Tao Menizoo

Interview date

27 Octobre 2012

Interviewer

fifi59

I N T E R V I E W

Interview Laurent (par mail)


Salut Laurent, merci d'accorder cet entretien au webzine auxportesdumetal.com. Pour commencer, peux-tu nous présenter les membres du groupe ?

Salut et tout d’abord merci pour cette interview, ainsi que pour la chronique. Tao Menizoo est composé des quatre membres fondateurs, présents sans discontinuer depuis 1995 : Koshee à la batterie, Totof à la guitare, Ronan à la basse et moi-même, Laurent, à la guitare et au chant. Je n’ai pas été le chanteur dès le début, nous avons eu deux chanteurs successifs les premières années du groupe. Lors du départ du second, faute de lui trouver un remplaçant, je m’y suis mis et j’ai pris mes marques au fil du temps, c’est ce qui explique la forte évolution du chant d’un album à l’autre.

Pourquoi avoir appelé le groupe "Tao Menizoo" ?

Le groupe n’avait pas un an que nous avons participé à un tremplin et il a alors fallu fournir un nom aux organisateurs. Ce nom qui a été donné était celui, provisoire, d’une chanson en cours de composition. Et d’où vient-il ? Du cerveau du batteur, et des méandres de son subconscient, puisque ce nom n’a, à notre connaissance, aucune signification dans aucune langue… Un nom insolite voire atypique, pas facile à retenir, mais en même temps difficile à oublier ;-)

Quel est le parcours de Tao Menizoo depuis sa création ?

Les principales étapes de la vie du groupe sont marquées par les albums : entre 1997 et 2003, démos, EP et compilations ; en 2003 le premier album "#1" sorti chez Musicast et Two Fat Men Records ; entre 2003 et 2008, concerts, compositions, galères de salle de répète, préprod de l’album suivant, enregistré et mixé entre 2006 et 2007 (home studio perso)  ; en 2008, le second album "So Blind" et la signature avec Pervade/Manitou Music/Thundering Records ; entre 2008 et 2012, concerts, compositions, mise en liquidation du label, préprod de l’album, enregistrement et mixage de l’album à nouveau en home-studio perso et enfin, 2012 : sortie du troisième album "Journey Through A Devastated Mind"… Voici quasiment quinze ans (!) résumé en quelques lignes…

C’est un parcours assez linéaire, dont la principale caractéristique est qu’il n’y a pas ce qu’on retrouve dans la plupart des carrières des groupes, y compris fraîchement constitués, qui occupent le devant de la scène : à savoir des premières parties de grosses pointures permettant une mise en lumière notable, et des rencontres déterminantes ouvrant des opportunités… C’est probablement ce qui explique notre notoriété… confidentielle malgré les très bonnes critiques de nos albums…

Quelle est ta définition de la musique de Tao Menizoo ?

Nous avons du mal à y coller une étiquette nous-mêmes, et les chroniqueurs aussi, de ce que nous pouvons lire. Non pas que nous ayons inventé quoi que ce soit, mais c’est surtout un sacré bazar, un joyeux fourre-tout de toutes nos influences, et comme nous n’avons pas les mêmes entre nous, et qu’elles sont loin de se restreindre au seul Metal, forcément cela fait une musique qui nous ressemble, nous a réunis, qui est celle que nous avons envie d’entendre et de jouer. C’est une musique dans laquelle nous mettons ce qui nous plaît chez les autres, d’où qu’ils viennent : Metal, Indus, Cold-Wave, Ethnique, Pop… Tous les morceaux que nous jouons ont l’approbation de tous les membres du groupe. Une composition doit emporter l’adhésion de chacun d’entre nous pour être adoptée, pas question qu’il y en ait un qui tique, ou grimace, ou trouve ça « bof mais si ça vous fait plaisir… »

Cette approche fait aussi que nous ne pouvons pas prendre d’engagement solennel sur ce que sera le prochain album : une déferlante de blasts, de longues plages atmosphériques, du mid-tempo rock’n’roll, de l’électro- indus, ou que sais-je… Peut-être un peu de tout ça ?

Quelles sont vos influences au sein du groupe ? De quelles formations vous sentez-vous proches ?

