C H R O N I Q U E

Spectral Lore est un « one man band » grec formé par le « self-made man » Ayloss. Fort de trois albums et deux splits, l’astronaute blackeux revient nous plonger dans les profondeurs cosmiques de l’infiniment grand avec son dernier bébé, III. Oeuvrant dans du Black à tendance progressive, Spectral Lore s’éloigne donc en partie des groupes comme Darkspace, dont les thématiques sont pourtant identiques et parfois redondantes.

Le split avec Jacob Buczarsky de Mare Cognitum (autre groupe solo) en 2013 était vraiment bien ficelé ; une belle démonstration de coopération musicale magistralement orchestrée dans les confins d’une planète satellite au nom inconnu. III est assez différent, mais forcément, on ne peut pas le comparer avec le split puisque que Jacob n’y officie pas. On est donc de retour dans du Spectral Lore avec une grande richesse d’influences aussi hétéroclites que contradictoires. C’est parfois déroutant, d’une piste à l’autre on peut changer complétement de registre. D’un Black quasi-bruitiste à de l’ambient traditionnel en passant par du prog, on aura tout vu sur cet album ! Il faut dire que la longueur des pistes doit inciter le compère à se faire plaisir.

Le premier disque est plutôt extrême, forme d’introduction à un monde cosmique qui paraît difficile à atteindre, comme de multiples barrières à franchir. Tenter, comme le dit Michel Serres, de sortir de « l’acosmisme » ambiant, de s’éloigner du kakosmos pour construire un Tout, un Univers ordonné à la manière de la Théogonie d’Hésiode ou du Timée de Platon. C’est ce que se propose de faire Ayloss à travers un Black Metal tourmenté, aux voix à la fois gutturales et criardes, dans une mélodie qui reste pourtant comme un fil rouge tout au long des pistes, comme sur The Cold March Towards Eternal Brightness et Drifting Through Moss And Ancient Stone.

Puis vient le second tome, seconde vision, beaucoup plus ambient, abandonnant parfois le BM pour aller vers une plénitude cosmique chaleureuse et entraînante, loin de la terreur d’un film comme Gravity, mais plutôt du côté de l’harmonie et la beauté d’un film comme Man From Earth. L’Homme semble retrouver sa place dans cet infini à la fois noir de terreur et brillant d’espoir. Un dernier sursaut se fait sur A Rider Through The Lands Of An Infinite Dreamscape, pour nous emmener vers un final aux sonorités électroniques reposantes, horizon d’attente d’un auditeur qui sera passé par tous les états d’âmes possibles.

Voyage prenant, musicalement tout autant qu’intellectuellement. Une maîtrise assez incroyable de la complexité, c’est-à-dire la capacité, dans un chaos apparent, de vous faire ressentir qu’au bout du tunnel, il y a une fine lumière qui brille telle une étincelle. Vous offrant enfin prise sur quelque chose d’identifiable et de compréhensible,  en vous faisant à ce moment comprendre que de ce chaos ressort en fait une incroyable construction musicale.

Spectral Lore m’aura convaincu tout du long. III est même parfois proche d’un Ummagumma des Pink Floyd, il vous entraîne dans une épopée cosmique, inquiétante mais aussi riche en découvertes sonores et influences en tout genre. A conseiller à ceux qui apprécient de se laisser porter longuement, par une musique progressive dans sa complexité, et doucereuse dans son jeu interprétatif. Chapeau l’artiste.

Tracklist de III :

Disque 1 :

01. Omphalos

02. The Veiled Garden

03. The Cold March Towards Eternal Brightness

04. Drifting Through Moss And Ancient Stone

Disque 2 :

05. The Spiral Fountain

06. A Rider Through The Lands Of An Infinite Dreamscape 

07. Cosmic Significance

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