Artiste/Groupe:

Judas Priest

CD:

Turbo

Date de sortie:

1986

Label:

Style:

Heavy Metal aseptisé

Chroniqueur:

Orion

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1986. Judas Priest venait d'assommer la galaxie Metal par deux albums fabuleux : Screaming For Vengeance (1982) et Defenders Of The Faith (1984).
Qu'allaient donc nous réserver les Anglais en cette année où le Hard US battait son plein ? (Bon Jovi, Dokken, Mötley Crüe, Poison étaient en tête des ventes et les vidéos de ces groupes tournaient en boucle sur MTV). Car même si musicalement, Judas Priest ne joue pas franchement dans la même catégorie que ces groupes américains, il est difficile de ne pas avoir envie de croquer une part du gâteau. Et on a beau être un groupe anglais, l’Amérique et ses lumières, ça fait rêver. Judas Priest ne sera d'ailleurs pas le seul groupe anglais de Heavy Metal attiré par les sirènes du marché américain (Saxon y est allé aussi, avec un résultat bien moins probant).

A l’écoute de Turbo, on se rend vite compte que l'appel du marché américain a indéniablement eu une certaine influence sur la composition de cet album. C'est un Judas Priest transformé que l'on découvre sur ce Turbo. Transformé mais pas vendu, la nuance est importante.
Car Judas Priest a effectivement ralenti le tempo, sorti les guitares synthés, ils ont échangé clous et cuirs contre fringues plus colorées (mais toujours en cuir, faut pas exagérer !) et sont passés chez le coiffeur (oui, même Rob Halford a eu droit à sa coupe de cheveux permanentée !). Mais même si le groupe a pondu quelques compos taillées sur mesure pour les radios américaines, Judas Priest démontre une fois de plus son talent de composition. D'ailleurs, le succès va être au rendez-vous outre-Atlantique avec une tournée sold-out immortalisée par le live Priest... Live !

Turbo est en fait une sorte de Point Of Entry (1981) encore plus aventureux. Il ne faut pas oublier que le groupe n'en est pas à son coup d'essai et ce n'est pas la première fois qu'il propose un album différent de ce qu'on attendait d'eux (ni la dernière d'ailleurs, cf Nostradamus). Le son de Judas n'est plus le même, c'est vrai, avec l'apport des guitares synthés (il est à noter qu'un autre fleuron des aciéries britanniques, Iron Maiden, a eu la même idée, cette même année, pour son Somewhere in Time).
C’est évident qu’à l’écoute de l’intro de Turbo Lover, la première compo, et du morceau entier d’ailleurs, certains ont dû faire des bonds. Beat de métronome, guitares pas franchement agressives aux sonorités de synthés... Que l’on est loin de Freewheel Burning qui ouvrait l’album précédent !
Mais voilà, même si quelques titres peuvent être déstabilisants pour le fan du groupe (Turbo Lover, Parental Guidance, Private Property, bien calibrés "radio" ou encore Out in the Cold où les guitares synthés sonnent plus comme des synthés que des guitares), on y retrouve bien la patte du groupe. Les solos de la paire Downing/Tipton (bel échange sur Locked In) sont bien présents et l’ensemble sonne quand même bien plus Metal que les groupes américains de Hard US cités plus haut. Preuve en est ce Locked In ou un Hot for Love endiablé (avec solo lumineux de K.K. Downing). Reckless montre que Rob Halford, même s’il ne donne pas toute l’étendue de son talent sur cet album, est un chanteur aux capacités vocales étonnantes. Quant à Rock You all Around the World, le titre le plus énervé, même s’il montre une agressivité contenue, est un titre tout à fait honorable. Out in the Cold est un chouette morceau, pas si éloigné que ça d’un Touch of Evil (sur Painkiller). Enfin, même si Turbo Lover est un titre assez particulier pour Judas, il n’en reste pas moins l’un des classiques du groupe, fréquemment joué en concert.
C’est sûr, on est bien loin des Screaming for Vengeance et Defenders of the Faith mais, dans un autre style plus policé certes, cet album tient carrément bien la route.

Alors je vous avoue franchement que cet album, à l’époque, je l’avais laissé tomber assez rapidement et je ne l’ai plus écouté pendant pas mal d’années. Et puis un jour, je lui ai redonné sa chance. Et j’ai bien fait car je l’ai redécouvert et trouvé pas si mal que ça. Comme quoi, quelquefois, les années étant passées, notre perception d’un album n’est plus la même.

Evidemment, Turbo était un album risqué pour le Priest, il n’allait pas plaire à tout le monde, loin de là. Pas mal de fans du groupe pour lesquels le choc fut bien trop important allaient déserter, pensant que Judas les avaient trahis (fallait bien la placer quelque part, celle-là !) et qu'ils s’étaient définitivement tournés vers un Metal taillé pour les charts américains.
Mais Judas Priest n’avait pas dit son dernier mot et allait prouver qu’il n’en était rien en mettant tout ce beau monde d'accord quatre ans plus tard avec la sortie de son album le plus puissant, Painkiller.

 

Tracklist de Turbo :

01. Turbo Lover
02. Locked In
03. Private Property
04. Parental Guidance
05. Rock You All Around The World
06. Out in the Cold
07. Wild Nights, Hot & Crazy Days
08. Hot For Love
09. Reckless