Queensrÿche revient de loin. Après une première décennie marquée par bon nombre d'albums mémorables, le combo a perdu quelques fans en route, surtout à partir de la fin des années 90. Evidemment, tout le monde n'aura pas le même avis et chacun a le droit d'apprécier telle ou telle période du groupe... mais personnellement, je fais partie de ceux qui ont eu du mal à maintenir leur enthousiasme pour la musique pratiquée par les Américains à partir de 1997 (même s'il y a des choses que j'aime bien dans Hear In The Now Frontier et dans quelques autres albums ultérieurs). Après l'éviction de Geoff Tate, j'ai trouvé que Queensrÿche revenait à quelque chose qui me parlait plus. Le premier album avec Todd La Torre au chant en 2013 était un pas dans la bonne direction. Imparfait mais plus heavy et accrocheur que pas mal de disques précédents, il m'avait donné envie d'en entendre davantage. En 2015, Condition Hüman avait confirmé le retour du quintet aux choses sérieuses. Mieux produit, plus abouti et intéressant que son prédécesseur, il m'avait véritablement séduit. Ce cap est-il maintenu avec The Verdict ? Avant de répondre, juste un petit mot sur le line-up : le batteur Scott Rockenfield, absent de la dernière tournée européenne (en 2017, c'était Casey Grillo qui officiait derrière les fûts) en raison d'un congé paternité n'a pas encore réintégré le groupe (et n'a pas vraiment donné d'indication, à ce jour, quant à une éventuelle date de retour, ce qui est déjà plus inquiétant mais passons), c'est donc Todd La Torre lui-même (le monsieur a d'abord été batteur) qui s'est chargé des parties de batterie sur The Verdict. C'est donc un quatuor qui se présente à nous et propose le premier album de Queensrÿche où Rockenfield n'apparaît (officiellement) pas. 

Le groupe l'avait annoncé et cela se confirme à l'écoute de la galette : The Verdict est un album heavy et sombre, plus encore que précédemment... et un peu plus progressif aussi. Sur le papier, c'est prometteur. Et ce disque ne manque pas de qualités. Pourtant, curieusement, la sauce prend un peu moins bien (avec moi, en tout cas) que sur le cru 2015. C'est frustrant. Le style n'est pas pourtant pas à des années lumières de celui proposé sur les deux autres disques de l'ère La Torre. Il est heavy et contient des répères ou marques de fabrique développés par le groupe lors de ses glorieuses années (comprendre sa première décennie d'existence). Todd La Torre, ce n'est pas un scoop, reste un vocaliste très impressionnant et prouve qu'il a plus d'une corde à son arc en assurant aussi à la batterie (il faut pouvoir passer après Rockenfield). En plus, le disque démarre plutôt bien avec des compos courtes, directes et efficaces. Les rythmées Blood Of The Levant et Man The Machine sont sacrément heavy et affichent moins de quatre minutes (chacune) au compteur. Ca riff bien, la rythmique est solide, le chant est à l'avenant, le son est assez costaud... On a connu démarrage moins convaincant. Et Light Years, en troisième position, fait dans le mid-tempo carré (avec encore un bon riff qui rappelle un peu celui de Guardian sur l'album précédent) pourvu d'un refrain mélodique et accrocheur. Très bien.

Si la facette heavy et directe du groupe est encore développée par la suite (Inside Out et Propaganda Fashion, concises, qui ne me déplaisent pas mais m'enthousiasment moins que les premières pistes), c'est davantage sur la seconde moitié du disque que l'aspect plus progressif du Rÿche est présent. Et cette partie est plus difficile d'accès. Je n'ai pourtant rien contre l'insertion d'éléments progressifs mais là, je dois reconnaître que je ne retiens pas grand-chose. Les atmosphères sont travaillées et pas inintéressantes, les compos sont plus aventureuses mais, à part Inner Unrest (dont les mélodies me marquent) et Launder The Conscience (au démarrage musclé et à la fin instrumentale pesante, sur un tempo plus lent, avec un thème entêtant au piano... un titre qui change beaucoup et me rappelle un peu l'esprit de Rage For Order), peu d'éléments retiennent vraiment mon attention. Des ingrédients sortent cependant du lot (les harmonies vocales et l'ambiance de The Portrait, quelques solos bien ficelés par la paire de guitaristes Wilton/Lundgren) mais, dans l'ensemble, cette deuxième partie peine à décoller et manque parfois d'accroche.

Verdict (vous l'avez vu venir, celle-là ?) : j'ai été bien embêté avec cette chronique. Parce que je vois bien ce que Queensrÿche a voulu faire et trouve la démarche louable, parce que je sens qu'il y a plein de choses qui vont plaire aux fans (notamment à ceux qui, comme moi, ont recommencé à apprécier le groupe avec l'arrivée de La Torre), parce que je lui trouve peu de défauts et pas mal de qualités, parce que tout est globalement réuni pour que ça fonctionne, parce que j'aimerais être plus emballé que je ne le suis mais, rien à faire, je n'y arrive pas. Il y a du rythme, de la variété, des compos directes et d'autres plus audacieuses, je ne devrais que me réjouir. Ça ressemble à du bon Queensrÿche et en fait, objectivement, c'est globalement du bon Queensrÿche... mais quand The Verdict s'achève, je n'ai pas spécialement hâte de m'y replonger. J'y suis pourtant revenu de nombreuses fois en me disant qu'avec un peu de persistance, j'allais finir par l'apprécier davantage (ce qui n'est d'ailleurs pas totalement faux, j'ai repoussé cette chro pour lui accorder plus de temps et je l'aime plus aujourd'hui qu'il y a quelques semaines), mais bien qu'il ne soit pas inintéressant et que j'apprécie réellement certaines de ses pistes, je trouve qu'une fois ses meilleurs atouts dévoilés, la pression retombe et je n'ai pas (ou peu) de riffs ou refrains à fredonner sous la douche au petit matin. Si le groupe vous intéresse encore et que les extraits mis à disposition sur le net vous ont plu, je vous conseille néanmoins de creuser cet album... en vous souhaitant d'y prendre plus de plaisir que moi.

Tracklist de The Verdict : 

01. Blood Of The Levant
02. Man The Machine
03. Light Years
04. Inside Out
05. Propaganda Fashion
06. Dark Reverie
07. Bent
08. Inner Unrest
09. Launder The Conscience
10. Portrait