Artiste/Groupe:

Periphery

CD:

Periphery IV: Hail Stan

Date de sortie:

Avril 2019

Label:

3DOT Recordings

Style:

Djent

Chroniqueur:

JimBou

Note:

15/20

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Periphery - Periphery IV: Hail Stan, ou la convergence d'une constellation

Tel un navire ayant le vent en poupe, Periphery poursuit son aventure dans les eaux troubles de la décennie qui l'a vue proliférer et accomplir l'intégralité de ses faits d'armes. Cette année de 2019 marquera donc le débarquement de son sixième album, à savoir le quatrième d'une désormais longue suite éponyme dont l'énoncé fera grincer des dents d'un côté, sourire de l'autre. Car, à moins que le chargé des recensements en enfer ne se soit trompé sur l'orthographe du prénom de Satan lors de son arrivée, nous avons là affaire à un des jeux de mots des plus décalés. Non, vous ne rêvez pas, Periphery IV: Hail Stan, tel qu'il s'intitule, renferme son packaging habituel incluant Metal Progressif, Math Metal ou encore Metalcore Progressif ; un tout que l'on se plait souvent à raccourcir sous le terme controversé de "Djent". La faute à ses détracteurs qui, n'ayant aucun mal à déterminer ce qu'il est, se plaisent plutôt à débattre sur la légitimité de tel ou tel groupe (Meshuggah au premier plan) à parader sous cet étendard des plus modernes. Un terme que l'on doit néanmoins au guitariste et leader du groupe, Misha Mansoor, si bien que le soustraire à Periphery serait pure calomnie.

Coté production, confection, rien d'inhabituel si l'on se base sur le précédent opus. Non rassasiés de remplir à merveillle leurs rôles respectifs de guitariste et de vocaliste, Misha Mansoor et Spencer Sotelo, en bons perfectionnistes qu'ils sont, ont une fois de plus pris part au mixage et autres arrangements en tous genres. De son coté, Adam "Nolly" Getgood, qui avait récemment quitté Periphery pour s'atteler aux diverses joies du métier d'ingénieur du son, a pu faire profiter le groupe de ses talents variés sans oublier de combler, pour l'occasion de l'enregistrement, le poste de bassiste toujours vacant depuis son départ. Rien d'étonnant donc à voir le quintet américain se séparer de son label de toujours, le notable Summerian Records, au profit de leur propre création du nom de 3DOT Recordings (en hommage à leur symbolique logo), toujours sous la tutelle du géant Century Media Records qui assure une distribution à l'échelle mondiale.

L'entrée en scène de ce nouveau label n'avait en tout cas pas son lot d'inquiétudes à apporter quant au contenu que pourrait désormais fournir Periphery, au contraire, elle était synonyme de plus de liberté. Et si l'on devait se fier à la présence et à la réputation toujours plus importante de Spencer Sotelo, l'homme au micro, ce n'est pas d'inquiétude qu'il faudrait s'armer, mais d'interrogation. La nouvelle formule optée par le groupe depuis la doublette Juggernaut, plus lisse, plus chantée et moins tape-à-l'oeil, avait laissé quelques adeptes sur le bord de la route. Mais ces derniers ont certainement dû se raviser et se remettre en selle lors de l'arrivée de la toute fraîche Blood Eagle. Un amuse-bouche de qualité avant la sortie définitive de l'opus, à en croire les acclamations de toutes parts. Un morceau en ode aux conquêtes et aux machinations vikings, qui ne manquera pas de s'aligner à la férocité et à la hargne de ce peuple de conquérants en ralliant, ni plus ni moins, l'ancienne et la nouvelle formule du quintet : des riffs battants, saturés, syncopés, griffés à la Gojira ; un Spencer Sotelo et un Matt Halpern tour à tour maître et tambour de guerre pour une boucherie qui ne manquera pas de s'achever sur l'un des plus prodigieux solos de Misha "Bulb" Mansoor, le bâtisseur. 

