Dans la lignée du « swedeath » classique avec des
influences telles que Nihilist, mais aussi Autopsy ou
encore Slayer, Entrapment nous
sort ici son troisième album, le premier en date sous l'égide de Pulverised
Records.
Originaire des Pays-Bas, ce qui a commencé comme le one-man band
de Michel Jonker, avant de se constituer un line-up stable, nous offre après
Lamentation
Of The Flesh un LP cru, aux guitares carnassières et aux
sonorités d’outre-tombe, d’une lourdeur flirtant quelque peu avec le doom, tout en
incorporant des éléments de la mouvance death’n’roll.
L’album s’ouvre sur Omission, avec un riff
d’intro puissant, des guitares downtunées qui martèlent un rythme binaire,
lancinant mais brut. On remarque d’emblée la voix gutturale, rugueuse et même un
peu glaireuse qui nous guidera tout au long de l’album, mais qui m'a paru cependant assez
inégale selon les passages quand on considère celui-ci dans son ensemble.
The Seeker était le single rendu public peu avant la
sortie, qui m’avait d’ailleurs donné envie de m’y intéresser de plus
près. J’y reconnaissais agréablement des traits de
Bloodbath, notamment au niveau du son des guitares et du mix général,
ce son compressé pas très agréable au premier abord, mais qui offre une
infinité de possibles pour la technicité des riffs et des breaks. Le glas que fait
sonner le charley avant de « balancer la sauce », et après une intro
inquiétante, m’avait laissé un bon souvenir ; de même que la
progression harmonique du morceau qui maintenait la tension jusqu'au bout, avec notamment un riff
convulsant en milieu de titre qui enchaîne sur un bon groove avec le genre de solo de guitare un
peu enlevé qui fait toujours plaisir.
Mais dans un second temps, j'ai relevé un bémol
symptomatique de l'ensemble du disque quant au traitement des instruments et de la voix. En
effet, sur enceintes comme au casque, on repère vite la présence écrasante de
delays sur ceux-ci, et si l’on comprend bien le choix artistique de donner un ton «
abyssal », dans la continuité des thèmes et de l’artwork,
ça finit par desservir le chant qui manque parfois de définition et se «
noie » dans l'instrumentation. Le tout reste bien sûr cohérent, mais on
déplore cette trop grosse présence des guitares rythmiques et de la basse au
détriment du chant et des guitares lead, sans parler de la batterie dont le côté
très compressé n’est pas toujours à son avantage. Encore une fois
c’est très inégal, car, d'un morceau à l'autre, l’alchimie peut
très bien fonctionner ou au contraire rater : ce qui m’a justement attiré avec
The Seeker m’a laissé beaucoup plus perplexe sur des titres comme
Isolated Condemnation ou Dominant Paradigm.
Prenons ce dernier : puissant avec son break de croches ternaire,
assez divers dans l’ensemble par rapport à d’autres morceaux plus « standard
», mais plus que discutable sur la voix. Au manque de définition du chant causé
par le mix s’ajoutent des overdubs, sûrement pensés pour « gonfler » le
cri, mais qui au contraire le dispersent et lui font perdre sa puissance. Par ailleurs, j'ai
été un peu déçu de retrouver dans mes écoutes successives ce qui
selon moi pèche dans les prestations live de certains groupes de death, à savoir le
sentiment d’une voix pas vraiment gutturale, pas vraiment puisée dans les tripes, mais
plutôt dans un cri générique un peu fade, souvent symptomatique d’une voix
fatiguée. Ce qui rend Entrapment difficile à juger,
c’est que cela varie en cours de morceau : alors que le début me semblait plutôt
plat, j’ai été surpris de retrouver une énergie galvanisante dans le chant
après le premier bridge, de même que dans le cri perçant qu’on retrouve dans
le superbe slow down de fin avant la dernière reprise du thème.
