Killers

Interview date

23 Octobre 2012

Interviewer

Orion

I N T E R V I E W

Interview Bruno Dolheguy


Salut Bruno et merci de répondre à quelques questions pour le site aux portes du metal. Ca fait plaisir de vous voir revenir avec un nouvel album après tout ce temps ("A l'Ombre des Vautours" date d'il y a cinq ans). Quelle a été l'activité du groupe durant toute cette période ?

On a tout d'abord continué nos organisations de concerts liées à Bidache Metal puis on a fait pas mal de concerts dans l'hexagone dont celui du Paris Metal France Festival en 2008 qui nous a donné l'occasion de sortir un nouveau live. Il y a aussi eu quelques festivals, notamment en Espagne et en Allemagne. Puis nous avons remonté le répertoire avec Carlo qui nous a rejoints à la batterie et on a repris à nouveau les concerts avec également d'autres festivals. Et nous avons finalement décidé de commencer à enregistrer des nouveaux morceaux qui ont constitué l'ossature de notre nouvel album qui vient de sortir le 10 octobre dernier.

Comment avez-vous rencontré votre nouveau batteur, Carlo Di Matteo ?

Il a assisté à un concert de KILLERS il y a vingt ans à Biarritz et il ne nous a plus quittés depuis. Il est resté passionné de notre musique et de ce fait, on a souvent eu l'occasion de se croiser et de faire la fête ensemble. Même lorsqu'il s'est trouvé géographiquement éloigné de nous, il est toujours resté en contact avec nous par le biais de notre mailing list d'abord, puis sur notre forum. On a naturellement pensé à lui avec Florent et tout s'est très bien passé. C'est une chance exceptionnelle de pouvoir se trouver dans un groupe où tous les membres sont d'abord des passionnés de ce même groupe.

Vous avez décidé d'assurer la distribution de l'album vous-mêmes. Pourquoi avez-vous pris cette décision ? N'est ce pas beaucoup de boulot en plus ? Quels avantages en tirez-vous ?

Lorsque nous avons voulu placer notre dernier live dans le circuit de distribution classique, le label nous a remonté l'info que certains râlaient car nous ne vendions pas assez cher nos albums, ils prenaient ça comme une concurrence déloyale. Du coup, ça m'a pris la tête et j'ai demandé à ce que nous ne soyons plus distribués. On a fait depuis pas mal d'années de très nombreux efforts pour essayer de pouvoir concrétiser ces prix en bout de chaîne et quasiment jamais rien de vraiment très concret n'est venu. Qu'ils commencent à nous faire ce type de reproche a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Donc dorénavant, nos albums ne sont plus disponibles en magasins ni en vpc classique. Ils ne sont plus disponibles qu'en vente directe auprès de nous par le biais de notre site ( http://killers.neuf.fr ) et sur Amazon, Priceminister et Ebay. C'est évidemment beaucoup de boulot mais ça ne me gêne pas car j'aime bien ça. J'adore être en contact direct avec les gens qui nous font l'honneur d'apprécier notre musique, c'est vraiment cool et motivant car ils sont tous vraiment adorables. Je ressens encore davantage cette notion de soutien direct affirmé, c'est très important pour garder l'envie de continuer encore plus fort.

Cela fait déjà un bout de temps que vous produisez vous-mêmes vos albums. Est-ce qu’un regard extérieur ne vous manque pas ?

Un regard extérieur pourrait sûrement nous apporter des choses mais il pourrait aussi perturber le précieux équilibre que nous avons réussi à mettre en place. On s'entend vraiment extrêmement bien et on se connaît parfaitement : c'est une richesse que je n'ai pas envie de perdre surtout que je n'ai pas l'impression que ce soit une chose qui soit souhaitée par quiconque au sein du groupe.

On sait que tu es l’auteur de tous les textes mais les musiques sont signées Killers. Vous composez vraiment de manière collective ? Chacun amène ses idées ? Comment procédez-vous ?

