Groupe:

Nightwish + Beast In Black

Date:

10 Novembre 2018

Lieu:

Paris

Chroniqueur:

Blaster Of Muppets

Bien refroidi par mon expérience pénible de photographe à l'AccorHôtels Arena il y a trois ans (je ne vous la raconte pas à nouveau, si vous êtes curieux et n'avez rien de plus intéressant à faire, vous pouvez la lire ici), je m'étais dit qu'on ne m'y reprendrait plus, que je n'irais plus voir Nightwish dans cette salle... Bon, de toute évidence, j'y suis quand même retourné. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, dit-on... Et j'ai bien fait car, cette fois, cela s'est bien mieux passé et j'ai pu assister à l'intégralité de la soirée proposée. Plusieurs facteurs m'ont motivé mais, pour faire court, je vais avancer le principal : le fait que Nightwish n'ait pas de véritable nouvel album à promouvoir mais propose un set basé sur sa récente compilation Decades. En effet, ce concert du 10 novembre allait être l'occasion pour le groupe de revisiter sa carrière et nous offrir notamment quelques compos absentes des setlists depuis un bon bout de temps. Pour votre serviteur qui a découvert le groupe il y a vingt ans avec l'excellent Oceanborn, cette tournée avait quelque chose de véritablement alléchant... Je n'ai donc pas pu résister à l'appel des Finlandais.

En parlant de Finlandais, le groupe qui ouvre pour Nightwish l'est également (en partie, du moins) puisqu'il s'agit de Beast In Black, nouvelle formation d'Anton Kabanen (ex-leader de Battle Beast). A 19h15, c'est parti pour une bonne tranche d'Eurovision Metal (ok, ça n'existe pas vraiment mais je trouve que cette appellation sied plutôt bien à Beast In Black) en compagnie de ces cinq musiciens bien décidés à conquérir une arène pas tout à fait encore remplie à cette heure mais suffisamment pour se faire un peu plus connaître par chez nous.

Le quintet n'a qu'un seul opus à son actif pour le moment (mais cela ne sera bientôt plus le cas, un nouvel album est prévu pour le début de l'année prochaine), nous avons donc eu le droit à neuf chansons de l'album en question. C'est l'enlevée Beast In Black qui ouvre le bal ; la section rythmique est un peu trop prédominante dans le mix, on entend plus la batterie que les deux guitares rythmiques mais ce défaut sera corrigé, probablement le temps de faire quelques réglages, par la suite. Le groupe est en place et prêt à en découdre. Ca bouge bien sur scène, les guitaristes et le bassiste parcourent la scène de long en large, prenant bien garde à ne jamais rester trop longtemps figés. Ces trois-là aiment d'ailleurs bien se retrouver de temps en temps pour une belle séance de lever de manches synchronisé bien calé sur le rythme du morceau qu'ils jouent. Le batteur s'éclate, il cogne son instrument avec enthousiasme... Pas réservé, le monsieur... voire carrément démonstratif. 

En deuxième position, c'est Eternal Fire et ses claviers bien kitsch (Hello Final Countdown) qui assurent le relais. Kitsch, bah oui... Beast In Black propose un power metal sous forte influence des eighties et les mélodies entonnées évoquent également beaucoup la pop de cette décennie. Mais cela n'empêche pas la musique de ces Finlandais d'être efficace (en plus d'être assez fun) sur scène. Le style de rythmique déployée est hyper entraînant et l'entrain dont fait preuve la formation est communicatif. En plus, les musiciens sont carrés, très précis... et le combo comprend un chanteur plus que capable en la personne de Yannis Papadopoulos (clairement le moins finlandais de la bande, vu le patronyme... Oui, on m'appelle Sherlock parfois). Le vocaliste a une voix puissante et monte haut avec aisance. Il s'adresse aussi régulièrement à la foule, tentant même un petit "nous sommes Beast In Black et nous sommes là pour vous donner du heavy metal", entièrement dans notre langue et donc forcément bien accueilli. 

Les morceaux enjoués et mélodiques se succèdent rapidement, je m'étonne juste de la présence de la ballade Ghost In The Rain en milieu de parcours, franchement molle et qui fait un peu retomber l'ambiance... mais pas longtemps puisque, juste après, Papadopoulos (c'est pas un méchant dans Tintin, lui ?) nous demande : "Are you ready to go crazy ? to go mad ? to go insaaaane ?"... Le Sherlock en moi me dit que Beast In Black est sur le point de jouer Crazy, Mad, Insane, de loin son titre le plus "Eurovision". Rigolo ou ridicule... chacun tranchera. En plus, le groupe a pensé à une petite mise en scène : les trois musiciens à manche sont pourvus de lunettes à LED sur lesquelles on peut lire les trois mots du titre de la chanson. Tout cela est bien fun mais je vais tout de même faire mon petit rabat-joie de service en soulevant un bémol : comme beaucoup de groupes actuels, Beast In Black abuse des bandes. Vu la place extrêmement importante occupée par les claviers et les choeurs, il serait peut-être bon d'engager un claviériste et de privilégier les vrais choeurs plutôt que des enregistrements qui confèrent à la prestation un côté légèrement playback et donc pas très rock'n'roll.

