SUP / Supuration

Interview date

05 Mai 2012

Interviewer

Hellblazer

I N T E R V I E W

Interview Ludovic Loez (par mail)


Ludovic, un nouvel album est sur le point de sortir sous l'entité Supuration ; peux-tu nous en dire quelques mots sur le concept, la réalisation et la date à laquelle il sera disponible ?

En effet, le troisième et dernier album de Supuration, CU3E, est mixé, enfin ! J'attends le mastering pour finaliser le projet. Ce dernier album est celui qui termine la trilogie de The Cube, où l’on retrouve le personnage principal de l’album The Cube, réincarné dans un univers très loin du nôtre, entouré de machines... Un récapitulatif de toute l’histoire sera bientôt disponible sur le net en français. Cet album a été composé il y a trois ans maintenant, nous avons enregistré la batterie l’année dernière et je me suis occupé des guitares et des chants à l’automne dernier. Je n’ai pas de date de sortie prévue pour le moment, tout ce que je peux te dire c’est qu’il y aura probablement une version dite officielle de l’album en digipack et une ou plusieurs versions vinyls ne comprenant que des chants «growls», pas de chants mélodiques, et avec un mixage différent.

Comment fonctionne le processus de composition et d’enregistrement du groupe ? Avez-vous un modus operandi bien rodé ou bien cela dépend-il des albums et des humeurs ?

De manière générale je m’occupe de la composition des chansons. En ce qui concerne l’écriture, cela varie... Sur Hegemony, par exemple, j’ai écrit l’histoire, mais pour le dernier Supuration, c’est Fabrice, mon frère, qui s’en est chargé ; il avait d'ailleurs déjà écrit le prequel Incubation. Nous essayons d’être cohérents dans l’écriture, rien ne sort si plus de 50% du groupe a un doute sur le concept.

Vous apportez un soin extrêmement minutieux à vos œuvres, mais également à vos pochettes de disques et plus largement aux digipacks somptueux, ce qui pour les fans reste un vrai bonheur, puisque le visuel souligne et complète l’auditif. Mais ne penses-tu pas que dans notre époque de téléchargement massif, cette orientation aille dans le sens inverse des tendances (Rob Zombie, par exemple, qui apporte également un grand soin visuel à ses disques, a déclaré que sa prochaine livraison serait en téléchargement) ?

Tout cela reste assez obscur pour nous. Je pense que quand on aime un groupe, on achète l’album, en tout cas c’est ce que je fais encore maintenant. Cela dit, je ne suis pas de la génération 2000, donc on verra bien. Je ne suis pas contre le téléchargement mais il faut que ce dernier soit payant (2 ou 3 euros par exemple) afin de protéger les œuvres en elles mêmes. Rien ne remplacera le CD ou le 33 tours au même titre que rien ne pourra remplacer les livres. Il faut vivre avec son époque et ne pas sombrer dans des discussions philosophiques concernant internet et les téléchargements illégaux sur la toile. Les albums de S.U.P/Supuration sont à vendre sur un site russe au prix de 1 euros ! qui fait cela ? on n’en sait rien... Que faire ? on n’en sait rien non plus, c’est comme ça. La musique est un art, les œuvres éditées resteront. Internet, les gens finiront peut-être un jour par s’en lasser...

Quelles sont vos influences musicales majeures ? Pourrais-tu citer ton top albums ?

Nous aimons toutes les musiques bien faites, les idées originales, cela allant du death metal qui est notre influence majeure à la new wave des années quatre-vingts, en passant par certaines musiques classiques, le punk ou encore la musique industrielle. Voici quelques albums que j’apprécie tout particulièrement : Consuming Impulse (Pestilence), Violator (Depeche Mode), The Fragile (Nine Inch Nails), Symphony Of Sickness (Carcass), Clandestine (Entombed). Il y a beaucoup de bons albums sur cette terre... Difficile de faire un choix, mais si je devais sauver cinq albums du feu, je sauverais probablement ceux-là... surtout Pestilence !

Que penses-tu de l’évolution de la scène metal (terme générique) actuelle et quelles ont été les opus qui t’ont le plus marqué ces deux ou trois dernières années ?

Tout va très vite en ce qui concerne les modes "métalliques". Je trouve qu’il y a beaucoup trop de styles différents et parfois on ne s’y retrouve plus, mais il en faut pour tout le monde... Je n’aime pas trop les musiques symphoniques poussées mélangées au death metal... A vrai dire, rien ne m’a vraiment marqué depuis quelques années.

