Artiste/Groupe:

Opeth

CD:

In Cauda Venenum

Date de sortie:

Septembre 2019

Label:

Nuclear Blast

Style:

Metal Progressif

Chroniqueur:

Ignatius

Note:

20/20

Site Officiel Artiste

Autre Site Artiste

Tout comme Rome ne s'est pas faite en un jour, il aura fallu quelques années et trois albums (Heritage, Pale Communion et Sorceress) à Opeth pour entreprendre, parfaire et finaliser sa mutation. Une mutation célèbre, commentée, décriée, certains fans exigeant même que le groupe change de nom (comme si eux-mêmes demandaient à leur compagne exhibant fièrement une nouvelle coupe de cheveux de changer de prénom). Ainsi, durant la dernière décennie, Opeth, jusqu'alors acteur majeur d'une scène Death Metal mélodique et hautement sophistiquée, s'est en effet doucettement transformé en une entité résolument tournée vers l'extravagance progressive et aventureuse des années 70. Maladroits dans leurs premiers essais, parfois peu lisibles, brouillons et surtout moins touchants qu'il ne l'étaient sur ces disques inoubliables qui ont constitué une première partie de carrière sans faille et absolument somptueuse, les Suédois ne parvenaient plus à nous faire ressentir les profondes émotions dont regorgeaient des chefs d'œuvre comme Still Life, Deliverance ou Blackwater Park pour ne citer qu'eux. Sur les trois premiers albums de sa nouvelle ère Opeth s'est en effet trop souvent laissé embarquer dans un exercice de style trop voyant, usant de figures imposées et de tentatives d'improvisations pas toujours très heureuses. Mais Opeth a travaillé, appris, Opeth a pratiqué et ses tâtonnements semblent aujourd'hui bien loin tant leur nouvelle offrande est maîtrisée de bout en bout. Le groupe, sûr de son fait, sait désormais exactement où il va et comment s'y rendre. In Cauda Venenum condense et magnifie les deux vies de ce combo définitivement hors du commun, la puissance et la mélancolie exacerbée de la première, la richesse et l'excentricité de la seconde.

Ce nouvel album est à la fois grandiloquent et intimiste, techniquement parfait et d'une sobriété ultra classe, démonstratif dans sa générosité mais aussi efficace et parfaitement juste dans ses intentions. Mikael Akerfeldt, créateur et cerveau du projet, s'y impose évidemment comme l'un des plus grands compositeurs de son temps. Véritable génie dans l'Art délicat d'écrire une trame musicale complexe et cohérente, malgré les circonvolutions qui la traversent, de la mettre en place avec une fluidité désarmante et de l'arranger, méticuleusement, jusque dans ses moindres recoins. Et les recoins sont partout pour qui veut se donner la peine d'explorer l'œuvre, In Cauda Venenum est d'une richesse inouïe, qui non seulement saute aux oreilles dès la première écoute mais se révèle petit à petit durant les dizaines qui suivront, rendant l'album de plus en plus addictif, de plus en plus copieux et, finalement, de plus en plus passionnant. Opeth, plus poétique et conteur que jamais, jongle avec les ambiances, fait et défait les textures, se joue du rythme, devient polyrythmique, saccade son propos puis soudainement s'apaise pour murmurer, comme au coin du feu. Opeth nous enivre de nouveau d'une musique certes savante mais surtout évocatrice, belle et vibrante.

 

 

Il serait en revanche très injuste de limiter cet album à la seule performance de Mikael Akerfeldt car c'est tout le groupe qui est ici en état de grâce, à tel point que chaque instrument mérite à lui seul quelques écoutes attentives et dédiées. In Cauda Venenum ou la communion de cinq musiciens hors pair et suffisamment talentueux pour s'offrir le luxe d'être sobres dans leur interprétation, cinq virtuoses du maniement des émotions qui nous promènent au gré de leurs humeurs et nous abandonnent, pantois, devant des tableaux musicaux saisissants et bouleversants. Ils nous convient à un voyage extraordinaire dont chaque seconde est lourde de sens, un voyage dont le chemin exaltant relie une myriade de moments de grâce, touchants et poignants. J'y passerai des heures mais je me contenterai d'évoquer la fin bouleversante de Charlatan, son solo fatal, le break automnal de Ingen Sanning Är Allas, le cheminement musical complètement ahurissant de Banemannen et sa construction juste prodigieuse ou encore le final de Kontinuerlig Drift, d'une beauté et d'une richesse harmonique à tomber... j'y passerai des heures car tout dans cet album foisonnant est évocation de scènes, d'images et de sentiments.

Alors oui, il aura fallu du temps pour publier cette chronique, l'album étant sorti il y a déjà quelques mois, mais j'ai eu besoin de ce temps pour digérer cette œuvre purement magique et lui rendre l'hommage qu'elle mérite. In Cauda Venenum est un disque gargantuesque, fruit d'un travail d'écriture et d'interprétation admirables. Opeth, qui réussi l'exploit de me faire oublier le superbe et intemporel Blackwater Park dans lequel j'aime tant me plonger dès que l'automne envahit le ciel, ne cherche définitivement pas la simplicité en faisant le choix magnifique d'exploiter cent pour cent de son immense potentiel afin de bâtir un édifice sonore tout aussi somptueux qu'exigeant. Quelle chance avons-nous de pouvoir en être les admirateurs !


Tracklist de
In Cauda Venenum :

01. Livets Trädgård
02. Svekets Prins
03. Hjärtat Vet Vad Handen Gör
04. De Närmast Sörjande
05. Minnets Yta
06. Charlatan
07. Ingen Sanning Är Allas
08. Banemannen
09. Kontinuerlig Drift
10. Allting Tar Slut

Venez donc discuter de cette chronique sur notre forum !