Blind And Frozen et End Of The World concluent un show de trois bons quarts d'heure rythmé et distrayant, après que le chanteur nous a touché un mot concernant la future sortie de leur deuxième album et nous a donné rendez-vous pour leur concert en tête d'affiche le 3 mars prochain. Il propose même à tous les fans qui le souhaitent de retrouver le groupe dans le hall après le show de Nightwish. En Finlande, on sait fidéliser la clientèle !  

Setlist Beast In Black :

01. Beast In Black
02. Eternal Fire
03. Blood Of A Lion
04. The Fifth Angel
05. Born Again
06. Ghost In The Rain
07. Crazy, Mad, Insane
08. Blind And Frozen
09. End Of The World

 

A 20h35, c'est au tour de Nightwish de faire vibrer l'AccorHôtels Arena (qui a eu le temps de mieux se remplir depuis le début de la soirée). Le rideau tombe, dévoilant un bel écran sur lequel seront diffusés en continu des visuels et animations pendant deux bonnes heures. Pour l'heure, on a le droit à un petit discours introductif nous proposant un voyage dans le temps... ne concernant d'ailleurs pas que la carrière de Nightwish mais invitant le spectateur à se souvenir d'une époque où les gens ne passaient pas leur temps collés derrière leurs portables en train de prendre des photos par centaines ou de filmer intégralement des chansons. Voilà, c'est pas moi qui le dit (enfin, si, un peu quand même) mais le groupe. Vient ensuite un compte à rebours... et lorsqu'il arrive à son terme, alors que le visuel de l'album Oceanborn est visible sur l'écran et que l'on s'attend à un titre explosif, c'est Troy Donockley qui attaque seul avec sa flûte et sa cornemuse irlandaise, reprenant le thème de Swanheart (album Oceanborn). Joli. Les flammes et instruments électriques ne tarderont cependant pas à pointer le bout de leur nez avec deux titres extraits du fabuleux Once (un de mes deux albums préférés du groupe) qui plongeront l'arène dans l'extase : Dark Chest Of Wonders et I Wish I Had An Angel. Le voyage vient de commencer et il s'annonce fantastique. Le son est bon et va devenir énorme, Floor est toujours aussi charismatique et sa belle voix (bien qu'un peu moins puissante ou impressionnante que sur le live enregistré au Wacken il y a trois ans) transporte les milliers de fans parisiens. La mise en scène est soignée, la pyrotechnie impressionne et réchauffe les premiers rangs, les vidéos qui passent derrière le groupe sont (souvent) de toute beauté. C'est un régal pour les yeux et les oreilles. 

Après ce démarrage en feu d'artifice, les premières surprises arrivent et on redécouvre des chansons que l'on avait pas entendues depuis très longtemps. 10th Man Down est la première d'une longue série. Quel plaisir de réentendre ce morceau extrêmement rare ! Ensuite, les Finlandais nous proposent un petit passage par l'album Wishmaster avec la compo Come Cover Me... et là, je dis "chapeau". Oui, parce qu'à la base, je ne suis pas spécialement fan de ce morceau mais la version proposée par le groupe ce soir me séduit, surtout grâce aux choeurs fournis par Troy Donockley et Marco Hietala sur le refrain. Les harmonies à trois voix proposées ici sont inédites, je n'avais jamais entendu le morceau chanté ainsi et le moins que l'on puisse dire, c'est que le rendu est très réussi. Et là, en continuant de regarder et écouter le groupe jouer les morceaux suivants (l'excellente Gethsemane pendant laquelle un superbe visuel de forêt nocturne défile sur l'écran, ou la non moins géniale Sacrament Of Wilderness), je me dis que ce line-up à six membres est sans doute le meilleur que le groupe ait jamais connu. Confirmation sur Dead Boy's Poem sublimement chantée par Floor : j'ai rarement ressenti une telle émotion sur du Nightwish en live... et je les ai vus quelques fois (notamment avec Tarja) depuis le tout début des années 2000. 