Il y a trois cas de figure. Soit on compose collectivement et chacun amène ses idées, soit on part d'un plan élaboré plus ou moins profondément par Thierry (Andrieu - guitares). Dans ce cas, je réorganise un peu certaines choses pour pouvoir y structurer mes parties chant par exemple. Soit on part sur un plan élaboré par moi plus ou moins profondément (dans ce cas, j'ai déjà une idée assez précise des futures parties chant et on complète parfois, si besoin, des passages ),

Peux-tu nous éclairer sur le titre un peu énigmatique de votre nouvel album ? Et est-ce que la pochette, ce crâne avec ses deux fémurs façon drapeau pirate, a une symbolique particulière ?

En fait c'est l'heure à laquelle on s'est dit qu'il fallait trouver un nom pour cet album. Nan ... je déconne ...

Il y a beaucoup de 10 dans l'histoire de cet album (nombre de morceaux, date de sortie, prix, etc...) mais il y a (entre autres) aussi une envie de positiver le présent et l'avenir en plaçant les aiguilles sur cette heure précise. Je ne sais pas si vous en avez déjà entendu parler mais les dispositifs de temps (horloges, montres, etc ...) sont très souvent présentées avec des aiguilles disposées sur 10h10. C'est une question d'esthétisme qui est plus positive au regard (effet smiley). Il fut un temps où j'aurais plutôt voulu évoquer l'opposé (8h20) ou le voisinage (10h09 ou 10h11) mais j'ai plutôt eu envie avec cet album d'avancer un 10h10 net et sans bavures.

10h10 : se mettre à l'heure, une bonne heure, une heure positive, qui laisse du temps (+ que 22h10 … même si physiologiquement parlant cette affirmation se discute), qui prévoit des heures à venir même si cette heure se visualise sur notre pochette par la position des fémurs brisés situés habituellement sous une tête de mort.

Le format d'heure numérique a été retenu pour internationaliser cette notion car il ne faut pas oublier qu'on a aussi proposé le tarif de 10 euros port compris pour le monde entier.

Il y a une affirmation qui consiste à vouloir nous présenter comme ayant décidé de prendre une route qui sera peut-être plus confidentielle mais dont nous maîtriserons au moins tous les tenants et aboutissants. Sur cette route, nous comptons développer les notions de soutien direct au groupe et nous ne nous perdrons pas (ou plus) en des lieux de promotion certes parfois respectables mais qui nous font devoir consacrer moins de temps à ceux qui sont pourtant toujours là, à répondre présent dès qu'on leur passe le moindre signal.

Pour concrétiser ce sentiment, il s'agit aussi d'un engagement que nous prenons pour donner rendez-vous à tous ceux qui nous font l'honneur d'apprécier notre groupe en leur disant que dorénavant nous avons réussi à nous mettre dans une configuration et un état d'esprit qui nous amèneront à nous rencontrer beaucoup plus régulièrement par le biais de nouveaux albums. Sur ce principe, il faudra vous attendre à devoir entendre des choses qui vous emballeront comme d'autres qui ne le feront peut-être que dans une moindre mesure selon vos propres goûts et vos préférences (même si l'on est certain à 109% que la très grosse majorité d'entre vous accrochera à ce qui, en fin de compte, a toujours caractérisé KILLERS). Le principe de base reste que nous proposerons toujours des titres qui sont validés et assumés par tous les membres du groupe.

Tant que nous nous sentirons accompagnés par quelques personnes qui éprouveront du plaisir à écouter ce qui nous rend heureux, ça nous conviendra. La notion intentionnellement affirmée positive doit prédominer même si notre regard n'oubliera jamais de demeurer particulièrement vigilant à l'évolution de notre « si belle » société. En disant que les pendules sont désormais à l'heure, il ne s'agit pas de dire que ce qui s'est passé auparavant était totalement hors contrôle, c'est juste un des avantages de l'expérience dont KILLERS peut se targuer après quasiment trente années d'existence.

