S’il est un groupe de la scène death mélodique trop méconnu à mon sens, c’est bien Be’Lakor. Ce qui me rassure dans mon jugement, c’est que le compère, avec qui je partage un amour infini pour les montagnes (les Alpes tout particulièrement), Le Diable Bleu est en accord avec ce jugement. Be’Lakor fait partie de ce qu’on nomme parfois la seconde vague mélodique. Deuxième en effet car la première, logée à Göteborg, avait eu lieu à la fin des années 90. Venant de Suède mais ayant tellement marquée son époque que les échos se sont fait ressentir chez des fans de metal aux quatre coins du monde. Parmi ces derniers, cinq australiens ont monté un groupe œuvrant dans ce style que pour ma part j’avais toujours cru exclusivement scandinave. J’ai bien conscience de véhiculer quelques clichés mais qui puis-je si les scènes metal scandinaves sont autrement plus puissantes et créatives que celles du pourtour méditerranéen ? Loin de moi de m’embarquer dans une obscure (c’est le cas de le dire) théorie liant niveau d’ensoleillement et modèles de société et donc pratiques culturelles. Déjà par incompétence totale du sujet mais aussi par respect de mon sujet à savoir Stone’s Reach, ce must du death metal mélodique. Je persiste juste sur mon étonnement de voir des types d’Australie pondre une musique si sombre. Car sincèrement, sans plus amples informations, on pourrait croire à s’y méprendre qu’on écoute un groupe finlandais tant on peut faire ici le lien avec les géniaux Insomnium. Cette musique truffée de mélodies fabuleuses associées à des atmosphères sombres, presque spleenesques.

Point de vitesse d’exécution ici, non de l’ambiance. Les compos prennent leur temps, huit pistes pour une heure de grande et belle musique, riche en idées majestueuses. En prenant les choses dans l’ordre, la première écoute du titre Venator pose les bases d’emblée. Près de neuf minutes au compteur, une petite intro pour se rappeler qu’on est bien devant un disque de death mélo et une compo qui multiplie les plans percutants pour, lentement mais sûrement, amener un passage mélodique somptueux, époustouflant. Checkez-moi cette mélodie à partir de 6’30, du très grand art. Et le reste du disque est à l’avenant avec des morceaux variant les plaisirs avec un goût certain. Tout juste aura-t-on une piste de moins de trois minutes avant l’assaut final, histoire de reprendre ses esprits. Le chant de George Kosmas, qui rappelle celui de  Niilo Sevänen (Insomnium) par sa puissance et son growl très profond, impressionne mais sait surtout se faire « oublier » laissant la place à de longs passages instrumentalaux où Be’Lakor tutoie les sommets. Que de belles mélodies ce qui reste tout de même essentiel dans le death mélodique tout de même. J’ai cité Insomnium pour l’aspect mélancolique qu’on retrouve tout du long de Stone’s Reach mais un autre – immense – groupe du genre me semble à citer en la personne de Mors Principium Est avec ces riffs en picking si impériaux. La dimension symphonique est utilisée à très bon escient (Held In Hollows) et le piano intervient souvent avec beaucoup de justesse. Les solis sont très bons même si Shaun Sykes privilégie les longs plans mélodiques ce qui à mon sens est encore plus impressionnant, en plus de proposer de l’inattendu. On ressort ébaubi de ces longues plages qui font mouche. La dernière piste avec dix minutes au compteur fait preuve d’une maturité remarquable avec un groupe prenant le temps de bien poser son ambiance et retourne l’auditeur dans tous les sens avec des parties hyper créatives et toujours ce piano qui permet des transitions d’une fluidité remarquable avec un final fantastique dont on aimerait qu’il ne s’achève jamais. 

Le seul reproche que l’on peu faire à ce disque, et plus généralement à Be’Lakor, c’est qu’il n’est pas simple de rentrer dans l’univers du groupe australien. Il faut prendre son temps, laisser la musique infuser, et cela peut prendre du temps. Il m’a fallu de nombreuses écoutes mais une fois dedans, quelle luminosité, quelle grâce. Preuve de la reconnaissance obtenue par Be’Lakor avec ce Stone’s Reach, ce disque obtint le prix du meilleur album « best melodeath / Gothenburg Metal Album » 2009 ce qui pour des australiens peut surprendre mais aussi confirmer l’immense qualité de ce disque et la validation par leurs pairs de l’excellence de Be’Lakor et de la légitimité de ce groupe. Injustement ignoré, la faute aussi à une présence trop rare que ce soit sur album (cinq disques en quinze ans !) qu’en live avec des venues européennes estivales bien trop rares. Groupe immense, authentique joyau du death mélo.

Tracklist de Stone’s Reach :