Heavy Duty

Date

12 Décembre 2014

Interviewer

Didier

I N T E R V I E W

Interview Chris et Ivan


Bonjour à vous, pouvez-vous nous présenter le groupe pour les lecteurs qui ne vous connaissent pas ?

Chris : A la base, Heavy Duty s'est formé fin 2008 avec Alain que je connais depuis au moins 25 ans. On s'était toujours dit qu'on ferait quelque chose ensemble et quand je suis redescendu de Paris, on en a discuté et on a commencé à écrire des titres et à chercher d'autres partenaires. Au départ, on a trouvé une chanteuse et un bassiste, qui était en l’occurrence son mari, et on a sorti notre premier album. On en a fait la promo pendant un an. Au bout d'un an, on s'est aperçu que musicalement nous n'étions pas sur la même longueur d'onde. En plus, on n'avait jamais vraiment penser faire au départ avec une chanteuse, on a essayé et ça marchait bien, mais c'était pas notre but au départ. Donc on s'est séparé et on est reparti sur une nouvelle formule avec Ivan au chant et Olivier à la basse. On connaissait bien Olivier qui était dans l'ancien groupe d'Alain, Respect.

Vous êtes basés à Toulon, ville plutôt connue pour son arsenal, c'est aussi une bonne terre de metal ?

Chris : Objectivement, non. Moi qui aie roulé ma bosse un peu partout, je te le confirme. Déjà, en France, quand tu fais du metal, c'est pas facile et il y a vraiment peu de groupes français qui ont vraiment réussi à faire quelque chose et à en vivre. Mais en plus, quand tu es dans le Sud, c'est encore moins facile. Mais bon, à la limite, c'est pas vraiment le problème. Pour un groupe régional, il faut déjà se faire connaitre au niveau national. C'est ce qu'on essaye de faire. Essayer d'aller jouer ailleurs, de promouvoir correctement son album et de grossir le noyau de fans.

Et après deux albums avec Ivan, toujours convaincus que c'était le bon choix de changer radicalement le groupe ?

Chris : Plus que jamais. Encore une fois, je ne critique pas. Michaëlle était une bonne chanteuse et il n'y avait aucun problème à ce niveau-là. C'est juste que humainement, on a eu du mal à être en phase, et comme nous avions au départ l'idée d'avoir un mec au chant... voilà quoi !

Aujourd'hui, vous avez déjà trois albums sous la ceinture, mais surtout une grosse réputation de groupe live. Expliquez-nous ça.

Chris : A la base, on a construit cette bonne réputation avec la première formation. On a mis une bonne année à roder le truc et à avoir un truc solide. Et du coup, fin 2010, on avait déjà une bonne réputation live. Aujourd'hui, ça s'est encore amélioré grâce aux performances d'Ivan, que ça soit vocalement ou sur scène où il envoie le boulet. C'est encore mieux. Pareil pour Olivier, c'est sur scène qu'il s'éclate le mieux, c'est un mec qui bouge et qui s'éclate. L'osmose que nous avons dans Heavy Duty aujourd'hui avec les quatre membres actuels, c'est quelque chose que tu ne trouves pas souvent dans une formation. Tu peux me croire, j'en ai fait pas mal, et j'ai jamais eu ça. Aujourd'hui on est vraiment en phase.

J'ai vu que vous aviez joué, par exemple à l'été 2013, dans un Bike show pour le cent-dixième anniversaire Harley Davidson, en ouverture de Mass Hysteria. Tu as de bons souvenirs de cette soirée ?

Ivan : Ouais, c'était une belle idée à la base, montée par un gars un peu fou, mais qui, malheureusement pour une première édition, a peut-être eu les yeux plus gros que le ventre. Mais en terme de fréquentation, c'était un peu décevant. Attention, pas pour nous car on a bien joué devant 500 ou 600 personnes. Nous, on a pris énormément de plaisir en tout cas. Les mecs de Mass Hysteria sont hyper cool et accessibles, on a bien partagé. Par exemple, je suis allé cherché leur ingé son à la gare de Aix car il y avait des galères de trains à ce moment-là, bref on s'est bien dépanné. Et puis nos deux musiques ont bien collé et c'était cool de jouer devant leur public.