S’il ne te fallait retenir qu’un seul disque de votre discographie, lequel serait-ce et pourquoi ? Et à l’inverse, souhaites-tu « oublier » certaines périodes de votre carrière, voire un disque en particulier ?

Je ne souhaite oublier aucun de nos albums, même si j’ai une affection particulière en ce qui concerne Anomaly, car cela a été un tournant majeur de notre évolution musicale, assez osé pour l’époque pour les ex–Supuration (rires). Chacun de nos albums est différent et a sa propre identité, j’apprécie de les ré-écouter de temps à autres.

Quel est le disque qui vous a donné le plus de difficultés à réaliser ?

Sans hésitation je dirais Angelus. Nous avons eu galères sur galères en studio ou pour les prises... Mais ce sont des choses qui arrivent, rien de bien grave... C’est plutôt marrant quand j’y repense, même si à l’époque nous avons du serrer les dents et nous accrocher pour en venir à bout.

Quel a été (est) ce que tu considères comme votre plus grand succès/satisfaction dans l’aventure S.U.P / Supuration ?

The Cube, notre premier album, reste un très bon souvenir pour nous tous.

Et inversement, avez-vous des regrets et des choses que vous aimeriez changer si vous en aviez le pouvoir ?

Pas de regret sur les choses passées. Peut-être que j’aurais aimé, avec du recul, garder la basse sur scène, au lieu de tenir la guitare, mais à l’époque il a été très difficile de trouver un guitariste ayant la même vision que nous au niveau du jeu (qui est pourtant très simple). Ceci n’est pas un regret mais juste une pensée... Les choses auraient pu être différentes et de toutes manières, la basse ne me manque pas, car j’en joue assez régulièrement pour me faire plaisir.

Vous avez d’autres influences, cinématographiques ou littéraires en l’occurrence, car l’on peut faire des parallèles entre Anomaly et Le Meilleur des Mondes ou encore Matrix (même si vous avez sorti le disque avant que n’existe le film !), entre Imago et La Mouche de Cronenberg, par exemple ? Quelles sont vos références culturelles en la matière ?

Nous aimons beaucoup la science fiction et le fantastique. Je n’ai pas lu Le Meilleur Des Mondes, même si j’en ai beaucoup entendu parler après la sortie de Anomaly. Concernant Imago, l'influence n'était pas La Mouche de Cronenberg, bien que c’est vrai qu'avec la métamorphose d’un être humain en insecte, on fait vite le rapprochement. Voir l'un de nos albums transposés en film me séduit beaucoup... le plus dur à réaliser serait sans doute Chronophobia ; j’aimerai bien voir un réalisateur s’y coller un jour.

Lors d’un précédent échange, tu mentionnais les doutes du groupe d’être allé peut-être "trop loin" pour le public français... Que voulais-tu dire ?

Je pense que nous avons été incompris dans notre démarche artistique et ce depuis Anomaly. Ce n’est pas très grave dans le sens où nous avons pu continuer à avancer et à créer d’autres choses. Nous n’avons pas été bloqués par les critiques, mais nous sommes devenus le groupe dont tout le monde a entendu parler mais dont personne ne parle ! Tout cela est bien expliqué dans Traces Ecrites, l'ouvrage de Jérémie Grima sur S.U.P, qui sortira avant la fin 2012.

Votre public vient-il majoritairement de l’Hexagone, ou avez-vous également de l’impact en Europe et outre Atlantique ?

Notre public est majoritairement français. A l'étranger, nous avons des retours de l’Angleterre, des Etats-Unis et de l’Espagne. A l’époque de Supuration nous avions beaucoup de retours d’Allemagne, mais nettement moins maintenant.

Pourquoi ce choix de ne proposer que des albums concepts (on ne s’en plaint pas, loin s’en faut !) ? D’où viennent vos inspirations pour ces concepts ?

Nous avons toujours aimé les concepts (Pink Floyd, Voivod... tiens, à rajouter dans mon top 5 !). Il nous parait plus intéressant de raconter une histoire complète sur un album ou de faire une trilogie sur vingt ans comme pour The Cube avec Supuration, que de faire plusieurs chansons racontant diverses choses sur divers sujets, mais cela est encore une question de goût, de choix...

