Groupe:

Testament + Annihilator + Death Angel

Date:

08 Décembre 2017

Lieu:

Paris

Chroniqueur:

Blaster Of Muppets

Soirée de folie le 8 décembre dernier au Bataclan pour tout amateur de thrash qui se respecte ! L'affiche promettait beaucoup : Testament en tête, précédé d'Annihilator et Death Angel... Retrospectivement, on peut le dire sans hésitation et avec un large sourire, les promesses ont été tenues. J'irai même jusqu'à dire que les attentes (les miennes, tout du moins) ont été dépassées. C'est parti pour le récit et les photos d'une soirée 100% thrash qui restera dans le top des concerts qu'il ne fallait pas louper en 2017. 

DEATH ANGEL 

Qu'on aime beaucoup Death Angel ou pas tant que ça, il y a un truc qu'on ne saurait retirer aux Californiens, c'est leur maîtrise de la performance live, l'exceptionnelle vigueur dont il font toujours preuve sur scène. Ce soir, une fois encore, on a pu le constater... quand le quintet investit les planches du Bataclan, ce n'est pas pour rigoler. 

Première bonne surprise de la soirée : le son est très bon, surtout pour une première partie. J'ai entendu tellement de groupes desservis par un son tout moisi sous prétexte qu'ils étaient les premiers à jouer que je n'aurais pas été surpris de tomber encore sur un rendu assez moyen mais ce ne fut vraiment pas le cas. C'est puissant, massif, pas ridicule du tout... et ça fait plaisir. Moins surprenant, le light show est minimaliste mais ça, c'est franchement pas grave. Plus important, le groupe est dans une forme olympique. Il a à peine quarante minutes pour convaincre un Bataclan (encore assez loin d'être rempli au moment où il monte sur scène, à 19 heures), alors il ne va pas faire semblant... on le sent prêt à en découdre et à tout donner dès les premières mesures de Father Of Lies, titre extrait du dernier album, l'excellent The Great Divide. Le combo aurait pu choisir quelque chose de plus bastonnant ou rapide pour ouvrir les hostilités mais il a opté pour ce titre, tout de même très direct et efficace qui met correctement le feu aux poudres sans tout défoncer pour autant... ce qui va permettre la mise en place d'un crescendo intéressant avec les compos suivantes. 

Rob Cavestany s'éclate toujours autant sur scène et semble prendre un pied énorme à nous asséner ses riffs thrashy bien aiguisés. Damien Sisson, à la basse, est moins exhubérant mais certainement pas moins compétent. Ces deux-là, accompagnés du très efficace Ted Aguilar (guitare), ne sont pas statiques et leurs déplacements réguliers ainsi qu'une attitude "qui n'en veut" participent bien au dynamisme de l'ensemble. Pendant ce temps, Will Caroll maltraite sa batterie comme il faut et, bien sûr, Mark Osegueda excelle dans le rôle du frontman. Charismatique, énervé et toujours à l'aise dans ses speech, le chanteur semble encore plus en voix que d'habitude et pousse des gueulantes de malade. Après Father Of Lies, Death Angel fait monter la pression avec des titres bien bastonnants et récents (la setlist ne fait clairement pas dans la nostalgie) comme The Dream Calls For Blood et Claws In So Deep. La fosse est de plus en plus remuante, un beau circle pit se met en marche et tout le monde s'éclate (nan, pas à la queue leu leu...). Après ces trois chansons mettant en avant les travaux les plus récents du groupe, les Californiens effectuent un retour vers le passé avec The Ultra-Violence... mais tout cela n'est qu'un leurre car, comme souvent, ce n'est que l'intro de cet instrumental qui est joué et ils enchaînent avec l'excellent Thrown To The Wolves, hymne thrash par excellence (extrait de The Art Of Dying, l'album de la reformation) qui casse la baraque. A la fin de celui-ci, Caroll défonce sa batterie avec un tel acharnement et à une telle vitesse qu'on a l'impression qu'il est train de faire une crise d'épilepsie. 


