Benighted Soul

Interview date

01 Mars 2011

Interviewer

Ostianne

I N T E R V I E W

Interview Jay, Djang (par téléphone)


Il y a pas mal de personnes qui vous connaissent, mais pour ceux dont ce n'est pas le cas, pouvez-vous présenter Benighted Soul ?

Jay : Benighted Soul c'est un groupe de metal symphonique qui a été créé en 2003 et qui a pris un nouveau départ en 2006 quand on a changé de line-up. Maintenant, on se définit plus comme un groupe de rock metal symphonique et que certains définissent même comme du prog symphonique.

"Âme arriérée", voire "âme primitive", pourrait être la traduction du nom, était-ce une manière de critiquer, dénoncer le côté primitif du genre Humain, ou simplement parce que vous trouviez que les deux mots sonnaient bien ensemble ?

Jay : Moi, je le traduis plutôt par "les âmes égarées" ou "les brebis égarées", donc le terme biblique en anglais. Mais oui, ce qui nous plaisait, c'était plutôt l'association des deux mots. Benighted, c'est très joli, ça exprime un contraste et c'est pour ça qu'on a choisit ce terme. Et puis "soul" bien sûr... Et à l'époque, le groupe Benighted n'était pas encore très connu en 2003, mais on s'est dit que Benighted Soul sonnait bien.

Comme Whyzdom, qui fait aussi du sympho, vous vous êtes fait un nom dans la scène symphonique française avant même la sortie de votre premier album. Comment expliquez-vous cela ?

Jay : C'est simple. En 2005, quand on a changé de line-up, on a décidé de ne pas faire un album tout de suite. On voulait apprendre à se connaître, voir ce qu'on voulait faire comme musique ensemble. On n'était pas tombé tout de suite d'accord, ce qui semble évident parce que dans un groupe, il y a beaucoup d'avis différents, ça prend du temps pour apprendre à se connaître, savoir exactement ce qu'on veut faire. Donc, tout ça a mis du temps. C'est vrai que du coup, on a sorti un EP qui a eu une petite publicité. C'était notre premier CD avec ce line-up, on a fait beaucoup de promotion pour lui, même si ce n'était pas le premier album. Mais on est bien content d'avoir fait cet EP là avant l'album, parce que ça permettait de faire une bonne transition avec les démos qu'il y avait eu avant et l'album qui sort maintenant.

Sur la pochette de "Start From Scratch", on retrouve la poupée qui était sur l'EP. Elle a cependant changé. Que lui est-il arrivé ?

Jay : C'était une volonté de notre part. On avait envie de la faire évoluer. On a demandé à Eliran Kantor, qui a aussi travaillé pour Testament ou The Old Dead Tree, de travailler avec nous. On lui a dit qu'on voulait reprendre cette petite poupée, parce qu'elle signifie beaucoup pour nous et même pour le public qui l'apprécie beaucoup. Mais on voulait qu'il la relooke à sa manière, qu'il en fasse ce qu'il en voulait. Cela nous paraissait être une idée intéressante d'avoir une image de cette poupée qui a évolué et qui sait, on la reprendra peut-être sur les prochains albums pour la faire évoluer encore. C'est donc Eliran qui l'a transformée en une poupée plus humaine, moins enfant par rapport à l'EP où c'était plus une poupée de chiffon.

Et ça représente aussi l'évolution du groupe...

Jay : Oui, elle a grandit en quelque sorte. Donc, oui, tout à fait !

Justement, avant, le fait que vous fassiez du metal sympho à chanteuse, faisait qu'on avait l'envie facile de vous comparer à Nightwish ou même Within Temptation. Maintenant, vous avez une identité qui vous est propre. Qu'est-ce qui a engendré ce changement ? D'où est partie cette envie de prendre son envol par rapport aux autres et avoir sa propre identité ?

Jay : Merci, c'est gentil ! Je crois tout d'abord que lorsqu'on fait de la musique, quand on veut en faire de manière intense, ce n'est pas pour faire quelque chose qui a été fait. On cherche toujours à faire quelque chose d'assez différent, de se détacher de ces influences. Mais ce n'est pas facile. Quand un groupe se crée, c'est normal qu'au début il soit dans l'imitation, qu'il fasse des choses qu'on connait et après que ces bases sont acquises, on peut faire autre chose. On peut essayer de trouver sa propre voie et sa personnalité. Je crois que c'est une évolution assez naturelle. C'est vrai aussi qu'avec l'intégration des nouveaux membres en 2006, ça a aussi changé les influences premières. Flavien, qui compose pour nous maintenant, même si tout le groupe a donné ses arrangements pour les morceaux, donne une direction et lui a des influences dans le progressif et pas du tout dans cette scène symphonique à chant féminin. Je pense que c'est autant de choses qui font qu'une petite personnalité commence à se dégager et qui, on l'espère, s'approfondira un petit peu avec le deuxième album. On y pense déjà ! (Rires).

