C H R O N I Q U E

Depuis quelques années, le Metal québécois semble prendre de l’ampleur sur la scène Black Metal internationale. Formé initialement par des groupes comme Forteresse (avec l’album fondateur qu'est Métal Noir Québécois), Monarque et Neige et Noirceur, le flambeau continue de s’étendre avec les plus jeunes et les plus novateurs, comme les derniers Gris, Sombres Forêts et Csejthe, qui ont tous fait un tabac l’année passée avec leurs albums respectifs. Les pays nordiques ont de quoi se faire du mouron à l’avenir, la relève du Black Metal traditionnel, ou devrais-je dire, du Métal Noir, est bien québécoise. Et cela pour le plus grand plaisir des francophones !

Car vous l’aurez sans doute remarqué, mais la particularité du Métal Noir, c’est bien de revendiquer et chanter à chaque album, à chaque offrande néfaste, notre belle langue de Molière. Qui, selon leurs propres dires, convient mieux à l’écriture de paroles dont les sujets empruntent autant de concepts au mouvement dit du Romantisme (la vague post Victor Hugo etc...), que celui du Symbolisme (Franz Von Stuck, Félicien Rops…). Cet engagement passe parfois même pour du radicalisme à outrance, tant la frénésie traductrice a atteint les plus bas niveaux de la société. Pensez à tous ces titres de films/séries que les Québécois traduisent avec plus ou moins de réussite ! Ce radicalisme linguistique fait pourtant sourire, ici en France, et montre en tout cas que certains continuent heureusement l’écriture en français, et surtout… sans sombrer dans le ridicule ! (écueil dans lequel trop de groupes tombent encore, tant en Metal qu’en Variété). Pratiquer le français chanté n’est donc pas chose aisée.

C’est dans cet état d’esprit que Neige et Noirceur inscrit son quatrième album. Vous aviez peut-être déjà écouté les magnifiques La Seigneurie Des Loups ou Hymnes De La Montagne Noire. Si ce n’est pas le cas sachez que le groupe officie dans du Black Metal traditionnel lorgnant vers de l’Ambient. Les thèmes abordés sont souvent liés à l’histoire québécoise, à des fables, contes et légendes, le tout dans une ambiance plutôt noire et occulte.

Alors que peut nous offrir un nouvel album de ce type ? Gouffre Onirique Et Abîmes Cosmiques diffère en fait un peu de ses prédécesseurs. L’inspiration semble d’avantage liée à la Dark Fantasy que les précédents albums. Le groupe s’aventure aussi vers un style plus froid, qu’on appellerait dans le vocabulaire musical approprié, du Cold Ambient, que l'on retrouve sur deux pistes entières, Les Cavernes De Glace I et II.

Entrons à présent dans le vif du sujet.

L’introduction est une longue piste de Black atmosphérique, qui se construit à partir de riffs stridents et un rythme lent et martial, sur fond de voix qui se lamentent, le tout posant les bases d’une ambiance noire et maléfique. Neige et Noirceur porte décidément bien son nom. Car c’est à travers une ambiance à la fois glaciale et sombre que se construit le nouvel album de Spiritus. Ambiance confirmée par la piste qui suit, Future Torture, dont on apprécie d'ailleurs les voix criées en français !

Néanmoins, quelque chose m’embête sérieusement sur cet opus, et après pas mal d’écoutes je n’arrive toujours pas à véritablement saisir le fond du problème. Je bascule constamment d’une impression émotionnellement très positive à une impression d’indifférence totale.

En fait, cette sensation est sans doute due à l’aspect bipolaire des influences revendiquées par le groupe. Gouffre Onirique Et Abîmes Cosmiques est à la fois un retour vers les vieux riffs Black des années 90 (que je n’apprécie d’ailleurs pas vraiment ici), à une couleur plus « Dark Fantasy » que je trouve par contre vraiment très intéressante. Aspect « Dark » que l’on retrouve très bien dans Le Portail De Kadath, la pièce maîtresse de l’album à mon sens.

Car en réalité, Neige et Noirceur aurait pu déployer ce que j’imagine être la face noire et maléfique de Rhapsody. Ecoutez Les Cavernes De Glace III pour vous en convaincre. On touche à quelque chose de vraiment pertinent et d’original, pas non plus dans le genre de Bal-Sagoth (faussement maléfique), mais vraiment ce qui serait le « dark side » des italiens. Imaginez ce que ca aurait pu produire ?! Un chef d’œuvre, tout simplement. C’est ce qui m’agace le plus finalement : être à deux doigts du très bon album, et s’en éloigner par un retour incohérent à des vieux riffs Black des nineties qui n'ont pas lieu d'être ici… Vraiment dommage. Enfin l’album n’est pas mauvais du tout, loin de là ! Mais cette espérance d’une possible pépite du genre m’avait rudement enflammé, et je suis retombé, malheureusement, de mon piédestal.

Gouffre Onirique Et Abîmes Cosmiques est fait de hauts et de bas, entre chef d’œuvre absolu et indifférence totale. Il satisfera sans doute les fans du groupe ou du genre Black glacial en général. La flamme épique, pourtant voulue ici, n’a été qu’une petite étincelle d’espérance... Snif. Attendons de voir ce qui se fera au prochain. Mais vous pouvez dès à présent profitez de celui-ci, car malgré ma déception, Neige et Noirceur continue de convaincre, inlassablement. Ma critique est en fait similaire au coup de gueule qu’un prof peut avoir face à un élève à fort potentiel, qui déçoit, car n’ayant pas encore pris conscience de ses grandes qualités ! A la revoyure donc...

Tracklist de Gouffre Onirique Et Abîmes Cosmiques :

01. Gouffre Onirique Et Abîmes Cosmiques
02. Future Torture
03. Echos Des Abysses
04. Le Portail De Kadath
05. La Marche Des Astres Noirs
06. Les Cavernes De Glace I
07. Les Cavernes De Glace II
08. Les Cavernes De Glace III

Venez donc discuter de cette chronique, sur notre forum !