Groupe:

Operation:Mindcrime

Date:

18 Décembre 2015

Interviewer:

Blaster & Evanessa

Interview Geoff Tate (face à face)

Salut Geoff et merci de consacrer un peu de ton temps au webzine auxportesdumetal.com.

Salut, le plaisir est pour moi. C’est parti.

Ok, on va se dépêcher car il me semble que tu ne vas pas tarder à aller dîner. Nous allons donc manquer de temps. Parlons d’abord de ta trilogie qui a débuté avec l’album "The Key", qui est sorti au mois de septembre. Qu’en est-il des suites ? As-tu bien avancé dans la préparation des prochains épisodes ?

Le second est fini et le troisième est terminé à 85%.

A quoi doivent s’attendre tes fans sur le plan musical ? S’agit-il d’une suite logique ou y aura-t-il des surprises ou des changements ?

Ce sera… (longue pause)… Je ne sais pas vraiment… J’ai du mal à décrire le résultat. Je ne pourrais pas écrire d’article sur la musique car la simple idée de la décrire me hérisse le poil. Pour moi, il s’agit d’une chose indescriptible. La musique provoque des émotions et je ne parviens pas à lui donner une étiquette. En tout cas, je peux dire qu’en matière de composition, les morceaux sont très différents de ceux du premier album. Nous avons essayé différentes choses, nous avons développé nos arrangements, nous avons composé de plus longs morceaux et de plus longs passages. L’instrumentation est également plus riche. Voilà le genre de choses que nous avons modifiées.

Le premier album d’Operation: Mindcrime a réuni de nombreux musiciens. Allez-vous procéder de la même façon pour votre prochain opus ou doit-on s’attendre à un line-up plus réduit ?

Oui, les membres sont les musiciens présents pour cette tournée.

Je suis curieux de savoir comment s’est organisée ta collaboration avec Dave Ellefson et ce qui l’a amené à composer une chanson pour ton premier album ? Il s’agit bien du morceau "Re-inventing the Future", n’est-ce pas ?

J’étais dans un avion lorsque je l’ai rencontré. Je devais me rendre en Amérique du Sud pour un concert. C’était la première fois que je le voyais. Nous avons discuté de musique, de nos familles, de nos enfants, de toutes les choses de la vie… Nous avons passé 18 heures ensemble dans cet avion (rires) ! Nous avons passé du temps ensemble pendant le vol à l’aller mais aussi au retour. Nous avons donc discuté de nos différents projets et une semaine après mon retour j’ai reçu un email dans lequel il me disait : ‘J’ai réfléchi au sujet de ton album et j’ai eu une idée, penses-tu que cela pourrait fonctionner ?”

Avez-vous invité d’autres artistes à participer aux prochains épisodes de la trilogie ?

Oui... Mais je ne peux encore rien dire à ce sujet, ha ha ! C’est trop tôt.

Peux-tu nous donner des précisions sur les dates de sorties des épisodes qui succèderont à "The Key" ?

Eh bien, si tout se passe comme prévu, la deuxième partie devrait sortir en septembre prochain. Et le dernier épisode devrait être disponible en septembre 2017.

As-tu prévu de donner des concerts spéciaux pour jouer les trois albums en intégralité lorsque tous les épisodes seront sortis ?

Oui, ça me plairait beaucoup. Je pense que tous les musiciens rêvent de jouer leur dernier album en intégralité car on ressent beaucoup d’enthousiasme et d’excitation lorsqu’on dévoile ses dernières créations. Malheureusement, le public a souvent du mal à apprécier immédiatement les nouveaux morceaux. Les fans ont besoin de temps pour les découvrir, les comprendre et les assimiler pour qu’ils puissent finalement faire partie de leur vie... On a donc rarement la chance de jouer nos nouveaux morceaux aussi souvent qu’on le voudrait, car il faut d’abord prendre le temps de les présenter aux fans.

Oui, ma prochaine question porte justement sur ce sujet. La musique est évidemment une passion mais c’est également un business. Lorsque tu pars en tournée, est-ce facile de trouver un équilibre entre tes obligations et les choses que tu aimes faire ?

