Groupe:

Avantasia

Date:

09 Mars 2016

Lieu:

Paris

Chroniqueur:

Blaster Of Muppets

Je sais... nous ne sommes qu'au mois de mars, cela peut paraître un peu prématuré, mais on en est tout de même à peu près sûr, on tient LE concert de l'année 2016. C'était le 9 mars dernier au Trianon quand la joyeuse troupe d'Avantasia a donné le premier show parisien de sa carrière. Ceux qui y étaient le savent, il va être difficile de trouver soirée plus réussie que celle-là... dans ce style musical évidemment (les amateurs de death metal qui vomissent à la seule évocation des termes "power mélodique" ou "opera rock" - ce n'est qu'un exemple - auront, j'en suis certain, d'autres sources de réjouissance). C'est parti pour le récit d'une soirée incroyable ! 

Le concept de ce Ghostlights World Tour : un énorme concert avec pléthore de participants qui devrait durer trois heures. Il n'y a pas eu tromperie sur la marchandise. Les promesses faites par le "créateur" (je ne parle pas de Dieu, juste de Tobias Sammet) ont été tenues. Pas de première partie donc... Si ce n'est un DJ venu occuper la scène et chauffer la salle à l'aide d'un mélange de tubes metal remixés pour l'occasion ou de "curiosités" comme le fameux Gangnam Style repris à la sauce techno metal. Très honnêtement, le gars a fait le boulot... mais dans une indifférence (qui m'a semblé) générale. Les lumières étaient toutes allumées pendant que les gens s'installaient et discutaient tranquillement. Pas indispensable donc... mais ça n'a pas fait de mal non plus. Disons que le monsieur a quand même dû se sentir seul. Pendant ce temps, le public a également eu le loisir d'admirer le joli backdrop (reprenant la pochette du dernier album d'Avantasia) installé au fond de la scène, ainsi que le décor proposé pour la tournée (avec un escalier central qui permet aux invités d'aller et venir à leur guise).

Evidemment, légèrement après 19h20, quand les lumières s'éteignent et que retentissent les premières notes de Also Sprach Zarathustra de Richard Strauss (mais si, vous connaissez... c'est le thème utilisé pour le film 2001 : L'Odyssée de L'Espace), l'heure n'est plus à l'indifférence et les fans acclament l'arrivée de Sammet et ses musiciens si fort qu'on entend à peine la musique sortir des enceintes. On sent que l'excitation est à son comble... et ça se comprend. Cela fait bien quinze ans que certains d'entre-nous écoutent Avantasia et, comme dit plus haut, c'est la première fois que cette fine équipe joue à Paris (leur seul concert en France avant celui-là avait été donné au HellFest en 2013). L'ambiance est donc à la fête pendant que le groupe balance le premier single, Mystery Of A Blood Red Rose, chanté par le (toujours) joyeux Tobias, seul pour l'instant. 

Mais le premier invité ne se fera pas attendre trop longtemps car le deuxième titre de la soirée, c'est le speed Ghostlights... qui nous permet d'accueillir comme il se doit, le grand (et chauve) Michael Kiske !! Le monsieur est en voix... ça fait plaisir ! Quarante-huit ans et toujours ce timbre inimitable et cette capacité à monter dans les aigus. Oui, je sais ce que vous allez dire, ce n'est pas un grand-père non plus ! Vrai... mais quand même, je suis impressionné. 

Avec la troisième chanson (rassurez-vous, je ne vais pas vous raconter le concert chanson par chanson), c'est un petit retour sur l'album précédent, The Mystery Of Time, qui s'opère. Pas n'importe quel titre puisqu'il s'agit de l'excellente Invoke The Machine... ce qui permet à Ronnie Atkins (Pretty Maids) de se joindre à Tobias Sammet pour un duo endiablé. Pendant ce temps, les musiciens assurent. Felix Bohnke martelle ses fûts avec énergie et précision... Quel plaisir de voir le guitariste Sascha Paeth sur scène (oui, je suis un grand fan de son ancien groupe, Heavens Gate, aussi talenteux que méconnu) ! Le monsieur a la classe, la décontraction et le sourire. Tout comme, de l'autre côté de la scène (le droit), Oliver Hartmann qui, en plus d'être un guitariste compétent et avenant, n'est pas en reste niveau voix (il a quand même été vocaliste du groupe At Vance). Et puis, il y a les choristes : Herbie Langhans (du groupe Sinbreed) et la charmante (et indispensable) Amanda Somerville qui se charge d'apporter une petite touche de féminité dans cet univers testostéroné. 