De la même manière, votre nom évolue : SUP, S.U.P, Spherical Unit Provided, Supuration... êtes-vous un seul groupe ou vous considérez-vous plutôt comme deux entités différentes ? Suis-je en train d’interviewer le leader de S.U.P, de Supuration, ou tout cela est-il indissociable ?

S.U.P et Supuration sont deux projets distincts, deux entités, mais en effet, nous nous considérons comme un seul groupe avec deux activités complètement différentes et cela nous inspire.

Avez-vous plus de fans chez l’un que chez l’autre ? La tendance actuelle voyant un retour marqué de la musique plus extrême est-elle plus favorable à Supuration ?

Aucune idée... Peut être ! Cela dit, Supuration a toujours été plus ou moins mélodique depuis The Cube. Nous ne sommes pas un groupe extrême et ne nous considérons pas comme tel. Je pense que les fans de Supuration sont moins nombreux que pour S.U.P même s'ils suivent notre parcours de près ; nos fans sont fidèles et nous les en remercions. C'est pourquoi nous ne voulons pas les décevoir, que cela soit avec un album de S.U.P ou de Supuration .

Comment vous est venu l’idée du nom Spherical Unit Provided et signifie t-il quelque chose de particulier ?

L’idée de sphère est ancrée en nous depuis de longues années. Spherical Unit Provided est une sorte de garde fou, une aide, une sphère dans laquelle tout le monde peut se retrouver et que l’on offre aux personnes.

Vous êtes chez Holy Records depuis 1997, ce qui semble être un partenariat réussi... Vous renvoyez d’ailleurs globalement l’image d’un groupe à la fois soudé et fidèle à ses valeurs (des gars du Nord, quoi !), ainsi qu’à ses fans où tous ceux qui l’ont soutenu. Avoir signé chez Holy Records a-t-il été un tremplin dans votre carrière et êtes-vous satisfait, quinze ans après, avec du recul, d’avoir pris cette décision ?

Oui nous sommes satisfaits de cette collaboration avec Holy Records, nous avons toujours eu quasiment tout ce que nous voulions, même si le marché du disque étant ce qu’il est, certaines choses risquent de changer... Nous sortirons certainement le prochain Supuration en co-production avec Holy Records en digipack et en vinyl pour la version plus brute.

Rencontrez-vous (ou votre label) des difficultés pour faire connaître votre musique et la diffuser la plus largement possible, et si oui, lesquelles ?

Nous avons les mêmes problèmes que tous les artistes. Le marché étant difficile, ce n’est pas toujours évident de s’y retrouver, mais nous faisons le maximum pour diffuser nos œuvres ; nous sortons régulièrement des bootlegs et nous produisons nos DVD (Traces Part One et Traces Part Two), sur lesquels figurent des clips et des concerts. Nous postons régulièrement aussi des œuvres sur internet.

Internet étant aujourd’hui une vitrine publique indispensable pour "faire partie du monde en marche", quand pensez-vous mettre votre propre site web en ligne ? Les infos que l’on peut actuellement trouver sur le net vous concernant sont relativement éparses (à part une bio exhaustive sur Wikipedia et un site de fan partiellement complet), et pour les fans du groupe, cela doit s’avérer frustrant. Est-ce un choix personnel de limiter votre exposition ou simplement un chantier en cours de réalisation ?

Avoir un site internet fait partie de nos nombreux projets, bien sûr, mais on ne fait pas toujours ce que l'on souhaite quand on le souhaite... Notre présence sur le web se traduira donc par tout d'abord un site très simple qui reposera sur des photos du groupe ; la biographie de Wikipedia étant parfaite (réalisée par notre webmaster), elle complétera l'information. Et enfin, un lien Facebook dont s’occupe Fabrice pour les news, ainsi qu'un lien Myspace pour diffuser les extraits audios et offrir un contact à ceux qui veulent nous joindre. Nous avons tout de même été parmi les premiers en France à avoir un site internet ! Maintenant tout le monde se focalise sur la rapidité d’information, il est donc important d'avoir sa place sur la toile, mais je ne pourrai pas t’en dire plus, car je ne m’occupe pas de ce genre de choses.

Les apparences laissent penser que vous faites les choses totalement à votre rythme, sans pression de votre label ou des tendances, afin de les faire bien et surtout comme vous voulez, sans "prostitution intellectuelle" ni commerciale. Les mêmes apparences (parfois trompeuses) laissent penser que votre souhait n’est pas forcément d’accéder à un immense succès international, mais plutôt de garder le groupe à un haut niveau d’excellence tout en restant proches de votre entourage, quitte à ce que votre succès commercial pâtisse de vos impératifs de vie et de vos choix stratégiques. Me trompé-je ?