C'est bien de penser à l'avenir !!

Jay : Oui, on a déjà repris la composition ! On a eu des premiers morceaux et on commence à travailler dessus !

Je reviens sur mon idée de comparaison. Le fait de voir sa musique exister par elle même, est-ce un soulagement de ne plus voir trop de comparaisons, de voir qu'on dit que vous ne tombez pas dans les clichés avec la voix masculine (le cliché du beauty and the beast) ?

Jay : Tout à fait, ça nous fait toujours plaisir parce que ça veut dire qu'on apporte quelque chose. Donc, c'est formidable. Et effectivement, comme tu le disais, on essaye de faire des choses différentes. La voix de Djang, ce n'est pas une voix comme on l'entend dans ce type de groupe. Il n'aime pas quand on définit sa voix en disant qu'il growle, parce que ce n'est pas ce qu'l fait. Il a une voix saturée, mais il ne growle pas. Il a des lignes de chant, ce ne sont pas que des cris. C'est clair que c'est ce qu'on voulait atteindre, pouvoir se détacher de cette comparaison avec ces grands groupes auxquels on nous ratachait avant. Donc, on est très, très content quand certaines chroniques soulignent ça, ce qui est le cas en ce moment, donc ça nous fait très plaisir. On a eu beaucoup de bonnes chroniques, donc c'est assez cool. On est très content des retours par les musiciens et les gens de milieu musical.

Alors justement, comment vous gérez ce petit succès ?

(Rires). Jay : Notre succès n'est pas encore immense ! Donc on ne va pas perdre pied. Je crois qu'on est juste super content de voir qu'on a beaucoup travaillé et que le travail porte ses fruits. C'est surtout ça parce que c'est vrai qu'il arrive qu'on se donne à fond pour quelque chose et que ça ne marche pas forcément... De voir qu'on a fait tout ce qu'on pouvait pour cet album, qu'on a mis tout notre coeur dedans et de voir qu'il y a un minimum de retombées... Un minimum parce qu'on commence à avoir des retours de Season of Mist qui nous dit que les ventes sont plutôt bonnes mais on ne sait pas encore ce qu'il en est vraiment. Donc on ne peut pas encore juger si l'album est un succès ou pas. Et même si c'est un succès, il est peut-être tout relatif parce que le milieu du metal est un peu underground donc ça ne sera jamais un gros succès, surtout en France... Mais oui, ça fait très plaisir qu'il y a de bons retours sur notre travail et que ça fonctionne.

Djang : Et de voir que les gens sont réceptifs et contents, ça nous fait plaisir aussi.

Comme tu le disais, le groupe a été créé en 2003, l'album sort donc sept-huit ans après. Est-ce que ce temps que vous avez pris pour travailler l'EP et le promouvoir, d'après vous, ça vous a donné la maturité nécessaire pour sortir un premier album qui semble marquer les esprits ?

Djang : On a un petit problème avec les dates dans le groupe... C'est vrai que la création du groupe, c'est vraiment 2003, mais c'est comme si le groupe avait eu deux vies et la première partie de vie du groupe, de 2003 à 2006, ce n'était pas le même groupe. La base Jay, Djang, Jeyms est restée, mais le groupe avec la production de l'album "Start From Scratch", c'est vraiment à partir de 2006, 2007 que ça a démarré. Et avec l'EP "Anesidora" qui est arrivé en 2008 et qui a été l'étape nécessaire pour aboutir sur l'album. Par contre, je pense que tout ce qui s'est passé avant, c'était une première vie, avec des démos, une aura beaucoup plus locale et moi, je détache ces deux parties de vie du groupe. Et puis on a vécu de gros traumatismes, donc on ne peut pas vraiment associer les deux histoires. On ne peut pas dire que l'arrivée de cet album est liée à ce qu'il s'est passé en 2003. On ne peut pas dire qu'il y a eu huit ans. Cette maturité de l'album est vraiment due à ce nouveau line-up et on a commencé à travailler sur ça au moment où Nico et Flavien sont entrés dans le groupe, donc en 2006, 2007.

Pour cet album, vous avez fait appel à une véritable chorale. Comment cela s'est-il passé au niveau de l'écriture des voix, des répétitions et de l'enregistrement ?