Avant de continuer, faisons vite un petit point sur la technique. Belle scène (en plus, la salle du Trianon n'est pas moche non plus, ce que ne manquera pas de faire remarquer un certain Jorn Lande plus tard dans la soirée), bon son - assez fort et puissant sans casser les oreilles non plus - et light show agréable sont au menu. Oui, certains chanteurs sont un peu plus audibles que d'autres, c'est vrai... mais est-ce dû aux réglages des micros ou à la forme des participants ? Pas toujours évident de faire la part des choses. On pourra aussi constater que les claviers de Miro, bien qu'audibles, sont quand même assez en arrière dans le mix... mais dans l'ensemble (et vu le nombre de participants), la qualité sonore est tout de même plus qu'honorable.

Venons-en aux raisons pour lesquelles il ne fallait pas manquer ce show. Il fallait être là. Oui. Ne serait-ce que pour entendre Tobias Sammet, pris d'une irrésistible envie de démontrer qu'il connaissait quelques phrases en français, demander au guitariste Oliver Hartmann s'il pouvait lui mettre un kilo de jambon dans les fesses. En un peu plus de deux décennies de concerts, j'en ai entendu des artistes étrangers tenter quelques phrases bizarres en français... mais celle-là, jamais ! Donc, vous l'aurez compris, il fallait venir pour le fun. Car Avantasia a beau proposer une musique opera rock ou metal grandoliquente, l'ambiance sur scène reste pour le moins décontractée. Et devant nous, toutes ces pointures - qui s'affairent au sein d'un show où les performances techniques et vocales ont leur place - conservent une attitude et un visage très humains. Kiske nous dira qu'il a toujours voulu ressembler à Elvis Presley mais qu'il a fini comme Rob Halford, Sammet prétendra que la ballade Farewell lui a été piquée par Céline Dion pour le film Titanic, Eric Martin interviendra pour dire que tout ça est bien sympa mais que ça manque quand même un peu de sexe, il piquera aussi le micro de Tobi en plein milieu d'un refrain laissant ce dernier sans voix (logique)... Sammet se tiendra aux côtés de Kiske pendant sa grande montée dans les aigus sur Reach Out For The Light en faisant mine de lui broyer les bijoux de famille à chaque nouvelle note franchie... Voilà, vous voyez ce que je veux dire par "ambiance décontractée" ? 

Et puis, il y a les imprévus, les couacs. C'est toujours très sympa, ça. Quelques exemples : Michael Kiske qui tarde à se pointer sur le refrain de Unchain The Light pendant que des regards circonspects sont échangés entre Sammet (qui, du coup, chante les parties de son collègue absent) et les autres musiciens, avant de revenir le sourire aux lèvres sur la fin de la chanson (on ne saura pas ce qui s'est réellement passé mais on peut le deviner... et ça a l'air de faire marrer ses acolytes)... Le micro de Tobi qui tombe par terre sur le refrain d'Avantasia, fun aussi... 

Il fallait également venir pour le casting. Ce n'est pas tous les jours qu'on peut avoir sur la même scène des chanteurs comme Tobias Sammet, Michael KiskeRonnie AtkinsEric Martin (Mr. Big), Jorn Lande et Bob Catley (Magnum) se donner la réplique... assistés par des choristes (Somerville et Langhans) et des musiciens tous excellents. Chacun a sa personnalité et apporte quelque chose à l'édifice. La complémentarité de tous les acteurs engagés dans le projet est l'une des grandes forces d'Avantasia sur scène. On a le grimaçant (Atkins), le chanteur nonchalant, sourire en coin, aux poses rock'n'roll (Kiske), le "démoniaque encore plus grimaçant" à la voix énormissime (Lande) qui se déplace en crabe, le doyen qui a des airs de chef d'orchestre (à cause de sa gestuelle) qui n'aurait pas bu que de l'eau avant de monter sur scène (Catley), la charmante sirène qui attire vers elle (de par sa présence lumineuse et son chant irrésistible) les âmes égarées (Somerville), celui qui est venu pour s'amuser (Martin) en compagnie du plus blagueur de tous (Sammet). Tout le monde, même les choristes ou le guitariste Hartmann, sera d'ailleurs mis en avant à différents moments de la soirée en chantant en duo avec Tobi, le maître de cérémonie (Hartmann sur The Watchmakers' Dream, Langhans sur Draconian Love, Somerville sur Farewell...). Conséquence : l'ensemble est très varié. Chaque nouvelle chanson amène son petit changement de configuration, on ne s'ennuie pas une seconde. 

