Artiste/Groupe:

Leprous

CD:

Pitfalls

Date de sortie:

Octobre 2019

Label:

InsideOut Music

Style:

Metal Progressif

Chroniqueur:

dominique

Note:

17/20

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On connait tous la question "qui, de la poule ou l’œuf, est venu en premier ?". Il semblerait que pour les amateurs de metal progressif, une autre question importante soit en train de faire son apparition : qui, du genre (metal) ou du type (progressif), doit primer ? A l’écoute de ce Pitfalls des Norvégiens de Leprous, comme à l’audition de To The Bone de Steven Wilson ou encore de Wasteland, le dernier album en date de Riverside, un certain nombre d’amateurs de metal progressif, comme moi, se sont posé, se posent ou alors se poseront la question. Et comme attendu, la réponse n’est pas si simple ; car en musique, comme dans n’importe quel autre art, la bête analyse binaire n’as pas lieu d’être. Pourquoi ? Eh bien parce que nous sommes humains et qu’en tant que tel, nous avons le grand privilège d’avoir des émotions et des sentiments qui vont rendre l’image binaire noire et blanche, simplement grise claire ou plus grise foncée.

Ce Pitfalls pose donc la question de la progression, dans le sens évolution, d’un groupe et de sa musique. Et à aucun moment, l’auditeur ne pourra réfuter que Pitfalls est un disque progressif pour Leprous. Il incorpore plein de nouveaux horizons, de nouvelles influences et donc ouvre le groupe à une immensité de nouvelles mutations. En ceci, ce disque est incontestablement exceptionnel. Même si sa première écoute est dérangeante, voir même décevante sous certains aspects, il a la force des albums qui permettent à l’auditeur d’ajuster sa perception et son opinion avec le temps. Autres aspects remarquables : le son, la structure musicale, la voix d'Einar Solberg (pour moi, l’égal de stars comme Matthew Bellamy ou Thom Yorke) et la qualité de la production. On atteint avec Pitfalls une perfection qui est le signe des grands groupes. L’album s’écoute aussi parfaitement en public que seul avec ses écouteurs. Je dirais même que cette seconde approche permet de mieux comprendre toute la complexité des compositions et d’apprécier son côté progressif. Loops électro, juxtapositions des voix, batterie arythmique (le travail de Baard Kolstad est épatant tout au long de l’album), incrustations ethnos, tout y est, parfaitement en place ; Pitfalls c’est de la dentelle musicale.

Vous l’aurez compris, le nouvel album de Leprous est progressif ; mais quid du metal ? Eh bien c’est là que le bât va blesser les plus intransigeants d’entre nous. Il va falloir attendre longtemps avant d’entendre les premières rythmiques lourdes et les premiers traits metals. Avant Foreigner, c’est pour ainsi dire le néant ou presque. Il y a bien quelques marques, mais celles-ci ne sont que des fulgurances, pas des constantes. En fait l’album metal progressif se résume en vingt minutes, un titre d'ouverure (Below) et deux titres de conclusion, Foreigner et l’exceptionnel The Sky Is Red.

Le corps de l’album est en fait purement introspectif et très personnel. Dans Below, c’est exprimé musicalement, à la Gazpacho ou à la… Leprous, et par la douleur ressentie dans la voix de Solberg. Titre très intéressant, il est à écouter en détails pour bien cerner sa construction. I Lose Hope est le pendant électro-pop du Permanating de Steven Wilson. Sous influences de Radiohead (comme Observe The Train) ou de Depeche Mode, le titre reste attirant malgré sa rythmique disco-pop. En fait c’est avec ce titre et les suivants que l’on va pouvoir mieux visualiser le rapprochement de la musique de Leprous avec celle produite par Muse. Entre rock électro si bien construit qu’on ne peut pas lui en vouloir d’être abordable (By My Throne, At The Bottom) et ballade aussi mélodieuse que mélancolique (Observe the Train, Alleviate, Distant Bells), Leprous nous emmène sur un territoire qui a déjà longuement été exploré par leur glorieux prédécesseur. Mais là ou d’autres se sont arrêtés en surface, on a l’impression que les Norvégiens creusent et cherchent d’autres explications. Prenez le temps d’écouter et de réécouter By My Throne. C’est complexe, construit comme une cathédrale, lumineux et sombre, serein et tourmenté. Un titre exceptionnel qui précède un Alleviate trop Coldplay à mon goût. Les quelques fulgurances d’At The Bottom et les gammes vocales de Solberg exprimées sur Distant Bells ouvrent la porte à une fin qui va être, comme je vous l’ai déjà annoncé, plus lourde. Foreigner est finalement le titre le plus traditionnel (et peut-être pas le plus stimulant…) de l’album. Mais là encore, la structure, avec des ajouts électro très visibles, des gammes musicales multiples, ainsi que la puissance enfin retrouvée de Leprous font le job. The Sky Is Red est selon moi le plus grand titre de l’album. Onze minutes trente de bonheur, de recherche, d’instabilité. Du metal progressif comme on veut en entendre, qui permet d’apprécier le travail exceptionnel et le rôle capital des instruments, batterie en tête.

A l'écoute de ce Pitfalls, l'interrogation, pour savoir qui du style du progressif ou du genre metal est le plus important, reste entière. Et comme dans certains albums progressifs, et en fonction de vos goûts, celle-ci trouvera certainement plusieurs réponses tout au long des cinquante-cinq minutes d’écoute. Pour moi, Pitfalls est un must. Un disque que l’on se doit d’écouter, même si on ne va pas aimer tous les titres. Oui, je regrette le manque de punch et, pour ainsi dire, l’absence sur trente-cinq minutes du duo guitare-basse. Mais quelle qualité de composition ! Quelle structure musicale exceptionnelle ! Avons-nous besoin de nouveaux Muse ou encore Coldplay ? Peut-être pas si c’est pour faire la même chose. Mais si c’est pour trouver d’autres voies, oui, définitivement. Ce que je pense, c’est que Pitfalls va permettre à Leprous de régner sur un territoire encore un peu plus vaste. Moi, je sais déjà qu'il va régulièrement passer entre mes oreilles. Ecoutez-le, et laissez-vous attirer dans son sillon.

 

Tracklist de Pitfalls :

01. Below
02. I Lose Hope
03. Observe The Train
04. By My Throne
05. Alleviate
06. At The Bottom
07. Distant Bells
08. Foreigner
09. The Sky Is Red 

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