En 2000 tomba la news qui fit un sacré bruit dans Landerneau (et ailleurs aussi) : les membres d’Angra se séparaient. Ce qui signifiait la fin des espoirs pour ce groupe, chouchou des métalleux français, pourtant promis à un avenir radieux, même si le dernier album en date, Fireworks, n'avait pas été à la hauteur des attentes engendrées par les deux premiers opus du groupe, Angels Cry et Holy Land.
En fait, c'est plus une scission qu'une séparation qui a eu lieu. D'un côté, Rafael Bittencourt et Kiko Loureiro, les deux guitaristes ont gardé pour eux le nom de Angra et promettent de réunir un nouveau line-up ; de l'autre, la figure de proue du groupe, le chanteur Andre Matos et sa section rythmique, Luis Mariutti (basse) et Ricardo Confessori (batterie) sont en route pour de nouvelles aventures au sein d'un nouveau projet, Shaman (du nom d'un morceau de Holy Land). Et c'est tout simplement le frère de Luis, Hugo Mariutti, qui est pressenti pour la place de guitariste.

Et ce nouveau groupe a tout de la continuité artistique d'Angra, comme on va très vite s’en rendre compte à l’écoute de l’album.
Le voyage commence avec la superbe et longue intro Ancient Winds, aérienne, symphonique, exotique et ethnique, digne d’une BO de film, qui nous emmène déjà en terre inconnue. Une belle entrée en matière qui débouche sur le riff terrassant d’un titre speed, comme le veut la tradition (voir les deux premiers albums d’Angra). Les musiciens présentent d’ailleurs ce morceau comme un hommage à leur passé musical. Il faut dire qu’on est dans la droite lignée du travail d’Angra. Les touches symphoniques sont là (notamment sur la partie centrale du titre), on retrouve la patte d’Andre Matos derrière la composition des parties orchestrales. Here I Am, c'est le titre de ce morceau. Comme si Andre prévenait ses ex-partenaires de Angra qu'il était de retour et que ça allait faire mal !
Mais c'est le morceau suivant, le fantastique Distant Thunder (quelle rythmique ! quel refrain ! quel solo !) qui va véritablement nous faire comprendre où en sont les choses. Comment dire ? Fireworks n'est déjà plus qu'un (mauvais) souvenir et le piètre Rebirth que la nouvelle mouture d'Angra a sorti l'année précédente est totalement enfoncé. Et quel plaisir de retrouver la voix d'André au top. Il nous avait manqué, le bougre ! Car si Angra ne semble plus faire du Angra, Shaman, lui, s’y emploie de la meilleure des façons.
Vous l'avez compris, Ritual s’impose comme le digne successeur de Holy Land. C’est confirmé par la suite, notamment avec les superbes For Tomorrow et son intro ethnique à la flûte de pan - encore un morceau doté d’un refrain magnifique -, la belle ballade Fairy Tale et ses chœurs liturgiques ou Blind Spell et ses percussions tribales. On y retrouve toute la créativité que l’on avait pu découvrir sur les deux premiers albums d’Angra. Les divers arrangements musicaux, présents sur quasiment chaque titre, ont été peaufinés dans les moindres détails et la production de Sascha Paeth est au dessus de tout reproche. Un petit mot aussi sur le travail de Hugo Mariutti à la gratte qui fait plus que se défendre (là où chez Angra, il y avait deux guitaristes), balançant des riffs bien heavy.
On n’oubliera pas de citer les sympathiques Time Will Come avec sa rythmique galopante et Over Your Head avec en invité, pour jouer le solo de synthé, Derek Sherinian. On n'oubliera pas non plus le titre éponyme qui s’éloigne un peu plus des racines musicales évoquées en long et en large au cours de cette chronique mais qui s’intègre complètement au reste, ajoutant juste la petite touche d’originalité et de modernité qui va bien.
On termine sur un Pride bien speed et agressif, où l’ami Tobias Sammet vient donner la réplique à Andre. Un juste retour des choses, Andre vient, lui, de participer aux deux premiers volets d’Avantasia, le gros projet opéra metal de Tobias.
Ainsi s’achève Ritual, un album riche musicalement et varié. C’est une réussite totale, aucun titre n’est de trop.

Hélas, la revanche de Matos sur ses ex-partenaires sera de courte durée puisque dès l’album suivant, non seulement Angra va redresser la barre (avec Temple Of Shadows) mais Shaman ne va pas confirmer avec un Reason (2005) en demi-teinte qui suivait une voie très différente, pas forcément celle que l’on attendait. Du coup, c’est la déception pour ceux qui espéraient la suite de Ritual. Etait-ce le bon choix de changer de style ? L’avenir a donné raison à ceux qui pensaient que Shaman aurait dû rester dans les traces du Angra des années 90 puisque le groupe va perdre son aura et finalement, les dissensions au sein du combo conduiront à une nouvelle explosion (décidément, l’histoire se répète avec les Brésiliens), Matos et les frères Mariutti foutant le camp et laissant Ricardo Confessori seul avec le nom du groupe.

A noter pour les collectionneurs que la première édition du CD est sorti sous forme de coffret limité à 5000 exemplaires comprenant un poster, cinq cartes postales dédicacées (dont une contenant un message écrit en français par Andre, histoire de ne pas perdre le lien fort qui unissait Angra à la France), un autocollant et un médiator. Collector !

Tracklist de Ritual :

01. Ancient Winds
02. Here I am
03. Distant Thunder
04. For Tomorrow
05. Time Will Come
06. Over Your Head
07. Fairy tale
08. Blind Spell
09. Ritual
10. Pride