Groupe:

La Voix du Rock Jour 2

Date:

01 Juin 2019

Lieu:

Couhé

Chroniqueur:

JeanMichHell

Jour 2:

Little Trigger:

En ce deuxième jour, le public est moins nombreux que la veille pour accueillir Little Trigger. Est-ce parce qu’il fait nettement plus chaud que la veille, est-ce parce que la nuit fut trop longue ?… Bref les hypothèses peuvent être nombreuses. Pas de tergiversations inutiles du côté des originaires de Liverpool, le groupe ne fait pas dans la dentelle, et impose son rock à l’anglaise d’entrée de deuxième jour.

   

Leurs compositions s’approchent du même type d'énergie que les Hives, accompagné d'un dynamisme sur scène et d'une implication sans faille. Tom, le chanteur principal, arbore une chemise noire ouverte sur le torse, foncièrement 70’s du plus bel effet. Mais comme le show doit être total, Chris à la basse et Crawford à la seconde guitare balancent leurs chœurs avec une détermination qui force le respect. On voit d’entrée de jeu que ce groupe est taillé pour la scène.


Mais le groupe n’opère pas exclusivement dans un registre rock pur et dur, puisqu'il sait ralentir le tempo pour passer un blues très classe, quelques passages à l’harmonica ainsi que des solos particulièrement bien faits. Sam le batteur peut jouer d'une manière très posée, pleine de groove, mais sait aussi mettre une bonne déferlante de roulements sur ses toms avec une puissance remarquable.

 

Pas grand-chose à jeter dans cette prestation de Little Trigger à condition d’être sensible au rock à l’anglaise. Ce jeune groupe est pétri de talent, possède la culture qui va avec et conjugue les éléments nécessaires à viser plus haut.


Not scientists :

Not Scientists c’est le nouveau projet porté par les anciens Uncommunmenfrommars Ed et Jim. Les deux larrons sont accompagné par Le Bazile (No Guts No Glory...) et de Thibaut à la basse. Ce quatuor ne fait pas dans la tendresse puisque le groupe propose un punk rock, très direct, franc, qui lorgne par instant vers le Hardcore. Le premier titre, Your Light Has Changed, pose les bases de ce que sera leur set, une grosse envie et un show sans compromis.

   

C’est d’ailleurs la musique qui sera mise en avant tout au long du set. Les breaks entre les titres ne sont pas là pour des grandes tirades, le groupe enchaine les titres à l’instar des Ramones, sans temps morts. Le groupe communique peu mais de manière efficace, mais, pour l’anecdote, Jim remarque que le nombre de T-shirt de Not Scientists est équivalent à celui de Metallica dans le public. Est-ce un signe positif pour le groupe ? C’est tout le mal que je leur souhaite.

Not Scientists peut faire quelques entorses tout de même à sa base punk, en passant par des passages plus pop, ralentit le tempo et offre quelques moments plus calmes. La référence à Fugazi devient plus évidente à l’image du set complet, le côté rentre dedans du début de set, parfois un brin linéaire, peut laisser la place à quelques ambiances différentes, donnant ainsi plus de profondeur à leur musique.

   

Une prestation aboutie de la part de Not Scientists, qui aura sévèrement remué dans les brancards. Le punk n’est définitivement pas mort.

No One Is Innocent :

20h00, les parrains du Metal hexagonal montent sur scène. No One Is Innocent revient dans le Poitou (ils avaient fait la première édition du festival sous les halles de Couhé en 2016) pour distiller leur rock/metal engagé à tous les festivaliers particulièrement ravis de les revoir.

Après une introduction technoïde, le concert démarre avec un extrait de l’excellent album Frankenstein, le titre clippé La Gloire Du Marché. Une mise en bouche idéale pour toute personne désireuse de faire connaissance avec le groupe. S’ensuit Silencio et déjà Kemar (chant) ne tient plus en place, il saute partout, envoie des jabs dans les airs sur le titre Ali, arpente la scène en long et en large à la recherche du contact du public. Le public a d’ailleurs un peu plus de mal à se mettre en route mais une fois lancé, la fosse se transforme en véritable fournaise pour le plus grand plaisir du groupe.