Chris : Ce qu'il faut ajouter à la décharge du mec qui organisait, c'est que des groupes comme Mass Hysteria ou Loudblast ont l'habitude de jouer devant 1000 ou 1200 personnes et quand ils viennent sur Nice ou Marseille, ils ont du mal à faire 300. Ca nous ramène à la question précédente sur le Sud et qu'il est difficile d'y faire bouger les gens, y compris sur un festival de bikers.

Ivan : Il n'a pas non plus été aidé par les communes et la région, le pauvre, il n'a même pas eu le droit d'afficher pour faire sa promo. Ca aide pas pour un festival avec trois scènes et soixante groupes sur deux jours. Parce que, là, facebook ne suffit plus.

Je vous ai vus au Korigan à Luynes, je ne vous connaissais pas et je venais pour Sticky Boys, vous m'avez sérieusement impressionné. J'ai écrit que Ivan semblait possédé sur scène. Tu peux m'expliquer l'état d'esprit que tu as quand tu entres en scène ?

Ivan : C'est simple, avant de monter sur scène avec Heavy Duty, je n'ai qu'une envie, c'est que les gens qu'on a devant nous repartent avec un putain de mal de nuque. C'est un peu l'état d'esprit d'un combattant, d'un boxeur, j'ai envie de donner tout ce que j'ai et d'envoyer mes tripes, c'est vraiment un exutoire pour moi. C'est parfois même un peu mon défaut aussi et les copains sont parfois là pour me calmer un peu, car j'ai tendance à l'excitation, et ça peut parfois parasiter le chant.

Pourtant c'était pas la foule des grands soirs mais j'ai cru que tu jouais pour deux mille personnes. T'arrives à te sublimer même pour 30 gugusses ? Bravo !

Ivan : Chez Heavy Duty c'est comme ça. Il nous arrive d'être dans notre local de répétition pour préparer un set, et de bouger autant que sur scène avec des gens. On a vraiment le gout de la scène et on arrive à se projeter devant un public.

Chris : Ca rejoint ma remarque sur l'osmose dans le groupe. Dès qu'on branche les amplis et que je m'assois derrière la batterie, il se passe quelque chose, on joue et on est là pour s'éclater, même sans public.

Vu les méchancetés que tu balançais à Luynes sur les footballeurs, vous devez être fans du RC Toulon ?

Ivan : Même pas ! Olivier oui, c'est un fan. Mais on a eu aussi des dates qu'un match du RCT nous a pourri. C'est arrivé. Non mais ce qui m’énerve le plus, c'est que les gens râlent qu'il ne se passe jamais rien, mais quand tu organises des trucs, il n'y a personne qui vient.

Je note au passage que Ivan a un excellent accent anglo-saxon, il a un secret ?

Ivan : Mon secret c'est que j'ai vécu dix ans avec une anglaise et que du coup je suis devenu bilingue. Je me suis même marié en Angleterre aussi. Mon ex-femme aujourd'hui m'a toujours aidé par rapport à l'anglais, comme je suis quelqu'un qui n'a pas peur de demander des corrections, j'ai progressé. On a aussi Laurence, qui a fait des études d'anglais, qui m'aide avec les textes en anglais. Nous sommes un groupe qui aime être dans l'exactitude et la précision. Si on a un doute, on cherche et on corrige, on ne laisse rien passer.

J'ai vu surtout des gens qui vous comparent à Pantera. Mais moi, j'entends plus Stone Sour ou Five Finger Death Punch. Un son plus moderne. Oui, non ?

Ivan : Ben merci, ça me fait plaisir d'entendre ça.

Chris : Stone Sour est une grosse référence pour nous. Si t'écoutes ce qu'ils ont fait dans les dernières années, c'est, sans évidemment copier, ce qu'on a envie de faire dans le style, cette idée de faire mélodique et un peu plus sophistiqué. Pas forcément bourrin mais quand même capable, comme le fait Corey Taylor, d'envoyer du lourd. Five Finger Death Punch c'est pareil, y'a de la patate, de la mélodie de chant, des bons solos, c'est nickel.