Cela va de soi mais il fallait quand même être présent pour profiter de la musique. Je veux surtout parler de la généreuse setlist qui s'étend sur tous les albums du groupe (sauf le Metal Opera II presque totalement boudé). Bien sûr, les disques les plus récents (le nouveau Ghostlights et le précédent Mystery Of Time) prennent une partie non négligeable de la soirée en cumulant à eux deux pas moins de onze chansons. Mais une place importante a été laissée pour le reste de la disco vu que vingt-quatre chansons ont été jouées au total ! Et il y a eu du morceau de bravoure, oh oui ! Nous avons eu le droit aux longues et épiques The Scarecrow, Let The Storm Descend Upon You, Wicked Symphony ou Stargazers, à quelques speederies "Helloweeniennes" comme Ghostlights, Shelter From The Rain ou Reach Out For The Light, à une poignée d'accalmies comme What's Left Of Me, Farewell, Lucifer, aux singles plus hard rock et fédérateurs (Dying For An Angel, Lost In Space)... Bref, il y en a eu pour tous les appétits. 

Chacun aura ses chanteurs, ses prestations ou ses compos préférées. Pour ma part, même si je ne suis pas un grand fan de la voix de Tobias Sammet, je le trouve encore une fois très bon sur scène. Sa personnalité, son humour n'y sont pas pour rien, c'est sûr... mais même vocalement, il faut reconnaître qu'il est puissant et très juste. En plus, c'est quand même lui qui chante le plus pendant le concert... et vu la durée du show, il faut pouvoir tenir la distance. Ceux qui m'épatent le plus restent Kiske (clair, aigu, puissant... il maîtrise son sujet) et Jorn Lande absolument monstrueux... Ce viking envoie une incroyable puissance en desserrant à peine les machoires et en tenant son micro assez éloigné de sa bouche. Comment fait-il ? Les autres n'ont pas démérité non plus mais Atkins semble parfois un peu plus à la peine, tout comme Eric Martin, qu'on sent essoufflé par moment... Ou est-ce leur micro qui est moins bien réglé ? En tout cas, même si certaines voix impressionnent plus que d'autres, l'ensemble est de très bonne tenue et la complémentarité des vocalistes fait de ce concert une expérience auditive intéressante et réussie.

Pareil pour ce qui est des chansons, on pourra regretter l'absence de certains titres mais le choix proposé est quand même très large... Et je reconnais même que certaines compos qui me semblaient sympas sans plus sur album et ne font vraiment pas partie de mes préférées (Dying For An Angel, par exemple) passent très bien en live. Je me rends compte en entendant la salle (et moi-même) chanter sur de nombreux refrains que j'ai probablement parfois un peu sous-estimé le talent de compositeur de Sammet

Reprenons le cours de la soirée. Après vingt-deux chansons et déjà deux heures et quarante-cinq minutes de show, le spectacle n'est pas terminé (the story ain't over, serait-on tenté de dire)... le rappel n'a pas encore eu lieu. Sammet introduit le single Lost In Space avec son sens de l'humour habituel ("it's a single, it's commercial shit...") et partage le chant avec Amanda Somerville. Mais pour la toute dernière chanson, l'habituelle Sign Of The Cross (à la fin de laquelle sera repris le gros refrain chorale de The Seven Angels), tous les musiciens et vocalistes sont sur scène. Tobias présente tout le monde dans une ambiance toujours aussi chaude et festive. Les entêtantes mélodies de ce final sont reprises par un Trianon extatique. Tout le monde sourit, chante... on est juste bien. 

Généreux, fort, épique, fun... tous ces qualificatifs (ainsi que quelques autres mais j'ai décidé de vous laisser retourner à vos activités) s'appliquent à ce concert d'Avantasia. Une grande fête de trois heures orchestrée par d'excellents musiciens et un casting de vocalistes quatre étoiles qui nous laissent vidés, heureux et reconnaissants. Nous en avons eu plein les yeux et les oreilles... et, personnellement, je ne vois pas trop ce que le groupe aurait pu faire de plus pour rendre la soirée plus inoubliable qu'elle ne l'a été. Le plaisir fut immense, voire total. Merci messieurs. 

P.S. : Monsieur Sammet, si vous aviez la bonne idée de sortir un DVD de cette tournée, cela permettrait de montrer ce que le projet est devenu (et les progrès accomplis) depuis la tournée des festivals organisée du temps de l'album The Scarecrow... On se souvient du sympathique DVD The Flying Opera qui avait immortalisé cette époque d'Avantasia mais ce dernier paraît bien pâle en comparaison de ce qui s'est passé ce soir.  

Setlist Avantasia :

01. Mystery Of A Blood Red Rose
02. Ghostlights
03. Invoke The Machine
04. Unchain The Light
05. Restless Hearts And Obsidian Skies
06. The Great Mystery
07. The Scarecrow
08. Lucifer
09. The Watchmakers' Dream
10. What's Left Of Me
11. The Wicked Symphony
12. Draconian Love
13. Farewell
14. Stargazers
15. Shelter From The Rain
16. The Story Ain't Over
17. Let The Storm Descend Upon You
18. Promised Land
19. Prelude / Reach Out For The Light
20. Avantasia
21. Twisted Mind
22. Dying For An Angel
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23. Lost In Space
24. Sign Of The Cross / The Seven Angels