Tu es proche de la vérité : nous nous efforçons de travailler la musique sans stress ni pression, car nous voulons donner le meilleur de nous-mêmes à chaque album ; nous respectons notre public au même titre que lui nous respecte. Cela ne peut se faire dans l'urgence...

Vivez-vous de votre musique, et si oui, depuis quand ?

Non, nous ne vivons pas de notre musique, nous travaillons dans un théâtre...

Prenez-vous toujours autant de plaisir à jouer votre musique et à réaliser des disques qu’à vos débuts ?

En ce qui me concerne oui, et je pense parler au nom de tout le groupe. C’est toujours un plaisir de faire écouter mes maquettes aux autres membres et de voir qu’ils sont toujours partants. Ils me font confiance et je leur fais confiance, c’est comme cela que nous travaillons depuis des années. Le temps nous manque certes, mais nous le prenons pour nous faire plaisir et pour faire plaisir à nos fans.

Une fois le troisième volet de la trilogie The Cube sorti, vous tournerez certainement ; avez-vous déjà un planning établi ? Aurons-nous la chance de vous voir dans le Sud de la France ?

Peut-être du côté de Lyon, il me semble, mais plus au Sud, je ne sais pas encore, nous travaillons sur un concert qui reprendra l’album The Cube en entier et des morceaux de Still In The Sphere... Ce n’est pas un revival, c’est une envie !

Les fans de votre facette SUP attendent également impatiemment un successeur à l’excellent Hegemony, qui a déjà maintenant trois ans et demi… Avez-vous déjà planché sur la question et que peux-tu nous en dire ?

Je travaille doucement mais sûrement dessus : j’ai un sujet, j’ai le titre, et j’ai commencé à composer une ou deux bricoles. Ce sera le plus barré et le plus noir de tous les albums de S.U.P. Merci pour le compliment sur Hegemony.

Avez-vous d’autres projets dans les tiroirs ? Tu mentionnais par exemple dans une interview de 2008 une idée de tournée acoustique, ce qui pourrait être très sympa sur disque également, à la manière de votre disque de covers, Transfer, ou bien encore un double album S.U.P/Supuration...

L’idée de faire des choses en acoustique me tente énormément, mais il faut le temps de bien pouvoir les réaliser, car il ne s’agit pas de faire n’importe quoi. Pour le moment, nous sommes sur un livre qui retrace la vie du groupe depuis 1987 (par Jeremie Grima) et nous avons abandonné l’idée de faire un double album S.U.P/Supuration, les deux étant liés sur le dernier Supuration (album qui termine la trilogie du cube et qui relie les deux entités). Nous avons comme projet de sortir un DVD Traces part 3 avec beaucoup d’entrevues, de questions et réponses et dans lequel, sans nous étaler au grand jour, nous voulons faire part de notre aventure musicale et expliquer à ceux qui nous suivent comment tout cela est arrivé.

Vous avez une sensibilité spéciale par rapport à Coroner... as-tu pu assister à leur retour sur scène en 2011, et si oui, qu’en as-tu pensé ? Une tournée S.U.P / Coroner serait-elle envisageable un jour ?

Je ne les ai pas revu depuis 1996, mais je les verrai cet été au Motocultor Festival. C’est personnellement l'un des meilleurs souvenir de tournée, au début de l’aventure S.U.P avec l’album Anomaly (facile à écouter, pas évident à retranscrire en live). Je ne pense pas qu’une tournée S.U.P/Coroner soit à nouveau envisageable actuellement. Coroner est un grand groupe et je suis sûr que les groupes qui ont tourné avec eux ont pris leur "branlée" comme nous...

Question subsidiaire : y a-t-il une question (ou plusieurs) que tu aurais aimé que je te pose et que j’ai omis(es) ? Espace libre si tu le souhaites et un grand merci pour le temps consacré à cette interview.

Les musiques doivent être respectées à tous les niveaux. Je te remercie pour cette entrevue, merci à tous ceux qui nous suivent depuis le début ou à ceux qui ont pris l’histoire en route. La musique est un art : elle se compose, se décompose, elle se construit avec le temps ; la musique n’est pas fugitive, elle est active, présente, et elle nous accompagne tout le long de nos vies, respectez-la, car à tout moment sombre de votre vie, vous ne pourrez compter que sur elle...


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