Artiste/Groupe:

Port Noir

CD:

Any Way The Wind Carries

Date de sortie:

Mars 2016

Label:

Century Media

Style:

Pop Post Metal

Chroniqueur:

El Piotr

Note:

15/20

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Sans tarder, amarrons-nous aux quais tourmentés de Port Noir. L’équipage nous vient tout droit de Suède, avec AW Wiberg à la batterie, Love Andersson au chant et à la guitare et Andreas Hollstrand à la guitare. Le trio vogue au gré de vents lents et nostalgiques (en partant du principe que le vent puisse pleurnicher sur son passé, ce qui, outre son aspect comique, remettrait en question une bonne partie des sciences modernes), à la découverte de continents musicaux fort éloignés mais ici intégrés avec intelligence. Si les lignes de navigation ne changent guère durant cette épopée, au moins cette dernière est-elle intense, au moins regorge-t-elle de tempêtes et sait esquiver les calmes plats.

L’aventure débute avec une fausse promesse : celle du groove. Si ce dernier n’est pas l’élément central des deux premiers titres que sont Any Way The Wind Carries et Earth, il n’en reste pas moins qu’il participe bigrement à leur saveur. Eh bien, faites vos adieux, agitez vos mains et vos mouchoirs alors que sa petite bouille de groove disparaît lentement vers l’horizon, tout enfermé qu’il est dans son paquebot à la destination inconnue, mais très certainement lointaine. Une fuite exécutée de la plus belle des manières que nous serons cependant en mesure de pardonner tant le reste de l’album est convaincant, même sans lui. 

Nos larmes se tarissent effectivement à l’écoute entière de l’album, qui nous saisit par sa cohérence et sa simplicité. Et qu’il est malaisé de forger une musique simple sans qu’elle en soit pour autant inefficace ni répétitive, deux écueils dont le groupe ne saura d’ailleurs pas entièrement se préserver. Nous sommes ainsi plongés, douze titres durant, dans une version de post-metal aux accents pop, en ce qu’à la lourdeur caractéristique du genre viennent s’adjoindre les prouesses vocales de Love Andersson, aux mélodies diablement efficaces et accessibles. 

Cette dualité constitue l’assise même d’Any Way The Wind Carries, qui ne s’en départira pas, permettant ainsi la mise en place de cet univers si caractéristique. Force est de constater, par ailleurs, que la recette est dans l’ensemble équilibrée : la voix semble être un guide et une victime tout à la fois ; le guide qui par son timbre tranchant s’extrait de l’apathie et la détresse de la rythmique où nous sommes englués, nous dévoilant ainsi la marche à suivre ; mais cette voix qui reste tellement affectée par la mélancolie omniprésente qu’elle ne peut que la convoyer à son tour. 

La formule se construit sur des titres courts, sans préambules : le groupe affirme dans sa biographie l’importance qu’ils accordent aux entrées en matière directe, afin que l’atteinte du vif du sujet ne soit pas délayée. Ce parti pris est peut-être leur seule faiblesse notable : car les rythmes lents, les mélodies aliénantes de la guitare se sentent à l’étroit dans ce format, et en viennent en définitive à se répéter sur chacune des pistes, là où un titre plus long aurait pu donner lieu à une évolution de ces éléments afin d’en extraire toute leur sève. Non pas qu’ils soient inopportuns sur ces morceaux de 3min30 en moyenne (c’est très peu !) mais ils peinent à s’imposer comme composants essentiels là où la voix accapare l’attention, et semblent se cantonner au rôle de faire valoir alors qu’un potentiel certain est discernable. En vérité, il s’agit d’un problème infime sur la plus grande partie de l’album tant les mélodies chantées sont remarquables : Onyx et Come What may en sont le plus bel exemple. Cependant certains titres convainquent moins sur ce plan et alors surgit la question ressurgit avec force, sur Beyond The Pale ou The sleep notamment. 

Cette frustration est fort heureusement en partie balayée par l’efficacité des compositions et du chant, mais pas seulement : le synthétiseur est très présent, et permet d’installer par moment une atmosphère astrale qui élargit le son et renvoyant à un imaginaire d’espaces infinis, entre planètes, vides et lenteur. Cet apport est bienvenu, d’autant plus lorsque le synthé se charge d’appuyer la rythmique sur Earth en lui répondant avec un ensemble de cuivres au son maltraité qui contraste avec les couleurs du morceau, comme une chaleur autrefois bienfaitrice mais aujourd’hui inhospitalière.

Any Way The Wind Carries se construit donc tout en lenteur, par la voix qui vous happe et par la profondeur du son qui vous capture définitivement. Les écoutes répétées confirment le bonheur de l’immersion proposée, ce malgré l’enchaînement parfois trop rapide des titres. Mais allez, rien de criminel. Et cela nous laisse espérer le meilleur pour leur prochain album.

 

Tracklist de Any Way The Wind Carries :
 
01. Any Way The Wind Carries
02. Earth
03. Vous Et Nous
04. Black From The Ink
05. Onyx
06. Diamond
07. Beyond The Pale
08. Fur, Rye
09. Exile
10. The Sleep
11. Come What May
12. The Oak Crown.