Jay : Pour l'écriture, on a vu ça avec un chef de choeurs. C'est Anthony Da Silva qui est étudiant en musicologie qui a aidé à l'écriture des partitions. Et ensuite, on a réuni plusieurs personnes. On était une vingtaine de personnes au final, donc c'était assez long de motiver tout le monde et trouver les bonnes personnes. Les répétitions ont duré très longtemps car les parties choeurs n'étaient pas simples et puis on a enregistré en week-end, dans une salle de spectacle.

Est-ce que vous aviez un choix entre chorale et orchestre, ou dès le début, vous vouliez investir dans une chorale et utiliser des samples pour les parties orchestrales ?

Jay : Un orchestre, c'était assez compliqué... Les samples de vrais instruments nous suffisaient et pour un premier album, on ne voulait pas faire trop ambitieux. C'est déjà pas mal d'avoir une chorale. Et l'idée de la chorale est venue parce qu'on s'est dit que des choeurs synthétiques ce n'est super. Parce que c'est pareil, c'est enregistré en sample, sur des logiciels, mais ça ne rend pas super bien, ce n'est pas très naturel. Et comme on voulait mettre des paroles pour les choeurs, on s'est dit qu'on aurait très certainement la possibilité de réunir des gens autour de nous puisqu'on connait pas mal de musiciens qui aiment beaucoup chanter. On s'est dit que c'était faisable, donc on a organisé ça et c'était une première et je pense qu'on le refera et même encore mieux sur le deuxième album.

Tu passes d'un chant lyrique à un chant rock sur l'album. Comment as-tu travaillé ta voix en alliant toutes ces différentes techniques ?

Jay : Effectivement, ça a été un gros travail. Ce qui a été le plus difficile, ça a été de travailler ma voix de tête sans quelle soit forcément lyrique. Je sais utiliser ma voix lyrique quand la musique l'autorise car il y a des passages où ça correspond bien, mais avec le style que prenait Benighted Soul, je ne me voyais plus faire du chant lyrique tout le temps. Il était évident qu'il fallait que ma voix évolue aussi. J'ai beaucoup travaillé la voix de tête pour qu'elle sonne plus agressive et parallèlement la voix de gorge que j'avais déjà commencé à employer sur "Anesidora". Donc, oui, ça a été un gros travail, ça n'a pas toujours été facile pendant l'enregistrement, mais j'espère que le résultat n'est pas trop mal ! (Rires).

L'anglais a été utilisée comme langue pour cet album. Est-ce parce que ça colle mieux au metal que le français, parce que ça rend l'album plus accessible au niveau international, ou parce que c'était plus facile d'écrire en anglais qu'en français ?

Jay : Je crois que c'est un peu les trois ! (Rires). Oui, à la base, l'anglais est une langue très musicale, qui coule beaucoup, donc sur le style metal, ça rend assez bien. Et il y a aussi effectivement la question de la portée. C'est vrai que le metal en France, ce n'est pas toujours évident. Donc, on pense tout de suite à une autre échelle. En tant que groupe de metal, on pense à d'autres pays où le metal est quelque chose d'un peu plus évident. Donc l'anglais, dans ces cas là s'impose. Et puis, écrire en français, ça doit être une écriture de grande qualité. Ce qui ne veut pas dire qu'en anglais on ne fait pas de qualité, mais moi, j'ai un grand respect pour le français, donc peut-être que ça me fait un peu peur de toucher à cette langue et de la manier dans les textes.

Et comme c'est notre langue maternelle, on est peut-être aussi plus exigeant !

Jay : Tout à fait ! J'aime beaucoup le français et peut-être que je n'ai pas envie de faire quelque chose qui semblerait être fait à moitié.

A choisir, le top trois sur cet album, ça serait quoi ?

Jay : Je pense que le numéro un serait "Edge Of Insanity", numéro deux, "Start From Scratch" et numéro trois, qui est une place difficile "Evergreen".

Djang : "Je pense qu'en un, ça serait aussi "Edge Of Insanity", en deux, je mettrais "Stranger Me". On l'a pas mal jouée en live et elle est vraiment plaisante. Et en dernière, je mettrais "No Warning Signs ?"

Jay : Ah oui, je l'ai oubliée celle là !! (Rires) Mais elle est bien !

Djang : Après, à différents stades, il y en a beaucoup qui nous plaisent. Il y a aussi Broken Icons qui est vraiment très bien, l'instrumental par exemple, je l'aime beaucoup. J'aime beaucoup de chansons donc c'est un peu compliqué de choisir ! Mais oui, "Edge Of Insanity", "Stranger Me" et "No Warning Signs?".