Le ton de l'album est clairement donné, et ce malgré Garden In The Bones, un deuxième single mi-figue mi-raisin incluant d'avantages de passages calmes au gré d'arrangements électroniques richement répartis. L'autre bonne surprise surviendra cependant un peu plus tard, lors de la parution définitive où, fait assez rare pour être souligné, la première piste, intitulée Reptile, avoisinera sans prétentions les seize bonnes minutes. Une oeuvre en grande partie composée par Mark Holcomb, où le guitariste signe l'une de ses plus grandes contributions pour le groupe. Et bien qu'en terme de compositions excédant les dix minutes, les Américains n'en soient qu'à leur troisième essai, force est de constater qu'il y ont mis le paquet : orchestrations symphoniques, coeurs et lignes de synthétiseurs pour un relief haut en couleur. La rythmique quant à elle, lorsqu'elle ne s'échoue pas telle une plume sur un lac dormant au gré d'arpèges aussi mélodiques que planants, file à toute vitesse sous la tutelle d'une double rythmique guitaresque, avec d'une part un Misha Mansoor impartial et d'autre part un Mark Holcomb des plus techniques. Le tout pour une allure si bien alimentée de notes à vide et de divers "Palm mute" que l'on pourrait parfois se demander si le Kerry King de Slayer lui-même n'y a pas apporté sa touche personnelle. Et à l'image de cette chatoyante Reptile, la suite de l'album ne sera pas avare en terme de surprises et de rebondissements. On rangera dans la catégorie "bête à poil" la sulfureuse CHVRCH BVRNER et sa structure chaotique dont le refrain ne manquera pas de donner une bouffée d'air inattendue ; mais aussi Follow Your Ghost, la cousine éloignée de Meshuggah, où breakdown et polyrythmie se tutoient dans un cocktail décapant bien propre au groupe. Sans oublier Sentient Glow, morceau un peu plus transparent que le reste, qui viendra se greffer à la tracklist sans grand fracas. Dans la catégorie "ballade", puisqu'il en faut une : It's Only Smiles. Semi-ballade à vrai dire, car son style, plus épuré que ses congénères, offrira la palette la plus large de l'album avec coup sur coup riffs lancinants et touches électroniques apaisantes.

Et enfin, dans la catégorie "OVNI" : l'étonnante Crush. Si les passages électroniques cités plus tôt se faisaient ressentir de temps à autre, Crush en regorgera de long en large. Si bien que l'on pourrait passer des heures à chercher la plus discrète présence d'une guitare, à défaut d'en extraire rien de moins qu'un joyeux tintamarre de violons et violoncelles. Et bien qu'il s'agisse là de la plus grande prise de risque du groupe à ce jour, le morceau se montrera plutôt réussi dans sa globalité. Quant à dire s'il s'avérera annonciateur d'une nouvelle ère, nul ne le sait, mais une chose est sûre : il fera autant parler de lui qu'il divisera le clan des adeptes. En guise de conclusion, l'album s'attribuera les services de Satellites dont l'orbite frôlera la barre symbolique des dix minutes. Une piste qu'il faudra longuement ruminer et dont la compréhension ne viendra pas sans réaliser l'étendue de la belle prestation de Spencer Sotelo au chant. Sa très longue et douce introduction sera la partie la plus difficile à ingurgiter et les opposants comme les convaincus devront livrer grande bataille, au moyen de glaives et d'épées, pour espérer remporter le mot de la fin sur un morceau qui divise d'ores et déjà beaucoup. Une dernière oeuvre loin d'être déplaisante en tout cas, car merveilleusement bien ficelée au terme d'une deuxième partie bâtie brique par brique. 

En définitive, Periphery IV: Hail Stan s'avérera être un album réussi, bénéficiant comme toujours, d'une production au poil. La variété de ses compositions jouera cependant peut être contre lui, avec l'électrique Crush en porte-à-faux, qui aura plus que jamais écarté le groupe de ses sentiers battus. Mais on pourra difficilement lui reprocher de tenter des choses pour fournir un contenu toujours plus varié et propre à son ADN. Avec des pistes aussi maîtrisées et réussies que Blood Eagle ou Reptile et d'autres plus en retrait telles que Sentient Glow ou It's Only Smiles, l'album se montrera un brin inégal mais très certainement à la hauteur des espérances de chacun.

 

Traclist de Periphery IV: Hail Stan

01. Reptile
02. Blood Eagle
03. CHVRCH BVRNER
04. Garden In The Bones
05. It's Only Smiles
06. Follow Your Ghost
07. Crush
08. Sentient Glow
09. Satellites

 

 

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