Ivan : Pour moi Pantera, musicalement, reste une des plus grosses gifles de ma vie de musicien. C'est vrai que j'ai pas mal été influencé par Phil Anselmo, même au niveau de l'attitude sur scène, il y a clairement un petit lien. J'adore ça. Mais comme j'adore aussi chanter mélodique, c'est vrai que Stone Sour, ça me plait aussi. Corey Taylor est incroyable, il braille dans Slipknot, il est monstrueux, mais tu lui donnes une guitare acoustique et il te chante une ballade qui te fout les poils comme ça. Tout ça, ce sont des émotions, mais différentes manières de les exprimer.

Parlons un peu album, avec le dernier en date "Built To Resist Vol1". "Built to resist", "Heavy duty", il y a une thématique "Carterpillar" chez vous, ca tourne à l'obsession ou quoi ?

Chris : Non c'est pas vraiment une obsession. C'est simplement que dans la région dans laquelle on vit et le pays dans lequel on habite, il faut avoir une sacrée dose de motivation et de détermination pour faire quelque chose dans le metal et ne pas jeter l'éponge au bout de trois ou quatre ans. je pense que ça vient de là. Si à 40 ou 45 balais, sauf Ivan qui est un peu plus jeune que nous, on est toujours là, après vingt ans passés dans divers groupes de metal, c'est que, oui, on ne lâche rien, on y croit et on aime ça. D'où le nom, c'est du costaud, du fait pour durer.

Ivan : C'est un peu notre laïus. Quoi qu'il arrive, quelques soient les conditions, on a jamais lâché le morceau. Il y a eu des moments difficiles, dans la carrière du groupe et dans nos vies privées respectives, mais à chaque fois qu'on retourne au local, il se passe toujours le même truc. C'est ça qui fait tout tenir. Et tant qu'on a cette flamme à l'intérieur, c'est une évidence pour nous.

Chris : C'est aussi la seule solution pour arriver au statut de groupe national qui compte, comme il y en a une vingtaine en France. Il ne faut rien lâcher, c'est sur la durée.

C'est un Volume 1, tiens comme Stone Sour et Five Finger Death Punch, vous avez tous eu la même idée ou quoi ?

Ivan : Ouais on a invité Corey a bouffer et cet enfoiré nous a piqué l'idée. [rires]

Chris : C'est vrai que c'est étonnant. Autant pour Stone Sour on le savait, et donc on pourrait dire qu'on s'en est inspiré, mais pour Five Finger Death Punch on ne savait pas. C'est vrai qu'on se retrouve un peu avec le même schéma. Au final, je crois que c'est comme eux, toute proportion gardée bien sûr, mais on avait beaucoup de morceaux et ils allaient bien ensemble. Et plutôt que de sortir un disque avec quatorze titres et d'en laisser cinq ou six de côté, et puis un an ou deux après, alors que tu a écris de nouvelles choses, ceux-ci ne représentent plus l'image du groupe. On s'est dit qu'on allait faire deux volumes, même si c'est compliqué, et qu'il faut réinvestir.

Ivan : On a capturé un instant, on a enregistré beaucoup de choses. En les réécoutant, tout faisait du sens. On a fait du tri bien sûr, mais on avait beaucoup de morceaux qui nous plaisaient et qu'on ne voulait pas lâcher, qu'on s'est dit "qu'est ce qu'on a perdre ?" On ne joue pas notre vie. On joue sur nos envie, on le fait point barre.

Raconte-nous un peu cet album alors ? C'est finalement le premier composé avec Ivan, car sur "Second Coming" tout était déjà écrit avant qu'il n'arrive.

Chris : Un peu plus de la moitié était déjà écrite, en effet.