Osegueda sait parler à son auditoire, on a le droit à des "Thank you crazy fuckers for moving", à un speech plus solennel sur l'honneur de jouer pour nous au Bataclan (les autres groupes y reviendront également), à du "merci beaucoup !", du "keep on being proud of who you are and what you do" (sans oublier de nous demander de continuer à faire en sorte qu'eux aussi continuent à être fiers de qui ils sont et de ce qu'ils font)... et son enthousiasme se laisse percevoir sans peine quand il lâche un énorme "Yeeaaah, I love tonight!". Sur Mistress Of Pain, le seul vieux classique joué ce soir, le gars m'impressionne. Ce n'est pas la première fois que je vois Death Angel sur scène mais c'est bien la première fois que j'entends le vocaliste pousser les mêmes cris suraigus et ultra-puissants que sur l'album de 1987. Ca décoiffe. C'est trop bon... et trop court car il ne reste déjà plus qu'une chanson à jouer... pas la pire du lot cela dit puisqu'il s'agit de The Moth (et hop, on boucle le tout en revenant au dernier album), qui, comme titre rapide et efficace pourvu d'une mélodie qui accroche, se pose là. Voilà un beau début de soirée, forcément un peu frustrant avec juste six titres, qui lance cette nuit du thrash sur des rails solides.

 

Setlist Death Angel :

01. Father Of Lies
02. The Dream Calls For Blood
03. Claws In So Deep
04. The Ultra-Violence / Thrown To The Wolves
05. Mistress Of Pain
06. The Moth

 

ANNIHILATOR

Annihilator, je connais bien aussi, et j'aime beaucoup ! J'ai eu l'occasion de les voir huit ou neuf fois depuis une bonne quinzaine d'années et, malgré des albums parfois pas inoubliables, les performances live de Jeff Waters et ses acolytes ont toujours été convaincantes. Enfin, presque toujours... La dernière fois que je les ai vus (sur la tournée pour l'album Suicide Societyil y a deux ans de cela), je suis resté sur ma faim. Le show avait été tout à fait correct mais moins fougueux et généreux que d'habitude... Et la reprise du chant par Waters lui-même (après les excellentes prestations de Dave Padden qui a eu la mauvaise idée de quitter le navire) ne m'avait pas enchanté. Bon, l'album de l'époque n'était pas une grande réussite non plus, ça n'a pas aidé. Ce soir, c'est différent. For The Demented, nouvelle livraison des Canadiens (enfin, il y a deux Canadiens dans le groupe, ça passe quand même ?), est plus fraiche et consistante et - on est sur le point de s'en rendre compte - le quatuor va livrer un petit set très enthousiasmant.

C'est Crystal Ann, l'intro du tout premier opus du groupe, qui résonne dans les enceintes pendant que les musiciens arrivent sur scène... mais c'est bien sur un nouveau titre qu'Annihilator choisit de véritablement ouvrir les hostilités puisque le groupe balance un bon petit One To Kill très efficace. Même remarque que pour Death Angel : le son est très bon et on profite aussi bien de la puissance que des mélodies, les riffs et solos distillés par la paire Waters/Homma étant bien distincts. Le batteur italien, Fabio Alessandrini, est très concentré et exécute ses parties avec puissance et précision mais n'est pas un grand showman... On ne lui en voudra pas, d'autant plus que les trois autres compères ont beaucoup de présence. J'avais déjà vu Rich Hinks et Aaron Homma lors de la dernière tournée mais je n'avais pas le souvenir d'un tel dynamisme de leur part. Là, les gars n'arrêtent pas. Ils bougent tout le temps, échangent leur place, viennent sur le devant de la scène, se font des face-à-face (entre eux ou avec Waters), tapent des mains pour inciter le public à les imiter, participent aux choeurs quand ils ne chantent pas, juste pour eux, en toisant les fans... on frise l'hyperactivité ! 

Trois éléments essentiels font de ce show une réussite.

