Artiste/Groupe:

Thy Catafalque

CD:

Sgùrr

Date de sortie:

Octobre 2015

Label:

Season Of Mist

Style:

Avant-garde metal

Chroniqueur:

El Piotr

Note:

19/20

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Accrochez-vous à vos pantalons et prenez une grande inspiration, une plongée dans l’univers de Thy Catafalque s’annonce. Et elle est vertigineuse.

Le responsable d’une telle chute : Tamás Kátai, artiste hongrois installé en Ecosse. Seul maître à bord du navire depuis 2011 avec la sortie de Rengeteg et le départ du guitariste János Juhász, le bougre se charge de l’intégralité de l’instrumentation, des guitares à la programmation de la batterie. Il prend son temps et consacre quatre (très) longues années à la concoction de Sgùrr, à qui est dévolu la lourde responsabilité de faire suite aux trois mastodontes que sont Rengeteg, Róka Hasa Rádió et Tűnő, idő tárlat. Le sixième album de Thy Catafalque ne déroge pas à l’habitude de qualité instaurée depuis plus de dix ans, et fait honneur à ses aînés.

Sgùrr s’ouvre par Zúgó, introduction expéditive de vingt secondes, aux airs d’annonce déclamée par un héraut des temps modernes. Le prélude achevé, Alföldi kozmosz entre en scène par le jeu entraînant de la batterie et de la guitare acoustique. Un violon s’ajoute au duo lors de la reprise du motif d’introduction, puis s’enfuit aussi légèrement qu’il était apparu. Puis une deuxième guitare, à l’air d’une mélancolie intense, prend place pour elle aussi se dérober dans un souffle. Cette ligne mélodique est responsable de la première des nombreuses claques que j’étais destiné à recevoir durant les écoutes de Sgùrr.

Le titre expose une bonne partie des qualités de Thy Catafalque : la composition s’organise en couches, qui apparaissent et s’évanouissent successivement, se complètent et se confrontent en d’infinies combinaison ; la rythmique implacable s’insinue en nous, sans heurt malgré son emphase ; les mélodies sont parsemées, égrenées avec parcimonie, en havres expressifs perforant la surface de la composition, dense.

Dense, le son des guitares électriques l’est également. Il s’agit d’une partie de l’essence musicale de Thy Catafalque. Un son compact et dur, qui s’érige en monolithe. La rythmique intraitable et la sonorité des guitares constituent les lames de fond de la plupart des compositions, sur lesquelles s’expriment tour à tour des fils mélodiques tenus par une autre guitare ou un synthétiseur, ou encore souvent engendrés grâce à la dissémination de bruits inorganiques, cosmiques en ce qu’ils élèvent et approfondissent le champ sonore ; ils s’y confondent sans pour autant sembler y puiser leur origine.

A la fureur des géants que sont Oldódó formák a halál titokzatos birodalmáb et Sgùrr Eilde Mòr répondent respectivement les apaisants A hajnal kék kapuja et Keringo. Eloignés du tumulte, ils forment délicatement un pan plus folklorique de la musique du groupe. Mais ils se comprennent également comme des passerelles : A hajnal kék kapuja annonce Élő lény au rythme bien plus enlevé, tandis que Keringo s’achève lourdement, pesamment. Notre embarcation vogue parmi les frétillements des rapides et n’accède à la quiétude des eaux lacustres qu’une fois la houle tempétueuse encourue.   

De rares chants s’élèvent çà et là, souvent hurlés. Il s’agit d’une nette distinction par rapport aux précédents albums : sur Rengeteg notamment, la voix d’Attila Bakos était omniprésente. Majoritairement instrumental, Sgùrr exhale ainsi une atmosphère de solitude qui s’ajoute à l’âpreté de son univers.

Les caractéristiques de Thy Catafalque se distinguent avec bonheur sur cet album : le riff venu d’ailleurs qui conclut les longs titres, le son si caractéristique des guitares, l’emballement incessant des rythmiques, la justesse de l’utilisation du synthé et les compositions imprégnées de mélancolie. Véritablement, Sgùrr est un délice. Repaissez-vous en.

Tracklist de Sgùrr :
 
01. Zúgó
02. Alföldi kozmosz
03. Oldódó formák a halál titokzatos birodalmáb
04. A hajnal kék kapuja
05. Élő lény
06. Jura
07. Sgùrr Eilde Mòr
08. Keringo
09. Zúgó