C H R O N I Q U E
Depuis le dernier From Wisdom to Hate (2001), le groupe de Luc Lemay avait eu le temps de se séparer en 2005, continuant l’œuvre initiée avec Obscura (1998) dans un autre projet éphémère, Negativa, qui a vu défiler un grand nombre de protagonistes de la scène death metal québécoise (Dominic Lapointe et Etienne Gallo d’Augury, Alain Demners d’Obliveon, Roxanne Constantin de Quo Vadis, Steeve Hurdle, Steve McDonald, Patrick Robert et bien sûr Luc Lemay de Gorguts).
Sur une suggestion de feu Steeve Hurdle, voyant Negativa s’éloigner petit à petit de Gorguts, Luc Lemay reforme le groupe avec en son sein de nouvelles têtes. On voit donc apparaître en 2009 Colin Marston, impliqué dans une multitude de projets plus ou moins progressifs, expérimentaux et post-machin au poste de bassiste ; son compère dans le groupe progressif Dysrhythmia Kevin Hufnagel à la deuxième gratte ; et l’éminent John Longstreth (Origin, Dim Mark) à la batterie.
L’écriture de Colored Sands a commencé en 2009, Gorguts fêtant alors ses vingt ans d’existence. Certains titres ont déjà été joués lors des concerts mais l’album n’est achevé qu’en 2013 et sort sur Season of Mist.
Qu’attendre de Gorguts après douze ans ? Le groupe repart exactement sur les bases d’Obscura et From Wisdom to Hate, c’est-à-dire un death metal technique et progressif aux compositions alambiquées, aux riffs optant le plus souvent pour l’atonalité et la dissonance, secondés par des rythmiques imprévisibles d’un plan à l’autre, majoritairement en mid tempo. Ce dernier album a tout de même gardé les colorations plus mélodiques et, disons, « accessibles » de From Wisdom to Hate.
Les fans des deux précédents albums ne seront pas désarçonnés par Colored Sands ; le jeu de Marston et Hufnagel colle tout à fait à la musique de Lemay –il n’y a qu’à écouter Dysrhythmia pour s’en rendre compte. Autrefois très avant-gardiste, Gorguts a désormais de nombreux homologues parmi ses contemporains, orientés vers la même recherche sonore. Mais sa personnalité est intacte, car on reconnaît immédiatement la voix de Luc Lemay et son riffing unique. L’ensemble des neuf morceaux est assez homogène, à l’exception de l’instrumental The Battle of Chamdo, entièrement joué aux violons et violoncelles - dans le même style que l'intro de Quest for Equilibrium sur From Wisdom to Hate -, un interlude bien sinistre. D’une durée moyenne de six minutes trente, les compositions misent davantage sur l’ambiance glauque au possible que sur des plans accrocheurs, car il est difficile de retenir des phrases mélodiques avant deux, trois écoutes.
Au final, ceux qui ont aimé Gorguts sur les deux précédents albums aimeront certainement Colored Sands. Personnellement, j’attendais peut-être un peu plus de cet album, disons une réelle évolution musicale par rapport à ce qui avait été proposé il y a douze ans. Egalement un peu plus de relief dans les compositions, qu’on peine à distinguer les unes des autres. L’ensemble est cependant très intéressant, riche et dense et l’atmosphère est lugubre à souhait. Pas l’album de l’année mais un ajout de qualité à la discographie irréprochable de Gorguts pour ma part.
Tracklist de Colored Sands :
01. Le Toit du Monde 02. An Ocean of Wisdom 03. Forgotten Arrows 04. Colored Sands 05. The Battle of Chamdo 06. Enemies of Compassion 07. Ember’s Voice 08. Absconders 09. Reduced to Silence
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