Comme je disais juste au-dessus, nos influences sont nombreuses et variées, et ne sont pas les mêmes d’un zicos à l’autre. Mais les influences communes notables restent quand même, pour le Metal, Coroner, Voivod, Ministry, Prong, Pantera aussi… Ce genre de groupes référence…

Je lisais tout à l’heure l’interview de Devin Townsend sur Aux Portes du Metal, donnée à l’occasion de la sortie de "Ki", où il disait que s’il avait repris les concerts alors qu’il avait pensé y renoncer, c’était parce qu’il se sentait désormais libre de composer et jouer en concert la musique comme il en a envie, avec l’attitude qui lui plaît, sans se contraindre en rien, sans rien devoir à personne : c’est exactement ça pour nous aussi, nous ne nous imposons aucun cahier des charges en termes d’orientations musicales.

Selon moi, "Journey Through A Devastated Mind" propose un bel éventail d'orientations stylistiques parfaitement agencées, permettant une cohérence impressionnante au service d'une musique puissante, sombre et variée. Et au sein du groupe, êtes-vous pleinement satisfaits de cet opus ?

Ta description rejoint ce que je disais plus haut, et je crois que c’est ce qui peut plaire à ceux qui font fi des orthodoxies musicales…

En ce qui concerne notre opinion sur l’album, il faut reconnaître que de l’intérieur, on est toujours plus critique, car on connaît l’envers du décor… Mais objectivement et sincèrement, oui, nous en sommes satisfaits, que ce soit de l’évolution de la qualité de la prod, des compos, des textes, de la pochette… D’ailleurs, nous avions plus de compos qu’il n’y en a au final sur l’album, ce qui nous a permis d’en écarter quelques unes plus faibles, ou moins abouties (sur lesquelles on pourra revenir pour le prochain) sans remord ni regret…

Quel a été le processus de composition pour "Journey Through A Devastated Mind" ? Peux-tu narrer son concept ?

Les morceaux sont soit issus de travail en répète où l’on part sur une idée de riff trouvé à l’instinct ou au hasard, qu’on fait tourner pour la développer et voir ce qui vient, soit viennent de démos, plus ou moins approfondies, amenées par l’un ou l’autre d’entre nous, pour être ensuite appropriées par tout le groupe. Au moment de l’enregistrement, lorsque toutes les briques s’assemblent, il est encore possible de revoir la structure du morceau, c’est l’avantage de tout faire soi-même : on est libre de remettre le travail sur l‘ouvrage à volonté.

La musique vient toujours en premier. Aussi, pendant plusieurs mois, y compris sur les démos, le chant est en « yaourt » ;-) Je finalise ainsi le placement mélodique et rythmique. Ensuite, j’écris les textes, en rapport avec le concept que je me suis donné, en faisant en sorte que les mots et leurs découpages collent avec le placement du « yaourt »… Évidemment, les paroles ainsi travaillées ne sont pas aussi spontanées que si elles étaient créées en l’état, dès le premier jet, mais cela permet là encore d’approfondir, voire de ciseler la chose, d’autant plus que nos textes sont assez loin de la simplicité rock’n’roll de base… En fait, on peut dire que je me donne bien du mal à les écrire ;-) C’est aussi pour cela que nous ne chantons pas (encore) en français : chaque fois que nous avons essayé, notre degré d’exigence n’a pas (encore) permis de considérer le résultat comme satisfaisant… Il ne m’est pas évident de faire des paroles « intelligentes » en français qui évitent le double écueil de la grandiloquence prétentieuse ou de la poésie adolescente ;-)

Concernant le concept directeur de l’album, il s’agit ici de la plongée dans les abîmes d’une âme sombre et torturée, malheureuse et agressive, soit de l’intérieur, d’un point de vue introspectif, soit du point de vue des victimes de cet individu devenu bourreau sadique. C’est cathartique, certes, mais cela reste purement fictif, c’est un exercice de style, un exercice de pensée, pas du tout le reflet de ce que je suis ;-) Mais peut-être que chacun pourra retrouver une part de lui-même dans une des facettes explorées lors de ce voyage dans l’obscurité de l’âme…

A mes yeux, le son est impeccable sur "Journey Through A Devastated Mind", celui-ci s'avérant puissant et équilibré. Comment s'est déroulé son enregistrement ?

