Les sales gosses californiens sont enfin de retour avec leur premier vrai album depuis dix-neuf ans ! Soit, depuis leur reformation au début des années 2010, le groupe nous a quand même gratifié d'un sympathique EP nommé Stairway To Hell... mais Uglier Than They Used Ta Be est plus consistant et se présente sous la forme d'une galette de quarante-huit minutes réparties sur onze titres. Observation : la mascotte présente sur les premiers essais du combo est bel et bien de retour... et zombifiée. Le titre de l'album est aussi une référence aux débuts d'Ugly Kid Joe, souvenez-vous : le premier EP s'appelait As Ugly As They Wanna Be... et les deux jaquettes sont également très ressemblantes (le sale gosse sur fond noir avec gros logo vert, la police d'écriture du titre...). Bref, l'aspect extérieur de cette nouvelle livraison pourrait faire penser qu'il s'agit là d'un retour aux sources et que tout cela va sonner comme aux début des années 90. Est-ce le cas ? Non. Les apparences sont décidément bien trompeuses.

Je ne critique pas, je constate. Pour ma part, il était assez improbable que les gars d'Ugly Kid Joe nous ressortent du hard rock fun, frais et juvénile tel qu'ils le pratiquaient il y a vingt-trois ou vingt-quatre ans de cela. Il faut dire que Whitfield Crane et ses potes sont quand même proches de la cinquantaine maintenant... N'est-il donc pas un peu déraisonnable d'attendre un America's Least Wanted part II ? Ne cherchez pas, évidemment que ça l'est. Prenons donc Uglier Than They Used Ta Be pour ce qu'il est et ne regardons pas trop dans le rétroviseur. 
On retrouve un groupe en forme sur Hell Ain't Hard To Find, la voix de Whitfield Crane est immédiatement reconnaissable... il ne force pas trop dessus, la ligne de chant est tranquille, mélodique... il est facile d'adhérer à un tel morceau, c'est du bon rock sympa et catchy. Ce n'est pas une chanson d'ouverture qui tue mais elle plante bien le décor et s'avère très agréable. 

Let The Record Play est un peu plus solide et consistante à mon goût. Le riff est plus heavy, le morceau plutôt mid-tempo et la mélodie simple et efficace s'incruste bien dans la tête. Je suis un peu moins convaincu par Bad Seed, autre titre heavy mid-tempo qui, s'il n'est pas mauvais, me semble trop passe-partout et un peu plan-plan. Le riff est toujours le même, la ligne de chant un brin fatiguée et résignée (le personnage de la chanson dit qu'on n'a jamais cru en lui, qu'il n'a jamais eu confiance en lui-même, qu'il n'est que de la mauvaise graine, etc...) est également assez plate et répétitive... ça s'écoute mais je n'entends rien de très enthousiasmant ici. Heureusement, le niveau remonte avec les pistes suivantes. Mirror Of The Man est un morceau singulier et décontracté posé sur un lit de guitares sèches et au groove séduisant. Et She's Already Gone voit revenir un hard rock plus enlevé et efficace. La mélodie fait son chemin jusqu'à nous, la petite intro en guitare claire avant de lancer la saturation sur un riff bien envoyé fonctionne... C'est solide et sympa. On ne peut toujours pas parler de compo renversante mais c'est plus qu'honorable. 

La suite alterne ballade, rock, heavy et reprises. Notons que les ballades sont très réussies. Nothing Ever Changes est un morceau sobre et mélancolique sur lequel Crane (toujours impeccable) fait preuve de retenue. La mélodie à la guitare acoustique est assez belle... C'est pas très gai ou entraînant mais le morceau s'avère captivant. Enemy, l'avant-dernière piste de ce disque, est également réussie (avec une dernière minute rock'n'roll speedée surprenante). Voilà un groupe qui sait signer des morceaux doux sans tomber dans le mielleux ou le soporifique. Je me demande même si les ballades, sur cet album, ne sont pas finalement plus enthousiasmantes que certains morceaux plus hard. Au rayon plus lourd justement, on a la sympa My Old Man qui repose sur une rythmique rock (AC/DC n'est pas loin) et Under The Bottom carrément plus heavy qui rappelle que les Ugly Kid Joe ont grandi en écoutant du Black Sabbath (c'est flagrant sur les deux dernières minutes du morceau). On notera que Phil Campbell (Motörhead) est venue poser sa guitare sur ces deux titres... ainsi que sur le classique Ace Of Spades qui, s'il n'offre pas grand-chose de neuf par rapport à l'original, a le mérite d'apporter un peu de vitesse et de hargne à cet album... Et Crane surprend par sa capacité à chanter du Motörhead. La reprise de Papa Was A Rolling Stone (The Temptations) est un peu plus surprenante car il s'agit d'un standard de la Motown et la version présentée ici est beaucoup plus rock et heavy. En plus, c'est l'occasion pour le groupe de convier une autre invitée de marque en la personne de la chanteuse australienne Dallas Frasca. Sympa. 

Verdict : Uglier Than They Used Ta Be n'est pas un disque incontournable mais une galette qui fait passer un moment agréable et s'avère de plus en plus attachante au fur et à mesure des écoutes. On retrouve avec plaisir un groupe sympathique qui a composé un disque assez bien fichu et bien produit. Quelques morceaux font taper du pied, les reprises sont cool, ça joue bien, il y a de jolies accalmies, ça manque juste un peu de "gros tubes" (expression à prendre avec des pincettes) ou de compos qui nous feraient dire "Waouh ! Quelle claque !"... Pas de quoi s'extasier donc mais certainement pas de quoi se plaindre non plus. La fraîcheur des débuts s'est logiquement estompée, la surprise punchy et plus metal apportée par le deuxième album (Menace To Sobriety qui ne fait pas l'unanimité mais que j'aime beaucoup) aussi... mais on reste sur un hard rock efficace et toujours plus réjouissant que celui déployé sur le décevant Motel California. Ce nouvel effort est assez proche dans l'esprit (et l'exécution) du EP Stairway To Hell. Si ce dernier vous a plu, vous reprendrez bien une petite dose de rock avec ces sales (plus vraiment) gosses qui, c'est certain, sauront transcender leur nouveau matériel sur scène. J'attends ça de pied ferme !

Tracklist de Uglier Than They Used Ta Be :

01. Hell Ain't Hard To Find
02. Let The Record Play
03. Bad Seed
04. Mirror Of The Man
05. She's Already Gone
06. Nothing Ever Changes
07. My Old Man
08. Under The Bottom
09. Ace Of Spades
10. Enemy
11. Papa Was A Rolling Stone