En effet, malgré la grandeur de la salle, le côté blockbuster / grand spectacle de l'entreprise, le Nightwish qui se présente à nous ce soir me semble plus humain, plus touchant. Je ne prétends pas que tout est parfait. Oui, Jansen a déjà été plus en forme (mais même fatiguée, elle reste lumineuse), Hietala a déjà été plus bavard ou vindicatif... les membres de ce groupe ne sont globalement pas d'énormes monstres ou bêtes de scène (ça, c'est pas une nouveauté... Emppu Vuorinen est plutôt du genre discret, par exemple) mais ce qui prédomine ce soir, c'est la beauté qui se dégage de l'interprétation générale. Certes, le choix des chansons n'y est pas pour rien... en tant que fan des premières heures, je prends forcément un plaisir certain à entendre des chansons qui m'ont fait flasher sur le groupe à l'époque, et l'alliance de la musique, des images et ambiances proposées fonctionne à merveille, c'est sûr... mais il y a autre chose, comme une touche de magie que je n'avais pas si bien perçue les fois précédentes. 


En plus, le show est généreux et continue de nous faire voyager dans toutes les époques du groupe en prenant bien le soin de n'oublier aucun album au passage... et cela pendant deux heures. L'ensemble est bien varié au niveau des ambiances et styles proposés, on passe d'un petit interlude instrumental folklorique (nommé Elvenjig) à Elvenpath, chanson du tout premier album qui nous ramène plus de vingt ans en arrière, qui sera suivie de deux (seulement !) compos de l'ère Anette Olzon (I Want My Tears Back et l'excellente Last Ride Of The Day) puis d'un retour vers les années Tarja avec The Carpenter, Kinslayer ou Devil And The Deep Dark Ocean (quelle claque... humoristiquement introduite par Marco Hietala prétendant que le groupe allait nous jouer un morceau calme et reposant). Les premières notes du fameux single Nemo fait crier la foule de plaisir et, alors que je me demandais si l'album Century Child n'était pas malencontreusement tombé aux oubliettes, arrive enfin le heavy Slaying The Dreamer absolument terrassant et qui constitue une formidable conclusion à ce set... mais conclusion temporaire car il reste les rappels et là non plus, le groupe ne va pas se moquer de nous. 


Pour finir la soirée, Nightwish choisit deux morceaux longs et épiques :  le premier n'est autre que The Greatest Show On Earth (heureusement amputé de sa longue fin mais dont la durée approche tout de même les dix-sept minutes)... les "We were here !" du final repris par la foule me donnent des frissons. Et la dernière chanson proposée en guise d'ultime conclusion est la magnifique Ghost Love Score encore une fois sublimée par de très beaux visuels, des effets pyrotechniques à foison et une pluie de confettis pourpres sur sa toute fin (certains trouveront peut-être que l'abondance de ces artifices tue un peu l'émotion qui se dégage de la musique mais, personnellement, cela ne m'a pas du tout gêné). Floor donne tout ce qu'elle a et remercie chaleureusement un public visiblement (et auditivement) comblé.


Pour ma part, c'est certain, je viens d'assister à l'un de mes concerts préférés du groupe. Le choix des titres (seulement cinq chansons en commun avec la setlist de la tournée précédente), la longueur du set, la qualité de l'interprétation, l'implication toujours plus importante d'un Donockley qui apporte énormément au combo sur scène (avec ses différents instruments à vent, mais aussi sa guitare et maintenant des choeurs bien plus nombreux qu'auparavant), le charme et l'humanité dégagés par Jansen qui n'en fait jamais des caisses, le soin apporté au visuel et aux ambiances... tout cela a fait que je ne me suis pas ennuyé une seule minute... A la fin de ces deux heures pourtant bien denses, je me dis que le groupe aurait pu continuer, je serais resté avec plaisir. Des concerts auraient été enregistrés en Amérique du Sud un peu plus tôt cette année en vue d'un nouveau DVD... Voilà une sortie à surveiller de près. 

Un grand merci à Valérie de JMT Consulting pour l'accréditation.

 

Setlist Nightwish :

01. Intro / Swanheart
02. Dark Chest Of Wonders
03. I Wish I Had An Angel
04. 10th Man Down
05. Come Cover Me
06. Gethsemane
07. Elan
08. Sacrament Of Wilderness
09. Dead Boy's Poem
10. Elvenjig (instrumental)
11. Elvenpath
12. I Want My Tears Back
13. Last Ride Of The Day
14. The Carpenter
15. Kinslayer
16. Devil And The Deep Dark Ocean
17. Nemo
18. Slaying The Dreamer
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19. The Greatest Show On Earth (parts I, II, III)
20. Ghost Love Score

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