Tout s’est fait à la maison : les prises de batterie au sous-sol, dans une pièce dédiée, ce qui permet de laisser tout en place et d’y revenir autant de fois que nécessaire. Les prises guitares ont été faites avec des préamplis, un VM202 (un simulateur sophistiqué de baffles+micros) et des plugins, les prises basses en DI + plugins. Les prises voix ont également été faites à la maison, tout seul, les volets fermés pour ne pas inquiéter le voisinage avec mes cris, et en caleçon parce que faire plus de cinq prises d’affilée de chaque titre, ça donne rapidement chaud quand on s’efforce d’y mettre l’intention à grand recours de gestes rageurs ! Le mixage a été effectué à la maison, et le mastering a été confié à Brett Caldas-Lima, au Tower Studio (Kalisia, Cynic, Devin Townsend, To-Mera, Samael…) qui a vraiment contribué à la qualité finale du son.

Qui s'est occupé de l'artwork ? Peux-tu nous renseigner sur sa signification ?

La photo originale, que nous avons retravaillée en terme de texture et de couleur pour la dramatiser graphiquement, est tirée du travail d’un photographe américain, Eric Honeycutt, des studios VegaBlue. Celui-ci contribue à des banques d’images avec des photos d’illustration mais aussi avec des galeries d’un travail plus personnel, notamment une intitulée « Southern Gothic ». Alors que nous cherchions des idées, des images pouvant coller avec le concept de l’album, nous sommes tombés sur cette photo qui nous a semblé coller parfaitement au thème de l’album, en entretenant une ambiguïté intéressante : avons-nous affaire à la victime qui décide d’en finir en se donnant la mort ? En tuant son bourreau ? Avons-nous affaire au bourreau prêt à achever sa victime ? A une tierce personne prête à intervenir entre la victime et le bourreau ? Pour ma part, je ne donne pas d’indication sur l’interprétation à en donner, je laisse à chacun le soin de décider selon son ressenti, son empathie et son expérience personnelle…

Comment se déroule la vie de Tao Menizoo suite à la disparition de son label ? Êtes-vous à la recherche d'un nouveau label ?

A vrai dire, le peu de communication qu’il y avait entre le label et nous (nous n’avons même pas été prévenus de sa mise en liquidation, c’est PJ de Lokurah qui m’a prévenu quand il l’a appris de manière indirecte lui- même !) fait que nous ne voyons actuellement aucune différence entre avec et sans, hormis que cette fois-ci, il n’y aura pas de pub dans les magazines et que l’album ne sera pas vendu dans les bacs, mais seulement en ligne… En même temps, quand on voit la distribution catastrophique faite en dépit du bon sens de l’album précédent (pas plus de trois exemplaires cachés dans les bacs de la grande surface culturelle "de chez nous" et sans aucune mise en avant), on ne va pas y perdre grand-chose…

Pour ce qui est de chercher un nouveau label… heu… En fait, nous cherchons d’abord des chroniques pour savoir ce que les gens pensent de l’album (a priori, beaucoup de bien ;-)) et ensuite nous cherchons des dates pour le premier semestre 2013 pour un « Devastated Tour »…

Si un label, intéressé par ce que nous faisons, nous contacte et nous fait une proposition, nous l’étudierons avec attention, sachant ce que nous ne voulons plus comme contrat le genre de ceux où en définitive le groupe paye tout sans efforts concrets en retour…

Maintenant, nous sommes bien conscients qu’aussi élogieuses les chroniques puissent-elles être, notre notoriété quasi anecdotique n’invitera pas les labels à se précipiter à notre porte… A moins d’un événement déclenchant comme une première partie d’importance, un festival majeur, ou une chouette tournée qui fasse parler de nous… A voir…

Comment perçois-tu l'évolution de Tao Menizoo depuis ses débuts jusqu'à "Journey Through A Devastated Mind" ?

Je dirais que nous ne sommes pas un groupe « soda » qui fait un « pschiit » plein de désaltérantes promesses quand on l’ouvre, et qui fait du bien tout de suite mais s’évente sur la durée… Nous serions plutôt comme un vin de garde qui demande du temps pour s’affiner, et prendre tout son caractère… Je pense que cet album marque un jalon plus important que les autres en terme de personnalité et de maîtrise de nos choix. J’espère aussi que le meilleur (en terme de compos et de productions musicales) reste encore à venir… En tous les cas, nous continuerons à faire la musique telle que nous avons envie de la faire, à rester maîtres de notre direction artistique, intègres et honnêtes vis-à-vis de ceux qui aiment ce que nous faisons, sans cherche à flatter qui que ce soit, ou à recycler les recettes qui ont déjà marché.