Ivan : En fait, les riffs partent d'Alain et Chris qui travaillent beaucoup ensemble. Ils m'envoient des enregistrements, je trouve des lignes de chant, on se retrouve au local, on fait tourner ça, on réagence les choses, chacun donne son avis, apporte ses idées, des détails en plus, en moins ; après je trouve les textes et on fait les préprods comme ça. Les idées fusent de partout. C'est démocratique dans ce groupe. Il n'y a pas d'ego mal placé dans le groupe. Mon batteur peut me dire à n'importe quel moment qu'il avait une autre idée pour une ligne de chant. Et réciproquement.

Chris : C'est le bénéfice de l'age. A vingt-cinq ans t'es comme un coq sur un tas de fumier. A quarante et quelques, tu sais qu'il faut écouter les autres, c'est mieux non ? [rires]

Votre album sort chez Send The Wood Music, comment ça se passe avec eux ?

Chris : On va dire que ça peut toujours être mieux. Mais c'est dur pour tout le monde. C'est dur pour les groupes, les distributeurs, c'est dur de vendre des disques. On s'attendait peut-être à un peu mieux, mais finalement on a ce qu'on mérite. Nous on se bouge, eux ils suivent...

Ivan : Ce qu'on peut reprocher aux labels français en général, c'est qu'ils jouent la carte de la multiplicité des groupes plutôt que de se concentrer sur des choses de valeur avec des gens motivés. Attention, je ne dis pas que les autres ne sont pas de valeur, mais il y a énormément de groupes qui sont signés mais qui ne sont pas là dans la durée. Tout ça, ça prend du temps à des petites structures, qui n'ont plus assez de temps à accorder à des gens comme nous, qui nous bougeons le cul, qui investissons notre pognon dans le truc, qui faisons des doubles albums, qui démarchent... Il y a tellement de groupes que les gars, ils sont deux ou trois, et ils s'éparpillent.

Est ce que l'album est diffusé à l'étranger ?

Chris : Pour l'instant, on attend toujours. Pourtant je pense que nous avons un style qui n'est pas trop ce qui marche en France, où c'est plutôt les groupes extrêmes qui marchent, mais qui plairait bien chez les Américains. Certains autres pays pourraient être intéressés par ce qu'on fait : l'Allemagne, les pays nordiques, les pays de l'Est.

Ivan : On cherche encore le réseau pour faire ça. Le label n'en est pas encore capable.

Les albums précédents, ont-ils marché ?

Chris : On a eu de bonnes critiques, ça fait plaisir, mais commercialement ça n'a pas fait grand chose. Tu vends surtout sur les concerts.

Au final arrivez-vous à vivre de votre musique ?

Chris : On a presque tous des métiers dans la musique. Alain donne des cours de guitare, Ivan est chanteur professionnel, il est intermittent, Olivier fait de la musique pour les enfants, de la musique à l’hôpital. Le problème n'est pas la disponibilité, le problème est qu'on a pas assez de date. Si on devait partir dix jours, on le ferait.

Vous allez défendre cet album à l'étranger ?

Chris : Pas encore prévu.

Une chance de vous voir fouler les planches de nos gros festoches cet été ?

Chris : Quelques plans, mais rien de concret encore. Mais on aimerait bien avoir quelques plans qui nous permettraient de jouer ailleurs que dans notre région, et devant un public vraiment metal. C'est ce qui nous manque.

Ivan : Pour les gros festoches, il faut avoir des contacts. Sinon il y a aussi les support tour qu'on peut nous proposer mais il faut faire gaffe, il y a des plans à deux balles. Les mecs te demandent 300 ou 400 Euros par date à leur verser et en plus, il faut suivre en courant derrière le camion. C'est la grande mode en ce moment. On nous a déjà proposé des plans entre 7000 et 15 000 Euros. Des fois ça inclut le bus mais pas toujours. C'est compliqué. Mais bon, si on nous demande demain de faire des premières parties de Stone Sour pour 5000 balles, on y réfléchira très sérieusement.

Quels sont les autres plans pour le groupe ?

Chris: On va bosser sur le mixage du Volume 2. Tout est enregistré déjà. Il sortira courant 2015.

Merci et bon concert !

Merci à vous.

 


Venez donc discuter de cette interview, sur notre forum !