C H R O N I Q U E

Eliminator, l'usine à hits. Pensez donc, cinq singles ont été issus de cet album, dont trois vont terminer leur course dans le top 10 des charts américains. Avec le support de vidéos qui ont tourné en boucle sur les chaînes américaines, ZZ Top change carrément de statut avec cet album et devient un groupe énorme.

Eliminator, sorti en 1983, marque un changement musical pour ZZ Top mais l’album n’est pas une révolution non plus. En effet, avec l'album précédent (El Loco), ZZ Top s'était essayé à quelques timides sonorités de synthés. Eliminator en est la suite logique sauf que le synthé a été mis un peu partout sur l'album. Cela donne un son plus moderne (pour l'époque, entendons-nous bien) qui booste le Boogie Rock du groupe texan, le rendant plus dans l’air du temps et qui va propulser ZZ Top, au volant de sa Ford coupé modèle 1933, sur le devant de la scène musicale américaine.

Gimme All Your Lovin’ est le morceau parfait pour lancer l’album. Le rythme est super entraînant, le solo est limpide, le refrain est entêtant. Le synthé, nouvel invité donc, vient tisser une fine nappe en toile de fond. Juste ce qu’il faut pour ne pas dénaturer la musique du groupe qui, ne l’oublions pas, vient du blues (elle aussi). Le trio Gibbons – Hill – Beard (le seul membre qui n’est pas barbu et qui s’appelle "barbe", ça m’a toujours fait marrer) est tout simplement au top.
Got Me Under Pressure prolonge le plaisir. La voix change, un peu plus agressive. Le synthé est toujours présent mais toujours pas envahissant. Le solo est une nouvelle fois géant. Billy Gibbons a tout du guitar-hero qui n’en fait pas des tonnes mais qui joue avec beaucoup de feeling. Et comme deux bonheurs n’arrivent jamais seuls, Sharp Dressed Man vient mettre la cerise sur le gâteau. Riff d’une efficacité monumentale, voix chaude de Gibbons qui, tel le caméléon, est capable de changer de registre vocal sur chaque morceau. C’est bien simple, d’un titre à l’autre, il est souvent difficile de le reconnaître.
Après cette trilogie magique (chacun de ces morceaux va connaître une seconde vie en single), I Need You Tonight nous rappelle que le trio texan a fait ses premières armes dans le blues rock. Un titre gorgé de feeling avec encore un solo de guitare magique. I Got The Six revient sur du morceau dynamique qui donne une envie irrésistible de bouger avant le fabuleux Legs, son synthé tournant et son beat pour dancefloor. C’est clair, c’est typé années 80 mais écouter ce morceau est toujours aussi jouissif aujourd’hui. Ce qui prouve, s'il en était besoin, la solidité de ces compositions. Ce titre fera l’objet d’une célèbre vidéo où Gibbons et Hill jouent sur des instruments customisés avec des moumoutes. Culte !
La suite de l’album est sans doute moins connue (à part le titre TV Dinners qui a fait l’objet d’une vidéo culte lui aussi) mais qu'il serait dommage de zapper. Thug a un peu mal vieilli avec son son de basse très typé eighties et sa boîte à rythme. TV Dinners aussi avec ses synthés un peu trop envahissants, faisant de ce morceau un titre qui flirte (trop ?) avec la pop. Par contre, avec Dirty Dog et Bad Girl, ZZ Top ressort son boogie rock endiablé et entraînant. Quant à If I Could Only Flag Her Down, c’est du côté du bon vieux Rock and Roll que le groupe se penche. Le solo de Gibbons est encore une fois un petit modèle du genre.

Evidemment, cet album va connaître son lot de critiques. Les premiers à lui cracher dessus vont être les fans de la première heure qui se sentaient trahis. ZZ Top faisait du commercial ! Que diable ! C'est marrant, cette notion de trahison dans le monde de la musique. Cela signifie souvent qu'un groupe s'ouvre à d'autres auditeurs que le cercle des fans qui voulaient le garder pour eux. Une forme de jalousie en fait : on ne partage pas. Combien de groupes qui ont connu un succès soudain ont aussi connu cet épisode (citons Metallica, au hasard) ? Comme si la musique d'un groupe n'était réservée qu'à une poignée de personnes et qu'elle ne devait pas être partagée par les autres...

La recette développée par le groupe sur Eliminator et son succès retentissant va aussi être un peu un piège pour le combo. Car ZZ Top va vouloir récidiver deux ans plus tard en essayant de couler dans le même moule son Afterburner mais avec beaucoup moins de réussite (et beaucoup plus de synthés). Puis il réessaiera une fois encore avec Recycler en 1990 mais le succès ne sera pas au rendez-vous, d’autant que sept années s’étaient écoulées depuis Eliminator et que la musique avait eu le temps d’évoluer durant cette longue période. Ce n’est pas simple de gérer un succès aussi énorme. A croire qu'Eliminator est le genre d'album unique qu'on ne réussit qu'une seule fois au cours de sa carrière, fusse-t-elle aussi impressionnante que celle du trio texan.
Un indispensable du Boogie Rock musclé. Et même les amateurs de Metal peuvent se pencher sur la bête. La preuve, je l’ai fait. Et je ne l'ai pas regretté !

Tracklist de Eliminator :

01. Gimme All Your Lovin'
02. Got Me Under Pressure
03. Sharp Dressed Man
04. I Need You Tonight
05. I Got The Six
06. Legs
07. Thug
08. TV Dinners
09. Dirty Dog
10. If I Could Only Flag Her Down
11. Bad Girl

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