   

Evidemment nous aurons droit au hit historique de No One avec La Peau, un titre que j’écoute avec une certaine nostalgie, du temps où l'on pouvait entendre les Guns, les RATM, ou encore Silmarils sur les ondes FM grand public…  Et à la fin de ce titre, François Maigret alias Shanka (à qui je dois quelques torsions de doigts lorsqu'il officiait dans Guitar Part...) prend la scène à son compte, le temps que les collègues (Popy à la guitare, Bertrand Dessoliers à la basse et Gaël Chosson à la batterie) fassent une petite pause. Il cache dans sa guitare un micro, et avec l'aide du public, chante des refrains repris en choeur.

Toujours militant, Kemar aura une pensée pour toutes les formes de résistance, de Ali, Charlie Hebdo, en passant par Aliende ou encore Pablo Neruda : « Ils sont l’âme de la résistance. » Puis il lance un titre qui vient de la colère, une reprise de Rage Against The Machine, Bullet In Your Head. Dans le public, c’est la guerre avec ce titre emblématique d’un groupe qui l’aura été tout autant. Kemar se donne à fond, il est tellement en train de sauter partout, qu’il se rate sur une réception et va faire une bise non prévue à la batterie. Il en faudra plus pour l’arrêter puisque dès le morceau suivant, il va slammer avec la casquette d'un spectateur. A croire que le créneau de 20 heures était le créneau des showmen.

   

Et histoire de finir en beauté, vu que l’animal n’est pas loin, les No One sont rejoint par Nico de Tagada Jones sur What The Fuck, titre auquel il avait déjà participé sur l’album Frankenstein. Kemar en profite pour aller se prendre un dernier bain de foule, et serrer quelques pognes.

No One aura honoré avec classe et conviction son statut de bête de scène, merci à eux.

 

Ludwig Von 88 :

Pour celles et ceux qui sont nés avec les réseaux sociaux et un smartphone entre les mains, Lugwig est un vieux groupe sorti du placard qui font les cons sur scène. C’est certes un peu raccourci mais je peux vous assurer que le public, qui se masse en nombre pour les voir, n’a certainement connu ce groupe que via Youtube. Né en 1983, les Ludwig sont une des figures emblématiques de la scène dite alternative, au même titre que les Béruriers Noirs par exemple. Dix-huit années d’activité, dix albums, une tripoté de singles, Ep en tout genre et, après une pause de dix-huit ans, les voilà de retour. Ils nous avaient fait un coucou au Hellfest en 2016, histoire de se faire plaisir, mais là c’est du sérieux puisque le groupe part pour une tournée estivale conséquente et un petit nouveau en gestation pour septembre 2019. Est-ce pour autant un retour en forme ?

   

Le concert débute et il me faudra le temps du premier titre, J’ai Tué Mon Père, un grand et vieux classique du groupe, pour répondre à cette question de manière positive. Ludwig nous ressert son punk (un peu y’a une guitare saturée), festif (ce n’est rien de le dire) avec tout le show qui va avec, déguisements, cotillons, ballons de baudruche, effets pyrotechniques et pétards en tout genre…

La setlist est une boîte à tubes, avec tous les classiques comme Louison Bobet For Ever, Guerriers Balubas, Oui Oui Dans Sa Voiture Jaune, Cannabis, Dans Mon HLM repris à plein poumon par le public, j’en passe et des meilleures. Nous aurons aussi droit au petit dernier, En Avant Dans Le Mur, qui sera présent sur le prochain opus. Le concert s’achève sur l’indispensable Oulala, la carrière fournie du groupe aura été fièrement représentée.

