En regardant le nom du groupe (et de l’album, par extension) et le graphisme de la pochette (ce qui m'a interpellé), le tout étiqueté “grindcore” par-dessus le marché, il est clair que je m’attendais (ne connaissant pas le groupe, ça va de soi) à du gros Carcass worship bien cadavérico-scato-cochon, et pas forcément le plus passionnant.
Il n’est en absolument rien, Morgue Supplier ne fait pas partie de cette catégorie. Morgue Supplier, c’est presque raffiné, même si le terme n’est pas très approprié quand on parle de grindcore. D’abord, ce n’est pas le grindcore qui domine dans le musique, mais plutôt un death brutalo-technique et pas le plus stéréotypé. Il faut dire que le groupe a des liens étroits avec le brutal death, ayant eu en son sein des membres anciens et actuels de Gorgasm et Broken Hope. Morgue Supplier fait indéniablement partie de cette tendance salutaire de grind de vouloir sortir du carcan blast ininterrompu-paroles pipi caca tripes-morceaux torchés en trente secondes. Là, il y a de la construction, de la réflexion, du caractère en somme.
Les riffs sont, et c’est le moins qu’on puisse dire, alambiqués. Les rythmiques vont de pair et on se retrouve plus souvent dans du mid tempo, voire down tempo que sur un tempo effréné classiquement grind. La durée des morceaux est souvent trompeuse, car ce n’est pas parce que c’est court que c’est basique et expéditif : Massive Murder, qui affiche une minutes quarante-trois au compteur, a quatre plans rythmiques et riffiques différents, tous assez perchés et techniques.
Pour le coup, cet album donne vite mal crâne lors de la première écoute, on a parfois du mal à suivre. Ça m’a rappelé les albums les plus pointus d’Antigama, ce genre d’album qui passe très mal en fond sonore et qu’on doit plutôt écouter attentivement au casque en ne faisant rien d’autre. Mais il se bonifie au fur à mesure des écoutes.
Mis en perspective par rapport au reste de la discographie, ce disque me paraît être le moins typé grindcore du lot (surtout par rapport au premier album, super cru et brutal) et limite le plus accessible (par rapport à l’EP Constant Negative, encore plus casse-tête), déjà parce que le son est très correct et également parce que les structures, certes d’une grande complexité, ménagent toujours un espace à une accroche mélodique qui permet de ne pas trop se perdre.
Belle prouesse donc, que cet album, même si on ne se le mettra pas tous les jours (quarante minutes, c’est à la limite du digeste). En tout cas, j’aime bien cet effort déployé pour faire sortir le grind de sa zone de confort. J’ai tellement du mal à m’intéresser à ce qui sort dans le style (dont je suis pourtant habituellement très friand) que je ne peux que saluer un groupe qui fait preuve de créativité au lieu d’user de recettes ultra éculées.
Tracklist de Morgue Supplier :
01. Heathen (The Throes Of Poison) 02. Cultic Rape 03. Moral Vacuity 04. Bringer Of The End (Executioner) 05. Mental Slum 06. End Of Self 07. Graveyard Filler 08. Rotting In An Alley 09. Massive Murder 10. Dead Room 11. Equipped To Obliterate 12. Destroying A Human 13. Restraints 14. Broken Gods
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