D'abord, Jeff Waters... en grande forme. Beaucoup plus détendu qu'il y a deux ans au Divan du Monde, le frontman bouge bien plus et sort régulièrement de derrière son pied de micro pour aller jouer avec ses partenaires. Le leader a l'air super heureux d'être là, arbore un grand sourire, et fait le show à chaque solo (et il y en a un paquet) à grands renforts de grimaces ou duckwalk. Comme d'habitude, le niveau technique du groupe est ahurissant mais, en plus, ce soir, Waters est un peu plus convaincant, vocalement parlant. Toujours pas un grand chanteur, il s'acquitte mieux de ses parties et livre une prestation assez brute et efficace, débarrassée d'effets pénibles comme la réverb abusive d'il y a deux ans. Comme je le disais, sa bonne humeur fait plaisir à voir et se révèle communicative. Il nous dit quelques mots en français ("Nous vous aimons", il introduit W.T.Y.D. en la traduisant "Bienvenue à votre mort"...), nous filme avec un téléphone pour montrer au Canada quel public formidable et aimant nous formons, lâche un petit "Fuck, that one was hard to play" en se marrant après un Twisted Lobotomy ultra speed et bien brutal, fait un petit check à un agent de sécurité disposé au pied de la scène... Bref, il se passe toujours quelque chose. 

Ensuite, il y a les titres joués. Set raccourci oblige, pas de place pour des morceaux de seconde zone. On a les indispensables classiques (dans le désordre, Alison Hell, sur laquelle Waters nous demandera de chanter le refrain, W.T.Y.D, Phantasmagoria, Set The World On Fire, King Of The Kill) deux nouvelles chansons bien choisies (Twisted Lobotomy et One To Kill) et une compo de Feast sorti en 2013, la percutante No Way Out. Tout passe comme une lettre à la poste... et bien trop rapidement (les quarante-cinq minutes ont filé à une vitesse impressionnante). 

Enfin, il y a l'ambiance de la fosse. Les fans sont en forme, quelques pogos éclatent, pas mal de gars se font plaisir en se faisant porter par la foule, les mélodies les plus marquantes du groupe sont reprises en choeur par le public, comme à un concert de Maiden... Tout cela est très chaleureux et bon enfant. On résume : musiciens excellents, set carré, net et très énergique, ambiance festive... Cela aurait pu durer plus longtemps, on ne s'en serait pas plaint ! 


Setlist Annihilator :

01. Intro (Crystal Ann)
02. One To Kill
03. King Of The Kill
04. No Way Out
05. Set The World On Fire
06. W.T.Y.D.
07. Twisted Lobotomy
08. Alison Hell
09. Phantasmagoria

 

TESTAMENT

Le Bataclan est très correctement rempli pour la venue des thrashers californiens. Depuis le set de Death Angel, des renforts sont arrivés, on était déjà bien plus serrés pendant le set d'Annihilator, la salle parait presque comble quand c'est au tour de Testament. Cela fait bien plaisir de revoir Chuck Billy et ses potes en tête d'affiche. Le concert en première partie d'Amon Amarth l'année dernière (voir ici) m'avait laissé quelques bons souvenirs mais pas que... le son s'étant notamment montré très en deçà de mes exigences. Ce soir, comme ce fut le cas avec les groupes précédents, ce ne sera pas le cas... J'irai même plus loin : je n'ai jamais entendu Testament avec un aussi bon son auparavant. Enorme. Ultra puissant mais super clair, on ne loupe aucun détail, chaque petite note jouée par Skolnick sur ses solos est audible. On est proche de la perfection (car on entend tout le monde, même si la guitare de Peterson est un peu moins en avant que celle de Skolnick et que la voix de Billy est parfois légèrement couverte par le reste du groupe). 



Comme ce fut le cas avec les deux groupes précédents, ce concert démarre avec des compos récentes : Brotherhood Of The Snake tout d'abord, très massive et impressionnante, vite suivie d'une Rise Up véloce et hyper galvanisante avec ce fameux refrain où le groupe et le public se répondent ("Rise up ! Waaaar ! Rise up ! Waaaar..."). Toujours pas de vieux classiques en vue mais la qualité demeure avec The Pale King et More Than Meets The Eye qui voit le public reprendre le thème mélodique principal de cette dernière comme un seul homme. C'est avec la cinquième chanson de la soirée que Testament quittera son répertoire des années 2000 pour commencer à nous servir quelques chansons qui ont bercé les jeunes années de certains. C'est Electric Crown, excellente compo (l'une des seules valables de The Ritual, album assez moribond), qui se charge donc de nous faire voyager dans le temps. A quelques mètres de moi, une femme d'une cinquantaine d'années est aux anges et danse comme si on était en train d'écouter la BO de Pulp Fiction (j'exagère un peu mais à peine), elle s'éclate, ça fait plaisir à voir. Dommage que cette chanson ait été précédée d'un solo un peu long d'Alex Skolnick, placé très tôt dans le set, pas très nécessaire de toute façon, surtout avec un temps de jeu un peu court (une bonne heure et quart).  