Le logo du groupe a encore changé. Pourquoi ne pas avoir gardé celui qui ornait les dernières pochettes et les rééditions, dessinées par Xavier Lorente ?

Les histoires de logo m'ont gonflé. Certains préféraient toujours ceux qui n'étaient pas en usage. Pour le logo que tu évoques, on m'a même dit qu'il faisait trop « Rap ». Il y avait toujours quelque chose qui n'allait pas et je me trouvais le cul entre deux chaises à essayer de ménager la chèvre et le chou. Du coup, j'ai décidé d'adopter une typo définitive qui ne bougera globalement plus. Ceux à qui ça plaît : tant mieux, ceux à qui ça ne plaît pas : tant pis. J'ose espérer que ces derniers ne s'arrêteront pas à cet aspect qui est quand même très anecdotique lorsque l'on parle d'un groupe musical. De toute façon, il va bien falloir qu'ils s'en fassent une raison et arrêtent de radoter car je suis têtu et je ne changerai plus à ce sujet.

Le morceau "Tricheurs" parle de football. Mais peux-tu m’expliquer à quel événement tu fais allusion dans la chanson (si toutefois les paroles se réfèrent à un événement particulier) ?

L'extrait choisi concerne la fameuse histoire de la main de Thierry Henry qui a permis la qualification de l'équipe de France pour la coupe du monde qui s'est finalement soldée par la pantalonnade que l'on sait.

Il s'agit juste d'une illustration, ce n'est pas le sujet principal de l'histoire. Le foot n'est d'ailleurs pas le seul visé par ces dérives. Je suis depuis toujours un grand passionné de rugby pour y avoir joué mais aussi en tant que spectateur. Tout ne me plaît pas, loin de là, depuis le passage au professionnalisme. Il y a des bonnes choses mais il y en a beaucoup de moins plaisantes. Quasiment tous les sports sont concernés plus ou moins par ces aspects peu reluisants. Regarde le cyclisme, regarde le handball qu'on croyait naïvement encore à l'abri (merci les paris sportifs au passage !!!), regarde les sports mécaniques qui souvent constituent de fait leurs classements selon les moyens financiers engagés, je pourrais continuer avec des dizaines et des dizaines de sports.

Je suis à l'origine passionné de quasiment tous les sports qui existent pour les valeurs véhiculées et l'engagement qu'ils demandent mais force est de constater que la plus grande part de tout ça ne se trouve plus que dans les pratiques en milieu amateur. Et encore, il y a là aussi beaucoup à dire et je pourrais en raconter des tonnes durant des heures. J'ai connu ça aussi gamin, donc pas forcément hier, en étant sélectionné pour jouer dans des équipes régionales mais tu vois qu'on te fait jouer cinq minutes, pas à ton poste de prédilection, sans que tu touches un ballon alors que le fils de tel ou tel entraîneur d'un club plus huppé va jouer comme une brèle pendant une heure et sera finalement sélectionné pour jouer à un niveau supérieur, tu as un peu de mal à le digérer. On s'en foutait assez vite car on jouait d'abord pour le plaisir mais c'est le style de chose qui te donne envie d'aller voir ailleurs. Mais bon, finalement c'est le sport qui est aussi plus ou moins à l'image de ce qui se passe dans la vie. Il ne faut pas s'en dégoûter mais il faut rester lucide, c'est ça qui te permet de garder une bonne sérénité.

Avec l’album "Killing Games", vous aviez réussi à toucher un public international. Est-ce qu’avec les albums suivants, en langue française, ce fut le cas également ? Est-ce que, dans le cas contraire, tu penses que la barrière de la langue soit un obstacle à l’exportation pour un groupe comme Killers ?