Lorsque nous jouons les morceaux favoris de nos fans, je suis vraiment heureux de les entendre chanter avec moi. C’est un bonheur indescriptible… Lorsque cela arrive, j’aimerais que le temps s’arrête. Nous voulons avant tout captiver nos fans. Nous ne voulons pas les voir regarder leur montre, partir acheter une bière ou quitter la salle parce qu’ils ne connaissent pas les morceaux. Ce n’est jamais facile de savoir à l’avance ce qui plaira aux gens. Les attentes du public sont également différentes selon les pays. Les fans européens et les fans américains ont des goûts très différents. Nous sommes donc obligés d’essayer de deviner ce que le public a envie d’écouter et nous devons donner le meilleur de nous-mêmes. Après cette tournée, j’en saurai davantage sur les attentes du public européen et je pourrai donc plus facilement préparer la setlist de notre prochaine tournée.

La musique que tu composes n’a vraiment rien en commun avec les vieux morceaux de Queensrÿche, tu continues d’évoluer et de faire de nouvelles expériences, pourtant ton groupe s’appelle Operation: Mindcrime. N’est-ce pas un peu ironique ? Cette contradiction est-elle issue d’un choix délibéré ? A moins que cela n’en soit pas une à tes yeux ?

Eh bien, j’ai voulu choisir un nom qui plairait à mes fans, quelque chose qui leur serait familier. Je suis devenu célèbre grâce au temps que j’ai passé au sein de Queensrÿche et je tenais à choisir un nom que les fans puissent reconnaître immédiatement. Ce nom est également pour moi un moyen d’avertir les gens que je souhaite raconter des histoires et composer des albums conceptuels, même si "The Key" n'est évidemment pas "Operation: Mindcrime III"...

Ok. A présent j’aimerais en savoir plus sur ta réputation plutôt controversée. Tu sais que tu es considéré comme un personnage assez controversé au sein la communauté metal, n’est-ce pas ?

Vraiment ?

Oui, j’imagine que tu es au courant. Après les dernières années que tu as passé avec Queensrÿche et la séparation, etc... Tu as de nombreux fans et également des détracteurs. Sur internet, tu peux voir que tes albums, tes choix et ton comportement ont provoqué de nombreuses réactions et de nombreuses disputes durant ces dernières années… Comment as-tu géré tout cela ?

En fait, je ne suis pas vraiment au courant ; je ne fais pas vraiment attention à ce qu’il se passe sur internet. Tu vois, j’ai débuté la musique à l’âge de neuf ans, j’ai fait partie de plusieurs orchestres à l’école, après ça j’ai créé des groupes de rock, et depuis mon enfance ma philosophie dans ce domaine a toujours été : “écris et compose en fonction de ce que tu ressens”. J’ai toujours travaillé ainsi, je ne connais pas d’autre méthode. J’ai toujours composé en fonction de mon ressenti. J’ai toujours fais ce qui me plaisait, sans chercher à satisfaire les autres. Si je l’avais fait, j’aurai fini par passer ma vie à chercher comment satisfaire tout le monde, mais le résultat aurait forcément déplu à quelqu’un et cela serait devenu une quête sans fin…

De toute façon, quoi que tu fasses, il y aura des critiques. Si tu changes, tu décevras les fans qui veulent écouter toujours la même chose. Et si tu ne changes pas, d’autres personnes diront que tu fais toujours la même chose, n’est ce pas ? De nos jours, on a l’impression qu’une grande majorité du public a envie d’écouter des choses qu’ils connaissent et qu’ils apprécient déjà. De nombreux groupes jouent leurs anciens albums en intégralité sur scène. Ils organisent aussi des concerts spéciaux ou "anniversaires"… Apparemment, il en va de même pour Operation: Mindcrime car tu joues de nombreux classiques de Queensrÿche sur scène.

