Groupe:

Dirty Shirt

Date:

21 Juin 2019

Interviewer:

Didier

Interview Mihai et Dan

Salut Mihai, peux-tu nous présenter Dirty Shirt pour ceux qui ne le connaissent pas encore ?

Mihai : Dirty Shirt est un groupe de folk crossover metal de Transylvanie, Roumanie. C’est un groupe qui a déjà une longue histoire dans son pays d’origine et qui commence à s’exporter de plus en plus au niveau européen. On a joué pas mal en France ces dernières années, du fait que j’habite en France et forcément ça aide. On vient de terminer une tournée européenne ce printemps avec encore cinq dates en France.

Et pendant qu’on en est aux présentations, pourquoi ce nom Dirty Shirt ?

Mihai : Le nom vient des années 90, on s’est retrouvés avec plusieurs gars du groupe dans une gare pour rentrer dans notre ville d’origine. A l’époque, je ne sais pas si tu te rappelles mais on portait tous des chemises à carreaux. Nous portions tous ça et elle étaient plutôt sales. Donc ce Dirty Shirt, c’est comme une génération en Roumanie.

Vous venez de Roumanie, un pays que l’on connait assez peu. Raconte nous un peu le rock et le metal en Roumanie, ça se passe comment ? Et est-ce que les choses ont beaucoup changé depuis la chute du communisme dans le pays ?

Dan : La scène rock et metal va bien, on peut dire qu’elle a commencé à bien se développer ces dix dernières années. Il a fallu dix ans après la chute du communisme pour que les choses commencent à changer pour la musique rock. Donc nous sommes encore très en retard.

Mihai : Pour expliquer un peu mieux, il faut dire que quand le groupe s’est formé dans le milieu des années 90, c’était juste après la chute du communisme, donc nous étions la première génération de groupe de rock metal. Et il n’y avait rien. Quand je dis rien, c’est vraiment rien. Les premières pédales de guitare étaient faites par le grand-père d’un des membres qui avait trouvé un schéma en Russie. Il n’y avait pas de scène, pas de festival, pas de bookeur, pas d’agence et même pas d’Internet. Rien. Le style musical était donc très obscure. On était un groupe connu en Roumanie et ça, ça voulait dire qu’on faisait trois festivals par an et deux dates dans la région et c’était tout. Après, comme le disait Dan, depuis dix ans, l’Internet, l’Union Européenne, tout ça a fait que la Roumanie est entrée sur la carte de la musique rock metal. Et maintenant ça a explosé. Il y a de nombreux groupes maintenant qui arrivent à faire venir des centaines de personnes à leurs concerts. C’était impossible avant. Du coup il y a des salles, des bons clubs et des festivals. C’est bien sûr pas au niveau de la France ou de l’Allemagne mais c’est ce qu’il faut pour la taille du pays, il y a quand même de vrais trucs qui se passent.

Parlons un peu de votre dernier album "Letchology". Que signifie ce titre ?

Mihai : Letcho c’est une sorte de ratatouille de l’Europe Centrale et de l’Est. C’est un mélange de légumes, c’est très bon et ça se fait aussi en Transylvanie. Comme notre musique c’est un beau "Letcho", un mélange, on a ajouté « ology » qui veut dire la science de quelque chose, donc "Letchology" : la science des mélanges.

Vous utilisez le même dessinateur sur vos pochettes, tu peux nous en parler un peu ?

Mihail : C’est Costin Chioreanu, un artiste roumain, déjà très connu au niveau international, il a travaillé avec tous les grands groupes comme Opeth ou Ghost. On est potes et on travaille beaucoup ensemble.

Comment avez-vous travaillé pour la composition de cet album ?

Mihai : C’est surtout moi qui compose les idées de base. Je fais des maquettes à la maison, en France. J’enregistre tout dans mon home studio. Mais les autres sont tous en Roumanie, c’est ça qui complique un petit peu le fonctionnement du groupe. Je leur envoie la maquette, ils répètent, puis j’y vais et on répète ensemble, et ça change pas mal et ça peut partir très loin. Imagine que sur l’album, nous étions 25 musiciens, chacun ayant le droit d’apporter des idées en plus.

Le son est vraiment énorme, il y a un sacré boulot dans la production. Comment avez-vous travaillé tout ça ?

Mihai : Au niveau prod, on travaille avec Charles Massabo, c’est un producteur français établi à Los Angeles. Il a travaillé avec pas mal de groupe connus et avec nous depuis 2010. Ils nous connait bien. Comme il y a beaucoup d’instruments, je fais d’abord une pré-production de tous les instruments acoustiques et pour la partie plus metal, c’est Charles.

Vous utilisez de nombreux instruments non-conventionnels, tu peux nous présenter les plus importants ?

Mihai : Oui par exemple on a utilisé le bratsch, c’est une sorte de viole à trois cordes, utilisée en Europe de l’Est. On a utilisé un cymbalum, une sorte de piano mais tu frappes directement les cordes avec un marteau. Et puis des clarinettes, des violons, de la contrebasse, du violoncelle, de la flûte...

Arrivez-vous à reproduire sur scène le son de vos albums ?

Mihai : Oui bien sûr. Quand on a fait la tournée avec l’orchestre, tout est live.