Il est indéniable que la langue française n'est pas un super atout pour s'exporter. Il demeure néanmoins qu'elle n'est pas répulsive, loin de là, si elle est associée à une musique qui tient bien la route. Le fait d'avoir décidé de proposer nos albums à un prix raisonnable (de 4 à 10 euros) en incluant le monde entier en port compris a indubitablement débloqué beaucoup de choses et on reçoit aujourd'hui régulièrement des commandes en provenance des quatre coins de la planète. Dans ces commandes, il y a d'ailleurs de plus en plus de gens qui n'écoutaient pas spécialement de Metal chanté en français (ou en basque, d'ailleurs) qui apprécient maintenant beaucoup cette particularité.

Killers existe maintenant depuis près de trente ans, vous êtes donc de véritables vétérans de la scène Metal française. Quel regard portes-tu sur l'évolution de cette scène ?

On n'est pas spécialement les mieux placés en tant qu'acteurs pour avoir un regard judicieux sur ce type de chose. Je ne ferai que te parler des banalités habituelles et intemporelles liées au mérite des groupes d'exister dans un contexte qui ne leur est pas vraiment favorable. On n'a pas le recul nécessaire pour voir tout ça en globalité avec un œil et une oreille suffisamment aiguisés. C'est plutôt vous qui pouvez y arriver. Cela ne veut pas dire que vous y arrivez tous automatiquement sans dire de conneries mais ça aussi, c'est normal puisqu'il vous manque aussi souvent le ressenti contextuel de ceux dont vous parlez.

Quel est ton meilleur souvenir quand tu te repenches sur toutes ces années ?

Il n'y a pas de meilleur souvenir particulier qui se détache, il y en a plein et ils sont liés à toutes les périodes du groupe sans exception. Presque quinze ans plus tard, il y a quand même la rencontre avec Titi, Thierry et Nicko qui reste extrêmement chère à mon cœur.

Au contraire, gardes-tu le souvenir d'une mauvaise période ? Une où tu aurais eu envie de tout lâcher ?

Envie de tout lâcher, non : jamais. Il n'y a que le décès de Nicko qui m'a vraiment infligé un gros choc.

Je sais que ce n’est pas évident de choisir mais, mis à part le nouvel album, quel album de Killers préfères-tu et pourquoi ?

Affectivement, c'est toujours le nouveau. Ensuite, je ne peux pas choisir d'album préféré, chacun placé dans son contexte me convient. Il faut quand même que je détache encore la période entamée il y a bientôt quinze ans dont Titi et Thierry sont toujours protagonistes : ce temps qui perdure est vraiment très agréable.

On sait que tu es un véritable amateur de Metal. Quels sont tes albums de chevet, ceux que tu emporterais sur une île déserte ?

Il fut un temps où j'étais très à l'écoute de tout ce qui se faisait. Maintenant, ce n'est plus trop le cas. C'est surtout dû au fait que je consacre chaque seconde disponible au groupe, ça ne laisse pas forcément beaucoup de temps pour éloigner ses oreilles. C'est aussi un peu volontaire, ça permet de ne pas trop diluer sa propre identité.

Avez-vous des projets de concerts ? Allez-vous effectuer une tournée pour promouvoir l’album ?

Nous n'avons fait et ne ferons jamais de tournées. Tout le monde bosse et on préfère se concentrer sur des dates ponctuelles en week-end. Actuellement, il n'y a pas grand chose de prévu mais ça se débloquera peut-être un peu plus avec la sortie du nouvel album. Quoi qu'il en soit, nous n'allons pas rester à nous tourner les pouces puisque nous allons reprendre l'enregistrement de nouveaux morceaux dès la semaine prochaine.

Vois-tu quelque chose que tu aurais envie d'ajouter et dont nous n'avons pas parlé ?

Soutenez concrètement notre démarche en achetant notre nouvel album proposé en vente directe pour 10 euros port compris. J'espère que vous l'apprécierez, en tout cas, vous pouvez être certains qu'on y a mis tout notre cœur.

Un dernier mot pour nos lecteurs et pour les fans du groupe ?

Merci à tous et profitez intensément de chaque seconde auprès de ceux qui vous sont chers. Merci à toi pour ton soutien et l'intérêt que tu portes au groupe.


Venez donc discuter de cette interview, sur notre forum !