On pensait qu'on avait fait le tour de la question, que le Metal, on l'avait mélangé avec tout ce qui était possible : de la musique classique, du rap, de la pop, du blues, du jazz, du symphonique, de la country, du folk, du reggae, du disco, de l'opéra... Eh bien non ! Zeal & Ardor arrive et on découvre que tout n’avait pas encore été tenté.

Zeal & Ardor est le projet d'un artiste et producteur suisse, Manuel Gagneux et il est né un peu comme un challenge : "Es-tu capable de mélanger du Negro Spiritual et du Black Metal ?" lui a-t-on un jour proposé comme défi. Défi accepté... et voilà le résultat.

Devil Is Fine est donc la rencontre assez improbable de la musique noire par excellence, les chants religieux des esclaves américains qui ont conduit au gospel et par extension au blues et de la musique blanche la plus radicale qui soit. C’est aussi, pour aller plus loin, un mélange finalement de chants religieux et d’une musique à la base plutôt satanique. Ici, on dépasse toutes les frontières, musicales et philosophiques, il n’existe plus de limites entre les genres. Certains vont apprécier, d’autres vont détester.

On est plongé dans l’ambiance étrange de cet album dès le premier titre, Devil Is Fine, qui démarre avec des chants a capella (qui font penser à de vieux enregistrements pour que ça sonne encore plus vrai) et des bruits de chaînes réguliers. L’image qui vient en tête immédiatement, ce sont ces noirs enchaînés les uns aux autres en train de casser des pierres en rythme sous le cagnard. Mais derrière, doucement, monte une musique assez anachronique avec l’image que l’on vient de se faire. On termine sur quelques notes de piano. Au niveau du texte, on a déjà sur ce premier titre ce décalage entre ces chants d’esclaves qui étaient adressés à Dieu et qui, ici, rejoignent les thèmes sataniques propres au Black Metal. L’esthétique de la vidéo de ce titre est magnifique, je vous laisse apprécier :

Même s’il plante bien le décor, ce titre n’est pas très représentatif musicalement du reste (enfin, de la plus grande partie du reste) car la musique n’est pas encore extrême mais on sent que ça peut décoller d’une minute à l’autre. Confirmation avec le titre suivant : c’est sur In Ashes que les rythmiques black metal se mettent véritablement en branle : guitares stridentes et double pédale en accompagnement. Le chant est toujours assuré sous forme de chœurs de gospel, comme ce sera également le cas sur Come On Down, Children’s Summon (le titre le plus marqué black metal avec ici des chants incantatoires) et Blood In The River (avec retour des bruits de chaînes). Ce sont ces morceaux que je trouve les plus intéressants car on a bien ici ce mélange des genres inédit… et qui fonctionne.
Après, on a What Is A Killer Like You… encore différent, à l’ambiance feutrée qui vire au blues. J'aime moins, mais on reste dans l'esprit.
Enfin, on a les "intermèdes" Sacrilegium I, II et III, sur lesquels ce n’est plus de black metal dont il s’agit mais d’électro (le dernier me fait penser à un truc de Jean-Michel Jarre, c’est dire). Quand je vous parlais de mélange des genres… En revanche, je ne suis pas très fan de ces parties qui font un peu retomber l’ambiance "negro spiritual metal" car elles s’en éloignent considérablement (on n’a plus les chants ici). Le choix de l’artiste ne se discute pas mais l’avis de l’auditeur que je suis est qu’en si peu de temps (l’album est très court), on n’avait peut-être pas besoin de ces six minutes-là.

Devil Is Fine est un album hyper court (à peine vingt cinq minutes, ça fait plus penser à la durée d'un EP) mais il s’agit d’une expérience inédite que les plus curieux d’entre vous feront bien de se mettre entre les oreilles.
J'attends maintenant la suite, s’il y en a une, car ce hors-d’œuvre m’a mis en appétit.

Tracklist de Devil Is Fine :

01. Devil Is Fine
02. In Ashes
03. Sacrilegium I
04. Come On Down
05. Children's Summon
06. Sacrilegium II
07. Blood In The River
08. What Is A Killer Like You Gonna Do Here?
09. Sacrilegium III