Ah, qu'il est bon de voir qu'on a parié sur le bon cheval ! Qu'il est bon de voir qu'on avait raison, qu'on avait vu juste ! De se sentir un peu Nostradamus (non, pas ce truc raté par Judas Priest), de pouvoir lâcher un "je vous l'avais bien dit", prompt à énerver tout interlocuteur... Tu ne le sais que trop bien, ami lecteur, ça fait plaisir. Et j'ai la chance de me retrouver dans cette situation aujourd'hui car je vais te parler du premier album de mes chouchous d'Antagonism.

Antagonism, pour les deux du fond qui dorment, c'est un petit groupe français qui officie dans le thrash old-school comme j'aime. Il m'avait plus que convaincu avec son premier EP - à qui j'ai offert une chronique des plus élogieuses, tout en déplorant la mort du thrash comme je l'aime et en faisant d'Antagonism le phare qui éclaire ma nuit - donc je les suis de près depuis. Très vite, l'annonce tombe : ils vont sortir leur premier album. Joie, bonheur, allégresse en moi. Et puis le doute, quand même, forcément. Vais-je retrouver ce qui m'a tant plu ? Les bonnes compos, les riffs incisifs, le chouette son, la section rythmique aux petits oignons, les soli de fou furieux ? Et surtout, comment va évoluer le chant ? Tu le sauras assez vite, ami lecteur, puis que je suis sur le point de changer de paragraphe...

Un mot d'abord sur la pochette. Si on reste dans une thématique très thrash, je suis forcé de constater que celle de l'EP me plaisait un peu plus. Et le son alors ? Eh ben rien à dire ici. Le son est top, la prod sonne moderne. Quel plaisir de voir que les petits gars n'ont pas cédé à la mode actuelle complètement débile de s'amuser à avoir le son crade des albums des 80s (tant il est vrai que Pleasure to Kill de Kreator aurait gardé un son dégueulasse, même si on avait donné les moyens au groupe de faire un son plus propre... C'est évidemment ironique, ils auraient choisi un son qui tue !). Tous les instruments sont bien mis en valeur, même la basse. Les grattes découpent et tranchent, la batterie cogne, la basse claque et la voix trouve parfaitement sa place là-dedans. Rien à redire à ce niveau-là.

Bon, et le reste alors ? Ca donne quoi, niveau compos ? Eve Of Decadence ouvre les hostilités et put*in, c'est bien d'hostilité dont il est question ! Cette chanson est un empilage quasi anarchique de riffs et d'ambiance, une accumulation de rythmiques et de cassures. On pense au Megadeth de So Far. Cela dit, les riffs sont très très bons et le groupe se permet un break absolument démoniaque en cours de route. Le reste de l'album sera moins fouilli, promis, même si ça ne m'aurait pas dérangé. Le groupe envoie toujours son thrash comme je l'aime. Pas de grande originalité, pas de passage joué au violoncelle, pas de concept-album de deux heures sur les analyses freudiennes. Non, pas de tout ça, pas de chichi. Du thrash, des riffs, des soli et de la vitesse. Soit tout ce que j'aime et respecte. Ecoute un peu le morceau titre, bien rentre-dedans ! Ecoute un peu Technological War, qui me semble tout à fait indiquée pour mosher et gueuler en live ! Ecoute un peu Afterlife, plus mid-tempo - du moins pendant un temps ! Si ça c'est pas du bon petit thrash comme on l'aime, je ne sais pas ce que c'est !

Sauf que tu vas me dire que si c'est du simple thrash bien foutu, y a pas de quoi s'enflammer. Alors déjà, si. Parce qu'un bon album de thrash, c'est déjà un petit exploit en soit. Sauf qu'en plus de ça, en plus des bons titres, Antagonism a pondu également de TRES bons titres ! Prenons Ghoulish Mind, par exemple. Avec ses super riffs, ses couplets en mode moissonneuse, son refrain à scander, son break qui déchire les cervicales et le solo qui va bien, il est bien parti pour être LE tube du groupe. Et Uncensored Nightmare, cet étrange mid-tempo articulé autour d'une chouette ligne de basse et entrecoupé de gros bouts de thrash dans-ta-gueule, c'est pas super bon, ça ? Et l'enchaînement A Page Was Turned avec le petit break à la Maiden sur Toxic Wasteland qui speed à une vitesse fulgurante et qui me rappelle aussi bien la très bonne Speed Hammer sur l'EP que la très très bonne Dyers Eve de qui-tu-sais, il est pas magnifique, cet enchaînement ? Sans parler du titre de clôture, le génial Remember What You Are - bon en fait l'album finit avec une petite instrumentale, mais moi je l'aurai franchement mise ailleurs - un genre d'Hallowed Be Thy Name thrash ! On met des riffs, on alterne les rythmiques, on met un passage clean, un super solo et on offre à l'album une conclusion parfaite ! C'est pas un très bon titre, ça ?

Reprenons nos interrogations du début. Les bonnes compos ? Check. Les riffs qui tuent ? Check. Le chouette son ? Check. La section rythmique aux petits oignons ? Check. Les soli de fou furieux ? Check. Reste la question qui fâche, le seul petit défaut que j'avais trouvé à l'EP (en pinaillant) : le chant. Dylan n'était pas le meilleur chanteur thrash de tous les temps. L'est-il devenu entre temps ? A moins d'être devenu James Hetfield, de toute façon, ça n'aurait pas pu être possible (je m'excuse envers tous les chanteurs de thrash hein, mais James, c'est James). Mais, je suis forcé de constater, avec plaisir d'ailleurs, qu'il a pas mal progressé. Il est bien plus à l'aise, plus juste et surtout... Il module ! Il tente des choses, essaie des trucs et ça marche ! Si c'était le petit défaut de l'EP, ça ne sera pas le défaut de cet album, quel plaisir !

Bon, je me réjouis mais y a bien un ou deux problèmes. Le premier, je l'évoque habituellement dans mes chroniques : l'album, avec ses cinquante-six minutes au compteur, est un poil long. Pas terriblement long mais un peu. Un titre comme Blood And Bones, un peu anecdotique sans être fondamentalement désagréable, aurait pu être retiré par exemple. Autre petit défaut que j'ai soulevé plus haut : pourquoi avoir mis Forsake à la fin ? Cette petite instrumentale toute jolie aurait eu bien plus d'impact au milieu de l'album selon moi.

M'enfin, je pinaille. World On Disease est un très bon album de thrash old-school et me confirme que l'an dernier, en pariant sur Antagonism, j'avais visé juste ! Espérons qu'ils continuent avec cette qualité pendant longtemps, espérons que le succès ne fasse qu'augmenter ! Courage, les gars. Moi, je vous suivrai !

Comme les petits gars sont sympas, tu peux écouter tout l'album sur youtube, avant de te décider à claquer seulement dix euros pour l'acheter. Quitte à dépenser des petits sous, déleste-toi aussi de cinq euros pour prendre l'EP avec. Nos régions ont du talent, faut les soutenir !

Titres préférés : A Page Was Turned, Toxic Wasteland, Remember What You Are
Le tube : Ghoulish Mind
La curiosité : Uncensored Nightmare
Dommage : Blood and Bones

Tracklist de World On Disease :

01. Eve Of Decadence
02. Ghoulish Mind
03. Uncensored Nightmare
04. World On Disease
05. A Page Was Turned
06. Toxic Wasteland
07. Technological War
08. Blood And Bones
09. Afterlife
10. Remember What You Are
11. Forsake