Un autre classique nous est livré ensuite, et pas des moindres : Into The Pit, mesdames et messieurs. Ca charcle !! Un mot sur les musiciens ? Est-ce vraiment nécessaire ? Allez : la performance est impeccable. Chuck est en voix et toujours aussi sympathique (avec son micro dont le manche a des allures de mini-sabre laser). Gene Hoglan, haut perché derrière sa batterie qui surplombe la scène, livre une partition où se mèlent puissance, rapidité et précision. Peterson est plus discret que ses potes, toujours dans son coin de scène, tournant souvent le dos à ses complices, mais il balance du riff avec conviction, on ne lui en demande pas beaucoup plus... surtout que les deux autres copains, Alex Skolnick et Steve DiGiorgio, sont là pour faire le show. Ce sont vraiment les deux stars de la soirée. Présence, charisme, poses diverses pour faire plaisir aux photographes ou amuser les fans... ces deux-là font tout ce qu'il faut pour attirer les regards, surtout Skolnick qui se met toujours au centre de la scène et en avant au moment de ses solos. Ce dernier nous gratifiera également d'un petit discours en français pendant lequel il expliquera que ce concert est dédié à toutes les victimes de l'attentat du 13 novembre 2015.

Dans sa deuxième moitié, le set privilégie davantage les premières années du groupe. A l'exception de Stronghold, compo extraite du dernier album, tout ce qui est joué se situe maintenant entre les années 1987 et 1994. A ce propos, cela fait plaisir de voir Testament ressortir une compo rarement jouée live : Low (tirée de l'excellent album du même nom). Petite erreur de communication de Chuck Billy à ce moment du concert : il nous dit que le groupe va maintenant nous proposer quelques titres plus rares, histoire de changer un peu des setlists habituelles et rendre la chose plus excitante, en espérant que ça va nous plaire... sauf qu'en fait, en guise de surprise, le groupe ne joue que Low. Et après, on retrouve des titres comme Souls Of Black, Practice What You Preach ou The New Order, chansons qu'on ne saurait qualifier de rares, n'est-ce pas ? Et là, on se dit que Billy est en pilote automatique et a oublié que la setlist de ce soir a dû certainement être écourtée par rapport à d'autres dates... ce qui se vérifie en effet très facilement si l'on cherche un peu sur le net et finit par se rendre compte que des titres comme First Strike Is Deadly, Throne Of Thorns ou l'instrumental Urotsukidöji sont joués d'autres soir. Damned !! 

Ce petit bémol mis à part, c'est un sans faute pour le reste de la soirée. Le groupe fait preuve d'une énergie redoutable, les fans ne sont pas en reste, les vieux classiques régalent tout le monde, Chuck partage un vieux souvenir, nous racontant qu'il déteste tourner des clips car il s'ennuie à mourir et qu'une fois, il s'est envoyé une bouteille de Jack Daniels pendant la journée de tournage avant de découvrir un petit groupe se produisant dans un club du coin et répondant au nom de Pantera. Le rappel composé de deux morceaux mythiques, Over The Wall et Disciples Of The Watch, met tout le monde d'accord et offre une conclusion idéale à cette soirée placée sous le signe du thrash qui tue. Je m'étais déjà régalé avec Kreator dans cette même salle en début d'année, Anthrax n'avait pas démérité quelques semaines plus tard, mais c'est bel et bien l'affiche de ce soir qui remportera, en ce qui me concerne, le prix de concert thrash de l'année 2017 ! 


Setlist Testament :

01. Brotherhood Of The Snake
02. Rise Up
03. The Pale King
04. More Than Meets The Eye
05. Guitar Solo
06. Electric Crown
07. Into The Pit
08. Low
09. Souls Of Black
10. Stronghold
11. Practice What You Preach
12. The New Order
13. Over The Wall
14. Disciples Of The Watch