Artiste/Groupe:

Haken

CD:

Vector

Date de sortie:

Octobre 2018

Label:

Inside Out Music

Style:

Metal Progressif

Chroniqueur:

JimBou

Note:

18/20

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Vector, ou la cinquième croisade...

Alors que l'automne s'est abattu et fait son effet sur l'année 2018, Haken, qui nous aura habitués à sa présence au sein de sa décennie prolifique, débarque au pas de la porte avec un gros paquet sous le bras. Un paquet baptisé Vector qui aura la lourde tâche de faire aussi bien que ses quatre aînés à la réputation bien vernie. Si le titre de l'album semble évocateur aux premiers abords, sa couverture basée sur le test de Rorschach mettra à l'épreuve les plus fins et analytiques esprits. Loin de vouloir donner une définition du terme, le vecteur, qu'il soit mathématique, biologique ou autre, renferme toujours quelque chose de mystique et d'insondable. Il sera en tout cas la figure énigmatique de cette nouvelle galette, pondue avec soin par les hommes en forme du Metal Progressif et qui, vous le verrez, sera sujette à diverses interprétations.

Seulement deux ans après le très réussi Affinity, teinté de ses effluves 80s, les gars de Haken remettent donc le couvert avec la ferme intention de déterrer un projet de longue date et ses idées précieusement enfouies. Une occasion de plus pour marquer un tournant dans une discographie rebondissante, où chaque album joue sur une thématique et une orientation singulières. En effet, si les ambiances eighties de Affinity nous ont fait frissonner, si la mythologie onirique de The Mountain nous a transportés et si l'obsession chimérique de Visions nous a éveillés, les tourments psychanalytiques et tumultueux de Vector feront le reste. Cette nouvelle dimension, qui se veut plus flagrante que les autres, se montrera également plus ambitieuse avec l'entrée en scène du talentueux ex-bassiste de Periphery, Adam "Nolly" Getgood, aux tables de mixage. Ce dernier qui, ayant décidé de se consacrer pleinement à sa carrière de producteur multi-tâches en 2017, s'est vu rapidement acquérir une certaine notoriété après des travaux remarqués auprès de Sikth, Animals As Leaders, ou encore Good Tiger. Il vient donc renforcer l'équipe de Haken qui, comme toujours, garde un contrôle total sur son oeuvre en faisant le choix de l'auto-production.

Encore une évolution, certes, mais un nouveau format avant tout. Si les albums précédents ont tous aisément dépassé l'heure de plaisir, le petit dernier qu'est Vector ne culmine qu'à quarante-cinq minutes, pour seulement sept pistes. Un détail qui, comme vous le verrez dans la suite des événements, s'avérera plus logique que contraignant, compte tenu de son orientation plus incisive. 

Un air d'orgue funèbre qui s'éclaircit, s'envole et nous plante un décor cérémonial d'église, avant de retomber des cieux, comme baigné de lumière. Cette rêverie est à l'image de Clear, qui introduit délicieusement l'album et laisse rapidement place à The Good Doctor, premier pilier de l'album. Si la musique, qui traite des lubies douteuses d'un docteur malintentionné, avait été publiée sur la toile quelque temps avant la sortie officielle de l'album, elle ne nous laissait cependant que peu d'indices révélateurs sur son contenu global. Mais loin de décevoir, elle restait dans la veine traditionnelle du groupe en livrant un metal progressif teinté d'autant de passages clairs que de riffs enjoués. Notons au passage les qualités vocales définitivement irréprochables d'un Ross Jennings devenu presque irremplaçable. Ce n'est que Puzzle Box, la piste suivante, qui se chargera de révéler une bonne fois pour toutes l'ADN du vecteur, qui va se montrer bien plus agressif qu'auparavant. BPM plus élevé, riffs plus appuyés, passages rythmiques incontrôlables à répétitions : Richard Henshall et Charlie Griffiths ont fait transpirer les guitares jusqu'à la dernière goutte. Quant à Raymond Hearne, l'homme derrière la batterie, sa performance est si remarquable qu'elle tutoie les cieux. L'ascension est déjà vertigineuse mais l'expédition n'arrivera au sommet qu'avec Veil, ornée de ses douze minutes et qui prouve, une fois de plus, que le sextet Anglais s'illustre au mieux sur la durée. Les connaisseurs y sont désormais habitués, chaque album du groupe renferme sa pépite, son caviar immaculé, à l'image des antérieures Visions, Falling Back To Earth ou The Architect. Veil, qui entre en piste avec des airs de piano féeriques sur lesquels Ross Jennings distille sa voix harmonieuse, ne tarde pas à tomber le voile sur des riffs heavy très appuyés. Les bases se posent, l'intensité monte crescendo, et au fur à mesure que les secondes s'écoulent, l'envol de la bête est fulgurant. Ce vortex de progressif qui se dessine habilement, comme en état de grâce, ne laisse que peu de répit, en dehors des quelques lignes de basse solistes de Conner Green et des habituels breaks subtils au synthé d'un Diego Tejeida constamment inspiré. Les musiciens se passent le témoin au milieu d'une course effrénée où les solos nébuleux et les riffs dévastateurs des deux guitaristes finissent d'achever une oeuvre complète. 

Vous l'aurez compris, ce projet de longue date en question, c'était celui de se diriger vers quelque chose de plus rythmique, de plus metal. Et c'est l'instrumentale Nil By Mouth, aussi électrique qu'accrocheuse, qui finira de nous convaincre de cette évolution avec son arsenal de riffs bien tranchants. L'unique moment de répit ne viendra finalement qu'en fin d'album avec la délicieuse Host et ses influences jazzy, tandis que A Cell Divides fermera la marche avec un Haken plus classique, mais de qualité, pour un finish en bonne et due forme.

Avec maintenant cinq albums et un EP au compteur en moins de dix ans, Haken poursuit son avancée folle sans jamais décevoir. En véritable caméléon qu'il est, le groupe réussi une nouvelle fois le pari d'un énième changement et prouve définitivement qu'il est actuellement au sommet de la chaîne alimentaire du metal progressif. Cet album du vecteur, aux textes inspirés de grandes œuvres cinématographiques torturées, mettra un point d'interrogation tant sur son contenu que sur celui de son futur successeur. Les fans devront s'y attendre, Haken reviendra, mais sous quel aspect ?

Tracklist de Vector : 

01. Clear
02. The Good Doctor
03. Puzzle Box
04. Veil
05. Nil By Mouth
06. Host
07. A Cell Divides

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