Et bien, c’est aussi pour donner envie aux fans de venir assister aux concerts. Cela reste un véritable défi malgré tous les moyens de communication disponibles au 21ème siècle. Tenir les gens informés de votre situation, de ce que vous allez faire, des endroits où vous allez jouer, de la composition du line-up... fournir toutes ces informations aux gens est un défi que tous les groupes doivent relever. Tous les groupes doivent jouer ce que les fans veulent entendre tout en jouant ce qui leur plait, ils doivent également moderniser leur image. Pour ma part, en tant qu’artiste, cela fait bientôt quarante ans que je fais tout ça. Seize albums, cent quatre-vingt chansons, une grande expérience de la vie…Voilà où j’en suis. Par quoi doit-on commencer ? Que peut-on choisir ? Les événements majeurs de votre carrière ? Cela semble être un choix logique. Mais certaines personnes ne s’y intéressent pas… Et bien désolé, c’est comme ça et pas autrement (rires). J’ai presque soixante ans, ha ha ha ! Il s’agit de ma vie. C’est l’œuvre de ma vie, je dois jouer quelque chose !

Actuellement, les gens réclament de plus en plus d’albums live et notamment des DVD ou blu-ray live… un de ces projets est-il en préparation pour Operation: Mindcrime ?

Non, je déteste ça.

Vraiment ? Pourquoi ?

Je ne sais pas, il y a trop de choses à gérer. Je préfère profiter de l’instant présent en toute liberté sans devoir me soucier de mon apparence ha ha ha… de l’angle de vue… et sans me demander si on voit mon gros ventre, ha ha…

Etait-ce la même chose lors de l’enregistrement de tous les DVDs de Queensrÿche sur lesquels tu figures ?

Oui, je n’ai jamais aimé ça. J'aimerais mieux être filmé sans le savoir, sans qu’on m’en parle ! Ha ha ha... Lorsqu’on doit se produire sur scène, il est important de mettre en condition, psychologiquement parlant. Il faut bien se préparer car il s’agit d’une performance. On commence par jouer plusieurs morceaux pour s’échauffer, et après ça, on passe à d’autres chansons qui sont plus difficiles et qui demandent plus d’effort et de souffle... On organise un concert de manière à donner le meilleur de soi-même. Cela demande beaucoup de travail et il est important de rester concentré.

Operation: Mindcrime est à présent ton groupe principal, as-tu d’autres projets en cours ?

Oui, beaucoup de choses plutôt variées. J’aime bien participer à différents projets, j’aime travailler et collaborer avec différentes personnes. J’ai récemment travaillé avec Tobias Sammet sur un morceau pour Avantasia. C’était une super expérience. J’ai aussi travaillé avec Dave Ellefson, tout s’est aussi très bien passé. Ce genre de chose me plaît beaucoup, je suis vraiment ouvert à tout type de proposition.

Je vais maintenant devoir te poser une question au sujet de Queensrÿche. Je sais que ce n’est pas un sujet très agréable à aborder mais c’est vraiment difficile de l’éviter. Nous savons que ces dernières années n’ont pas été faciles à cause de la séparation et tout ce que cela a provoqué par la suite… Comment gères-tu tout cela aujourd’hui ? Peut-on dire que tu t’en es remis ?

(Long silence) Je ne crois pas que je m’en remettrai. Pas complètement. Bien sûr, ma vie a repris son cours. Ces derniers temps, j’ai été très occupé par mes activités créatives, les nouveaux albums, les tournées… Mais tu sais, lorsque tu dois surmonter ce type de trahison, tu as du mal à t’en remettre. Je ne pense pas que j’y parviendrai un jour. Ca laissera une trace indélébile. C'est vraiment dommage car je pense que ce que nous avons créé lorsque nous étions tous ensemble était vraiment quelque chose de spécial et notre travail n’a pas reçu le respect qu’il mérite. Les choses auraient pu être différentes…

J’ai beaucoup d’autres questions à te poser mais je pense que nous n’avons plus beaucoup de temps…

Ouais, c’est l’heure du dîner !! Ha ha ha !!

Je te laisse donc conclure cette interview. As-tu un message ou autre chose à ajouter ?

Et bien, c’est dommage ne pas pouvoir continuer cette interview mais en tout cas, toutes les choses dont je n’ai pas eu le temps de parler seront incluses dans mon prochain livre (rires) !!

Oh vraiment ? Ce livre sera-t-il bientôt publié ?

Oui, l’année prochaine, au printemps.

Ok, merci de m’avoir consacré un peu de ton temps.

Ce fut un plaisir. Merci de ton soutien.