Sans mettre la charrue avant les boeufs, on dirait que la chance sourit au groupe. Quels seraient les conseils que vous pourriez donner à quelqu'un qui veut sortir son premier album pour viser aussi juste que vous l'avez fait ?

Jay : Oh c'est gentil ! (Rires). Il faut voir très loin. Il faut savoir exatement ce que l'on veut et le planifier. Un album commence deux ans avant la sortie, voire même peut-être plus. C'est pour ça que nous, on écrit déjà le deuxième, le temps que ça se passe, il faut vraiment s'y prendre à l'avance et prendre les contacts à l'avance.

Donc, si vous écrivez déjà ce deuxième album, ce n'est pas parce que vous êtes des boulimiques de travail, mais parce que vous pensez à l'avenir...

Jay : On aime aussi ça, on aime la musique !

Djang : La musique qu'on fait est quand même assez complexe, il y a beaucoup de choses dedans et ça demande quand même un gros travail en amont avec des préproductions qui doivent être affinées avant l'enregistrement. Le style qu'on fait, comme on est un peu classé dans le rock metal symphonique avec une grosse tendance au progressif et on va s'éclater jusqu'à aller dans du metal extrême, ça fait une musique complexe avec orchestrations et choeurs. Donc, les préproductions sont vraiment très importantes et donc, on se dit tout simplement que plus tôt on travaille sur le prochain album, plus on pourra l'affiner, moins on aura de surprises et on est déjà en train de résoudre des problèmes qu'on a certainement eu sur cet album là, de trouver des solutions pour se faciliter la tâche et faire encore mieux. Plus on s'y prend à temps, moins on a de surprises et plus on fait un travail de qualité supérieure. C'est un peu ça l'idée !

Vous avez eu la possibilité et la chance de jouer avec Tarja Turunen et Kells sur cinq dates européennes. Comment vous êtes-vous retrouvés dans cette aventure ?

Jay : C'est lié à la question de la préparation de l'album en fait. Nous, on ne voulait pas sortir un album sans avoir de tour support derrière, parce que c'est une promotion immense de pouvoir ouvrir pour une grosse tête d'affiche comme Tarja. A l'étranger, ça nous a permis de nous faire connaître un petit peu et ça a été très bénéfique. On savait à l'avance qu'on voulait faire ce genre de choses. On a frappé à beaucoup de portes, et il s'est trouvé que Kells voulait aussi faire un tour support, donc on s'est mis à deux pour contacter Tarja et nous proposer. Et c'est comme ça que ça a fonctionné. Kells a été super, on a eu beaucoup de conseils de leur part. Ils ont été géniaux sur beaucoup de plans et même sur la tournée, on a eu beaucoup de conseils, parce qu'ils ont l'habitude avec la tournée d'Epica qu'ils ont eue avant. Sur scène, ça se voit qu'ils ont de la route dans les pattes et ils ont un professionnalisme assez exemplaire et à mon avis, faut qu'on prenne exemple sur eux.

Djang : On a eu de la chance de partir avec eux, c'était très instructif.

Vous préparez justement une tournée pour le printemps. Peux-tu nous en dire plus ?

Jay : Oui, je peux ! (Rires). On passera par Brest, Nantes, Montpellier, Marseille, Nice devrait se faire, logiquement Paris, Lille et Nancy. C'est déjà pas mal. Et pour le reste, on aimerait bien faire Toulouse, Bordeaux, Strasbourg et Lyon pour la rentrée. Il est évident que dans des villes comme Paris, Nancy, Lyon où on a déjà joué plusieurs fois, on aimerait bien avoir de belles salles parce qu'on a aussi le public qui se déplace. Après, pour Brest, Nantes ou le sud de la France, on n'y est jamais allé donc, ça ne nous gêne pas de faire du café concert par exemple. A Nantes ou Montpellier, ça m'a l'air assez bien. Et puis, c'est notre première tournée française, donc ça me semble normal qu'on commence par des bars. Faut pas qu'on se retrouve dans une salle de six cent personnes avec trente personnes ! (Rires).

Djang : Mais quand on fait du metal en France, on se rend compte que c'est quand même assez difficile de se produire, de trouver des bons lieux !

Une dernière chose à ajouter ?

Jay : Merci à toi et à tous ceux qui s'intéressent à Benighted Soul car c'est ce qui nous fait avancer. Merci beaucoup !

Djang : Dans les villes dans lesquelles on va passer, on espère que des gens vont s'intéresser à nous, qu'ils vont acheter nos CDs et qu'il vont avoir envie de nous découvrir en live et prendre plaisir à écouter notre musique. Donc on espère que les gens se déplaceront dans chaque ville, chaque endroit où on passera ! On les attend nombreux !


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