Artiste/Groupe:

Schammasch

EP:

The Maldoror Chants : Hermaphrodite

Date de sortie:

Juin 2017

Label:

Prosthetic Records

Style:

Ambient/Black Metal ritualiste

Chroniqueur:

Mythos

Note:

15/20

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« Là, dans un bosquet entouré de fleurs, dort l’hermaphrodite, profondément assoupi sur le gazon, mouillé de ses pleurs. La lune a dégagé son disque de la masse des nuages, et caresse avec ses pâles rayons cette douce figure d’adolescent. Ses traits expriment l’énergie la plus virile, en même temps que la grâce d’une vierge céleste. Rien ne paraît naturel en lui, pas même les muscles de son corps, qui se fraient un passage à travers les contours harmonieux de formes féminines. Il a le bras recourbé sur le front, l’autre main appuyée contre la poitrine, comme pour comprimer les battements d’un cœur fermé à toutes les confidences, et chargé du pesant fardeau d’un secret éternel. Fatigué de la vie, et honteux de marcher parmi des êtres qui ne lui ressemblent pas, le désespoir a gagné son âme, et il s’en va seul, comme le mendiant de la vallée » [Les Chants de Maldoror - "Chant II Strophe 7", Comte de Lautréamont]

Avec cette citation vous l’avez peut-être déjà deviné, mais le nouvel EP de Schammasch se nomme The Maldoror Chants : Hermaphrodite, et il traite donc logiquement de l’inclassifiable œuvre de sieur Lautréamont en l’abordant par la lorgnette du "Chant II" (consacré à la description de l’hermaphrodite). La quête des Suisses mystiques se poursuit inlassablement avec un concept album de quelques trente minutes, qui promet d’ailleurs de nombreuses suites consacrées aux différents chants du grand livre (du moins on l’espère).

Pourtant, si la joie de retrouver Schammasch en ce milieu d’année avec une nouvelle production est grande, après un triple album, on se sent quand même un peu floué ! Dur d’assurer la suite de Triangle, c’était à prévoir. Mais d’un autre point de vue, le coup est bien joué de la part de Schammasch. Car en proposant ce nouveau format, aucune comparaison n’est rendue possible entre les deux œuvres, qui ne partagent encore que leur géniteur et offre au groupe de nouvelles possibilités, car c’est bien de cela qu’il s’agit finalement.

D’ailleurs, de prime abord, l’artwork m’a beaucoup dérouté par son style surréaliste un peu usé et ne coïncidant que moyennement à l’univers déployé par le groupe jusqu’ici (malgré le respect du code couleur « gris/doré/noir » de Triangle). Passé cette étrangeté primaire, force est de constater que l’EP répond musicalement à un certain style de Schammasch déployé depuis Contradiction et poursuit donc le travail entamé plus tôt.

The Maldoror Chants : Hermaphrodite est un opus puissant, profond, à l’atmosphère intrigante et mystique. Schammasch a privilégié les guitares lourdes et graves associées à des chants rituels et des parties d’Ambient toujours aussi bien travaillées (c’est d’ailleurs vers ce style que veut s’orienter son géniteur dans un futur projet solo nommé Sulphura). J’ai regretté les parties réellement Black Metal qu’on avait pu avoir sur les opus précédents (l’excellente In Dialogue With Death par exemple), mais ce n’est pas le but de cet EP qui annonce une nouvelle ère pour la formation suisse. De ce point de vue, la piste la plus réussie est pour moi May His Illusion Last Until Dawn's Awakening, un vrai bijou du style ! Entre un Black ritualiste puissant et du Dark Ambient aux atmosphères profondes.

Rassurez-vous cependant, c’est toujours la quête mystique qui anime le groupe, musicalement et conceptuellement parlant. Car dans la tradition philosophique, l’hermaphrodite a une place très spécifique. Souvenez-vous que chez les grecs (et notamment Platon), le monde est un Tout, une série de phénomènes qui se complètent et permettent ensemble de tenir l’univers. L’hermaphrodite est alors considérée comme un troisième sexe (à l’heure des débats sur le statut des transexuels ça reste intéressant), jonction unique de l’homme et de la femme, l’être parfait en somme, le Tout à jamais égalé. Dans la mythologie grecque, il est le fils d’Hermès et d’Aphrodite (d’où « Herm-aphrodite ») et possède les atouts des deux dieux. On retrouve ensuite le phénomène chez Ovide dans ses Métamorphoses. Bref, l’histoire de ce concept est longue et invite à un certain nombre de questionnements sur la nature du désir, de la Totalité et de la quête spirituelle. Schammasch l’étudie à partir du point de vue de Lautréamont en en faisant une belle œuvre musicale et mystique. L’EP est donc intéressant, fruit d’un développement d’une certaine âme de Schammasch et mérite une écoute un minimum attentive.


Tracklist de The Maldoror Chants : Hermaphrodite :

01. Prologue
02. The Weighty Burden Of An Eternal Secret
03. Along The Road That Leads To Bedlam
04. These Tresses Are Sacred
05. May His Illusion Last Until Dawn's Awakening
06. Chimerical Hope
07. Do Not Open Your Eyes