A quoi s'attendre lorsqu'on va découvrir Tao Menizoo en concert ?

L’adrénaline et l’excitation aidant, les morceaux gagnent quelque peu en accélération, sont plus rugueux et plus bruts en l’absence des sophistications des arrangements studio… C’est une expérience beaucoup plus physique, pour nous comme pour le public, là où l‘album serait une expérience plus tournée vers la réflexion et l’écoute attentive. Nous réfléchissons à la possibilité d’inclure certains des arrangements par le biais de samples ou de loops, mais même sans cela, nous veillons à composer des titres s’appuyant sur une colonne vertébrale solide et qui tiennent debout, même joués sans les fioritures de l’album. Nous remplaçons la sophistication de l’album par l’énergie du live ;-)

De quoi va être fait l'avenir proche ou plus lointain de Tao Menizoo ?

Au plus proche, nous sommes dans la recherche de dates (si parmi les lecteurs de cette interviews certains sont intéressés : nous sommes preneurs !) pour le 1er semestre 2013… Donc normalement, des dates début 2013 et sur le printemps…

Une vidéo, actuellement en phase de finalisation, devrait arriver sous peu, elle aussi « faite maison » comme les précédentes… Illustrant le titre "You Weakness", elle reprendra le principe du stop-motion (animation image par image) des vidéos précédentes. On y retrouvera le personnage principal des deux vidéos précédentes, mais aussi le groupe lui-même, en figurines !

Nous allons également remonter prochainement le set de prise batterie pour travailler des démos, des préprods du prochain album, mais aussi pour enregistrer des covers que nous pourrions diffuser sur Youtube par exemple…

Et enfin, nous allons essayer de provoquer cette rencontre, cette opportunité, cet événement déterminant, qui pourrait marquer un tournant dans la vie du groupe…

Quel est ton meilleur souvenir lié à Tao Menizoo ? Et le pire ?

Le pire : faire des centaines de kilomètres pour jouer devant deux personnes parce que l’organisatrice de la date n’a fait absolument aucune promo, a en outre disparu dans la nature et que les autres groupes de l’affiche, ayant senti le plan foireux, ne sont pas venus… Et on nous a fait payer nos cafés en prime ! Enfin, je dis le pire, maintenant on en rigole… Totof dirait peut-être que le pire pour lui fut ce concert où un mec a passé une bonne partie de notre set à m’insulter et nous faire des doigts d’honneur… Cela doit faire pas loin de huit ans, il nous en parle encore ! En même temps, c’est la règle du jeu quand on s’expose en public, on vient aussi au devant de ceux qui ne nous aiment pas et veulent le faire savoir pour exister…

Le meilleur : si je peux, je vais faire un package de mes souvenirs, ceux de tous les concerts qui se sont bien passés, où l’échange avec le public a été intense pendant et après le set, où l’accueil par l’orga a été formidable, où on est sortis de scène épuisés, rincés, mais avec une seule hâte : y remonter ;-) Ce sont ces souvenirs-là qui font marcher la machine !

Que penses-tu de la scène Metal française actuelle ?

Le plus grand bien de la scène en elle-même : les groupes de qualité sont nombreux, très pros dans leur façon de gérer leur son, leur set, leur promo, le tout dans des styles très variés, il y en a pour tout le monde… Par contre, il est clair que le traitement médiatique de la scène metal française par les médias grand public n’est pas au niveau de ce qu’on peut trouver chez nos voisins allemands ou nordiques, de même pour les lieux de diffusion…

Qu'écoutes-tu en ce moment ? As-tu dernièrement pris une grosse claque avec un album ?

Je suis pas mal dans Cult Of Luna, Jesu, le triptyque 777 de Blut Aus Nord, Baroness… Des grosses claques, en fait, j’en prends sans arrêt, à chaque nouvel album que j’écoute… Ou presque ;-)

Je te remercie pour cette interview et te laisse le mot de la fin !

Encore merci pour l’interview et le soutien ! J’invite les lecteurs à venir sur notre site ( http://taomenizoo.com ), l’album peut y être écouté entièrement en streaming, et si ce qu’ils y entendent leur plaît, éventuellement l’acheter en download ou en CD, mais surtout venir nous voir en concert dès que possible, et ne pas hésiter, après, à venir taper la discute avec nous, nous sommes toujours partants !


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