 

Il faut être clair, le public était déjà conquis d’avance, mais les fans de la première heure sont clairement présents. Les refrains totalement fédérateurs du groupe sont repris par le public, tout le monde entre dans l’univers bariolé des Ludwig. Et lorsque le pote Toto et sa chemise à fleurs entre en scène avec son flow tout droit venu des îles, il vient mettre le feu, le public se laisse aller à danser avec lui. Bref, Ludwig est de retour pour faire la fête !


Ultra Vomit :

Le tube de l’été 2017, de l’année 2018, et toujours en 2019, ce sont les petits gars d’Ultra Vomit. Depuis la sortie de Panzer Surprise! en avril 2017, ils sont partout, enchaînant les dates sold-out, allant jusqu’à s’offrir l’Olympia comme cerise sur leur gâteau. Malgré ce succès populaire, le groupe reste humble et accessible puisqu’ils font eux-mêmes leurs balances planqués sous des hoodies qui comportent l’inscription roadie, et de magnifiques lunettes de plage de couleur.

 

Et c’est parti pour le show Ultra Vomit, qui démarre en fanfare. Enfin, plutôt en Boyard puisque les quatre larrons entrent sur scène avec la musique du Fort, ils prennent des poses farfelus mixant imagerie metal et médiévale. Les tubes s’enchaînent à vitesse grand V, sans oublier de placer une ou deux vannes par-ci, par-là. Exemple, au milieu de la chanson Je Ne T'Ai Jamais Autant T'Aimée, le groupe y inclut un extrait de Zombie des Cranberries ; ben oui, maintenant que t’es morte… Je me suis d’ailleurs autant marré à regarder leur show que d’entendre les réactions du public qui ne connaissait pas ce groupe sur ce genre de chanson, sur Calojira, ou encore Kammthaar

On a évidemment droit aux traditionnels changements d’instruments entre Manard (batterie) et Flockos (guitare) qui, après le "Générique de la minute Manard", nous envoie un Keken des familles, à la santé de tous. Mais ce qui est "nouveau" c’est l’inclusion de la minute Matthieu Bausson, qui se fera un plaisir de troquer sa basse contre le micro pour hurler comme un damné sur Pink Pantera.

Le noir se fait sur scène, puis le Kammthaar démarre, le groupe remonte sur scène pour un de ces tubes. Ce riff à la sauce allemande est en tout cas bien plus convaincant qu'une allumette qui ne flambe plus vraiment… Fetus remet alors son micro en version Lemmy pour un Quand J’étais Petit qui rend, à mon sens, plus hommage au leader de Motörhead qu’un énième reprise de Ace Of Spades. Et le tube en ferraille avec Evier Metal, repris en chœur par le public. Le groupe prendra le temps de remercier son public, sur fond musical d’une version d'Evier Metal entre batucada et musique huit bits, et des lights totalement "caliente". Sans oublier une dernière vanne pour Tagada Jones qui montera sur scène plus tard : "Nous, les gars, nous sommes en after !"

 

Pour ma part, c’est la quatrième fois que je les vois en concert depuis deux ans, ils sont de plus en plus à l’aise sur scène, et je suis toujours conquis malgré un bon nombre de "malgrés". Je veux dire par là que le groupe connaît son show sur le bout des doigts et c’est tout à son honneur, mais les transitions blagues sont parfois un peu longues, plus longues que certains morceaux ; il y a aussi des difficultés à renouveler le stock et, de fait, cela peut lasser un peu… Mais pour toutes les personnes qui découvrent, c’est un carton plein mérité comme je vous l’expliquais plus haut.

Uncut :

Uncut c’est : « 3 hommes, deux guitares, une batterie. ». L’essence même du rock. Le groupe se compose de Pablo Fathi à la batterie et à la coupe hirsute, de Enzo Alfano à la guitare, et d’Alexy Sertillange à la guitare également. Mais ce qui fait la spécificité de ce trio, c’est qu’il joue avec une guitare baryton qui donne une dimension supplémentaire au son. Elle ne remplace pas totalement la basse mais ouvre tout de même le spectre musical.

