne fera cependant pas l'impasse sur les quelques moments assez jubilatoires qui parsèment les titres : le bridge intermédiaire de Dominant Paradigm et les sextolets galopants du charley qui conduisent à une section plus mélodique, Static Convulsion qui porte bien son nom, accélérant la cadence après les premiers morceaux avec du tremolo picking à foison et des solis nerveux qui s'emballent, Ruination et son rythme plutôt « cavalier » qui raccroche bien aux racines du death, avec son lot de variation sur trois minutes, etc.

Avec Withering Souls, on revient à une dominante un peu plus proche du doom, avec un riff intéressant à base de deux accords mineurs en tierce, qui perpétue bien le ton sombre et convulsionnaire qu’on a expérimenté jusque là.
Pourtant, à partir de ce moment-là et jusqu’à la fin, j’ai commencé à regretter la fréquence du « million dollar beat » version accélérée, là où j’aurais voulu plus de variation, plus de risques et d’appropriation du genre. Malgré quelques titres qui relancent l'intérêt, comme Through Realms Unseen, j’avais quand même cette impression d’entendre un peu toujours la même chose, et que ce qui me dérangeait avec ces morceaux n’était sans doute rien de plus que le fait qu’ils soient placés en fin de tracklist.
Leur structure globale en bridge/chorus avec une fin souvent en suspens, où l’on entend bien d’ailleurs la quantité phénoménale de delay et de reverb appliquée sur les voix, me semblait presque superposable aux titres qui précèdent. Une phrase de Hybrid Maelstrom m’a fait un peu sourire, car j’avais par moments envie de la retourner à l’album lui-même : « Don’t waste my time ». 

Finalement Self Inflicted Malnutrition clôt le disque avec une certaine logique et une sorte d'énergie retrouvée. Les guitares reprennent de leur superbe et même le chant, malgré les griefs que je lui porte, semble tout donner pour le dernier acte de cette litanie aux accents morbides. 


Vous l'avez vu venir : mon bilan reste mitigé.

Même si l'on perçoit très vite le positionnement old school affirmé du groupe, plus qu'évident au regard de sa discographie, il m'a été difficile de juger cet album pour deux raisons : d'abord cette inégalité globale dans les morceaux mêmes, tant au niveau vocal qu'instrumental (cf. les breaks un peu trop génériques), mais aussi, paradoxalement, cette homogénéité trop grande qui rend le tout un peu répétitif pour qui n'est pas un inconditionnel du genre. 

Ce qu'on peut cependant critiquer, c'est la multiplication de titres relativement courts qui ne se tiennent pas toujours très bien : à titre d'exemple, Isolated Condemnation ou Static Convulsion, dont les quasi trois minutes se soldent par un fade out tout à fait impromptu, là où The Seeker se tient très bien, pour une même durée. Mon expérience d'auditeur me fait préférer un découpage en quatre ou cinq morceaux bien travaillés, et animés d'une progression, plutôt qu'en capsules qui ne laissent finalement pas assez d'espace pour développer l'idée musicale première. 

Comme toujours, c'est une question de goût, mais si l'on s'attache à l'originalité, à la subversion des cases de "genres", ainsi qu'à une écoute du support album comme un tout cohérent et indissociable, Through Realms Unseen n'a pas vraiment de quoi convaincre. Par contre, on saluera une maîtrise et une connaissance pointue du death qui ne pourra que plaire aux fans du genre, sans pour autant en faire un album révolutionnaire.

Tracklist de Through Realms Unseen :

01. Omission
02. The Seeker
03. Static Convulsion
04. Ruination 
05. Dominant Paradigm 
06. Withering Souls 
07. Isolated Condemnation 
08. Through Realms Unseen 
09. Hybrid Maelstrom 
10. Discordant Response 
11. Self Inflicted Malnutrition