On ne fera cependant pas l'impasse sur les quelques moments assez
jubilatoires qui parsèment les titres : le bridge intermédiaire de Dominant
Paradigm et les sextolets galopants du charley qui conduisent à une section plus
mélodique, Static Convulsion qui porte bien son nom,
accélérant la cadence après les premiers morceaux avec du tremolo picking
à foison et des solis nerveux qui s'emballent, Ruination et son rythme
plutôt « cavalier » qui raccroche bien aux racines du death, avec son lot de
variation sur trois minutes, etc.
Avec Withering Souls, on revient à une dominante un peu
plus proche du doom, avec un riff intéressant à base de deux accords mineurs en tierce,
qui perpétue bien le ton sombre et convulsionnaire qu’on a expérimenté
jusque là. Pourtant, à partir de ce moment-là et jusqu’à la
fin, j’ai commencé à regretter la fréquence du « million dollar beat
» version accélérée, là où j’aurais voulu plus de
variation, plus de risques et d’appropriation du genre. Malgré quelques titres
qui relancent l'intérêt, comme Through Realms Unseen, j’avais
quand même cette impression d’entendre un peu toujours la même chose, et que ce qui
me dérangeait avec ces morceaux n’était sans doute rien de plus que le fait
qu’ils soient placés en fin de tracklist. Leur structure globale en bridge/chorus
avec une fin souvent en suspens, où l’on entend bien d’ailleurs la quantité
phénoménale de delay et de reverb appliquée sur les voix, me semblait presque
superposable aux titres qui précèdent. Une phrase de Hybrid
Maelstrom m’a fait un peu sourire, car j’avais par moments envie de la
retourner à l’album lui-même : « Don’t waste my time ».
Finalement Self Inflicted Malnutrition clôt le disque
avec une certaine logique et une sorte d'énergie retrouvée. Les guitares reprennent de
leur superbe et même le chant, malgré les griefs que je lui porte, semble tout donner
pour le dernier acte de cette litanie aux accents morbides.
Vous l'avez vu venir : mon bilan reste mitigé.
Même si l'on perçoit très vite le positionnement old
school affirmé du groupe, plus qu'évident au regard de sa discographie, il m'a
été difficile de juger cet album pour deux raisons : d'abord
cette inégalité globale dans les morceaux mêmes, tant au niveau vocal
qu'instrumental (cf. les breaks un peu trop génériques), mais aussi,
paradoxalement, cette homogénéité trop grande qui rend le tout un peu
répétitif pour qui n'est pas un inconditionnel du genre.
Ce qu'on peut cependant critiquer, c'est la multiplication de titres
relativement courts qui ne se tiennent pas toujours très bien : à titre d'exemple,
Isolated Condemnation ou Static Convulsion, dont les quasi trois minutes
se soldent par un fade out tout à fait impromptu, là où The Seeker se
tient très bien, pour une même durée. Mon expérience d'auditeur me fait
préférer un découpage en quatre ou cinq morceaux bien travaillés, et
animés d'une progression, plutôt qu'en capsules qui ne laissent finalement pas assez
d'espace pour développer l'idée musicale première.
Comme toujours, c'est une question de goût, mais si l'on s'attache
à l'originalité, à la subversion des cases de "genres", ainsi qu'à une
écoute du support album comme un tout cohérent et indissociable, Through Realms
Unseen n'a pas vraiment de quoi convaincre. Par contre, on saluera une maîtrise et une
connaissance pointue du death qui ne pourra que plaire aux fans du genre, sans pour autant en faire un
album révolutionnaire.
Tracklist de Through Realms
Unseen :
01. Omission 02. The Seeker 03. Static
Convulsion 04. Ruination 05. Dominant
Paradigm 06. Withering Souls 07. Isolated
Condemnation 08. Through Realms Unseen 09. Hybrid
Maelstrom 10. Discordant Response 11. Self Inflicted
Malnutrition
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