 

Et en cette fin de journée, il faut admettre que ce trio va très bien faire les choses. La première des influences qui me vient à l’esprit c’est Led Zeppelin, et au final ce ressenti est plus visuel que réellement dans leur musique. Le groupe n’hésite pas par instant à ralentir le tempo et s’approche d’un Black Sabbath... Mais pas que.

Sur scène il y a des moments qui groovent d’une manière incroyable, la voix soul vient en complément, les compositions sont par instant lourdes, on passe alors en mode headbang automatiquement. Et quand le blues s'installe, c'est encore plus convaincant. Tout ceci forme une musique de grande classe, à la fois sensuelle, un rock qui puise chez la bestialité et le groove d'un Hendrix.



Et comme Uncut, ce sont des gars sympas, ils vont jusqu’à inviter les copains de style que sont les Little Triggers à monter sur scène, non pas pour reprendre un titre ensemble, non pas pour jouer un de leurs titres avec eux, mais tout simplement pour sauter partout et faire la fête en plein milieu de la scène. Rock is not dead !

Uncut sera clairement la découverte du festival en ce qui me concerne. Les locaux ont donné une leçon de rock à la frontière entre plusieurs écoles. On voit de suite que ce trio a un véritable potentiel, je suis prêt à parier mon caleçon que nous entendrons à nouveau parler d’eux…

Tagada Jones :

En vingt-cinq années d’existence, qu’est-ce qui n’a pas été dit sur les prestations live de Tagada Jones ? Pas grand-chose puisque le groupe écume, depuis le jour de sa naissance, les salles de France et de Navarre. Eh bien, peut-être que le groupe n’a certainement jamais paru aussi populaire. Nico, guitariste chanteur a toujours la bouille de ses vingt ans (même s'il organise un festival qui prétend le contraire), et on peut aussi poser le constat de textes qui sont malheureusement toujours d’actualité.

Malgré la nature fondamentalement rock de Tagada Jones et son côté rentre-dedans, le groupe ne se cantonne pas à des hymnes punk classiques à base laïlaï ou de Oy ! Il suffit de prendre des titres comme La Peste Et Le Choléra à tendance Hardcore, un Envers Et Contre Tous à la fois agressif et son refrain popisant ; bref, Tagada Jones, avec une telle carrière, a pu donner des couleurs différentes à ses compostions.

Et puis Tagada ne serait pas Tagada sans sa volonté de remuer un peu tout ça… Nico éructe ses paroles comme un pitbull avec implication et conviction. Il suffit de prendre un titre comme Vendredi 13, avec son introduction sur fond d’hélicoptère, de cris, de pleurs, ce texte poignant, un moment à part. Et ces valeurs de militantisme, elles sont depuis longtemps partagées avec Kemar de No One qui le rejoindra pour conclure sur un Mort Aux Cons explosif.

Nico est aussi un des grands artisans du Bal des Enragés, nous aurons donc droit à quelques clins d’œil en guise de conclusion. Le groupe reprend un brin de Black Sabbath avec Paranoïd, pense aux copains avec un hommage à Schultz et Sven de Parabellum avec, entre autres, un extrait de Cayenne ; et comme le copain Kemar fait aussi partie de la fête du bal cette année, la bande de potes conclut sur un Ace Of Spades et un Territorial Pissing atomique.

Comme je le disais en introduction, inutile de vous rappeler la qualité d’une prestation des Tagada Jones, elle fut encore une fois impeccable. Le public aura répondu par des slams et des pogos à tout rompre, une véritable histoire d’amour qui dure depuis un quart de siècle…

Cette quatrième édition de La Voix Du Rock aura été une véritable réussite. La programmation remarquable, un cadre exceptionnel, et des conditions scéniques de très bonne qualité auront contribué au succès de cette édition. Mais je pense que c’est avant tout l’état d’esprit général qui se dégage de ce festival qui est à souligner : des bénévoles bienveillants, des conditions d’accueil agréables qui font l’ADN de ce festival et qui mérite sa première franche réussite populaire avec six mille festivaliers sur deux jours. Vivement l’année prochaine !

 

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