J’ai vu le concert avec l’Ensemble National Folklorique, c’est énorme mais vous ne pouvez pas partir en tournée avec tout ce monde, si ?

Mihai : Non bien sûr. Cette tournée c’était avec un orchestre d’état, l’Ensemble National Folklorique de Transylvanie, et c’était un projet commun mais la collaboration à plus long terme n’est pas faisable. Ils ont leur propre agenda, c’est trop compliqué. C’est pour ça qu’on a aussi monté un autre groupe, le Transylvanian Folkore Orchestra qui est un pool de musiciens avec qui on tourne. Ils sont aussi sur l’album et donc on fait en live avec eux. Mais comme tu le disais, on ne fait pas tous les concerts en version complète, donc là on est juste le groupe de base, plus un violon et le reste est samplé.

Ce que je trouve étonnant, c’est qu'en France de nombreux groupes choisissent de chanter en anglais sous prétexte que le français se prête mal au metal. Vous chantez la moitié des morceaux en roumain et ça semble ne poser aucun problème. Le roumain serait-il plus metal que le français ?

Mihai : On a la même question en Roumanie. Le Roumain est-il adapté et est-ce que ça va s’exporter ? Mais nous on n'a utilisé le roumain que sur les morceaux qui ont une influence balkanique. Et du coup, ça colle bien. Mais quand on a un refrain par exemple, en pur metal, même dans le même morceau, on bascule en anglais.

D’ailleurs de quoi parle vos morceaux en général ?

Mihai : On a beaucoup de chansons avec des thématiques sociales et politiques, parce qu'en Roumanie, il y a des soucis, il y a des choses à bouger. Donc on a beaucoup de textes engagés, sur tous les albums. Contre la corruption, la malbouffe, la pollution. C’est 50 ou 60% de nos paroles. Le reste, ça part dans tous les sens, surtout si ce sont des chansons de danses inspirées par le folklore.

J’ai vraiment adoré cet album et j’avoue que je ne connaissais pas le groupe. Quels ont été les premiers retours dans la presse et dans le public ? Etes-vous content du résultat ?

Dan : Les retours sont très bons jusqu’à maintenant. Il n’y a pas des masses de presse spécialisée en Roumanie, mais hors de Roumanie on a eu beaucoup de chroniques souvent très bonnes. Beaucoup en France, grâce à des gens comme toi d’ailleurs, merci beaucoup. En tout cas, nous sommes très contents du résultat.

Mihai : On a aussi fait cette tournée européenne et à chaque fois, les retours ont été magiques. En Angleterre, en France, en Allemagne, en République Tchèque, en Hongrie... Mais c’est vrai que, comme l’a dit Dan, le pays où on a le plus de chroniques c’est la France. C’est historique, ça fait déjà un petit moment.

Je disais dans ma chronique que finalement on associe le Folk metal souvent, et à tort, aux Celtes et aux Vikings des pays nordiques, mais finalement il existe bien un Folk Metal des Balkans ou d’Europe de l’Est.

Mihai : C’est vrai qu’on est souvent associé à la musique folk nordique alors que dans l’esprit, on en est assez loin. Il y a un mouvement de folk metal en Europe de l’Est actuellement qui marche très bien. Rien qu’en Roumanie il y a au moins trois ou quatre groupes déjà établis dans ce style et c’est pareil en Russie avec des groupes comme Arkona et en Hongrie.

Aujourd’hui vous faites de la promo sur le Hellfest mais vous n’y jouez pas, n’est–ce pas un peu frustrant ?

Mihai : On a eu de la chance d’être invités au Hellfest grâce à Roger mais on espère y jouer un jour évidemment. On va faire le Wacken cet été alors ça compense un peu.

Si vous deviez jouer au Hellfest l’année prochaine, quelle serait votre scène préférée ?

Mahai et Dan : Mainstage !! [rires]

Allez-vous pouvoir profiter de quelques concerts pendant ces trois jours ? Si oui lesquels par exemple ?

Mihai : Moi j’ai déjà vu Freitot car je connais Arno Strobl. Après je suis allé voir Klone que je n’avais jamais vu en live. Je n’ai vu que vingt minutes mais c’était magnifique.

En attendant de fouler les planches du Hellfest, vous allez tourner pour promouvoir "Letchology" ? En France ? Dans le monde ?

Mihai : Oui donc cet été le Wacken et quelques festival en Roumanie. On avait déjà joué au Wacken il y a cinq ans. A l’époque, c’était dans le tremplin avec des groupes de plus de trente pays. On travaille aussi sur une tournée d’automne en Europe, mais pas la France. Mais on espère venir le printemps prochain.

D’autres choses en vue dans les mois qui viennent ?

Mihai : Oui, l’année prochaine on veut faire deux évènements important en Roumanie pour fêter les 25 ans du groupe. On sortira un DVD, On voudrait aussi sortir le live de Wacken en ligne, ça vaut quand même le coup. Et derrière, un nouvel album pour 2021, j’ai commencé déjà à composer et on va organiser une session de composition cet été car il y a déjà des idées.

Merci et bon Hellfest, je vous laisse le mot de la fin.

Dan : Ecoutez Dirty Shirt !

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