Kreator + Arch Enemy

Date

02 Décembre 2014

Lieu

Paris

Chroniqueur

Blaster of Muppets

L I V E R E P O R T

Quelle belle affiche que celle présentée au Bataclan le 2 décembre dernier ! Kreator et Arch Enemy ensemble... ça promet. Sans être un fan absolu, Je connais et apprécie Kreator (le dernier album en date, Phantom Antichrist, est vraiment une petite tuerie) mais ne les ai encore jamais vu en concert (oh, ça va, hein... je vous entends me huer derrière votre écran) ; quant à Arch Enemy, je les ai déjà vus plusieurs fois mais pas avec leur toute nouvelle chanteuse, la bleutée Alissa White-Gluz, et j'ai hâte d'entendre ce que donnent les nouvelles compos (extraites d'un War Eternal qui divise les fans de par son approche parfois très mélodique mais qui, personnellement, m'a vraiment beaucoup séduit) sur scène. Par contre, désolé pour les groupes qui ont ouvert la soirée (Drone et Slamdown) mais mon arrivée tardive au Bataclan ne m'a pas permis de voir de quoi il en retournait. 

Commençons donc le récit de la soirée directement avec les Suédois d'Arch Enemy. Petite appréhension avant leur montée sur scène, les interviews ont été annulées car les membres du groupe seraient malades et, par conséquent, en petite forme. Cela fait déjà plusieurs mois que le combo est sur la route (ils reviennent d'ailleurs d'une tournée aux Etats-Unis avec les mêmes Kreator qui les accompagnent en Europe) et leur état de fatigue est, paraît-il, assez décelable. Malgré cela, une fois l'intro de rigueur passée (la bande envoie logiquement le Tempore Nihil Sanat du dernier opus), l'entrée sur scène - qui se fait sur le titre War Eternal - est plutôt énergique et convaincante. 

Il y a du changement chez Arch Enemy. Evidemment, et cela n'aura échappé à personne, il y a tout d'abord la charmante Alissa. Enfin... charmante, elle sait se faire bestiale et agressive comme sa prédécesseure, mais il est vrai qu'elle joue davantage la carte de la séduction. Vocalement, White-Gluz n'est pas un clone de Gossow mais elle reste tout de même dans la lignée de ce qu'on connait. Les parties les plus agressives sont assurées avec vigueur et conviction... certains diront qu'Alissa n'est pas tout à fait aussi impressionnante qu'Angela, celle qu'elle remplace, mais je trouve qu'elle s'en sort plutôt bien. Bon, évidemment, sur ses propres morceaux, pas de souci... et pas de comparaisons possibles, forcément. Ce que la nouvelle vocaliste apporte au groupe, c'est davantage de chaleur et de sourire. La fougue et l'agressivité sont conservées mais avec une touche légèrement plus "humaine" en sus. Et si vous connaissez un peu la demoiselle, vous n'êtes pas sans ignorer qu'elle vient de Montréal... Du coup, la communication avec le public se fait en français, et ça aussi ça change et apporte quelque chose de neuf. Mais ce n'est pas tout, le combo a tout récemment accueilli un guitariste américain dans ses rangs et pas n'importe lequel puisqu'il s'agit de l'impressionnant Jeff Loomis (ex-Nevermore). En effet, Nick Cordle a quitté Arch Enemy il y a quelques semaines et le nom du remplaçant ne s'est pas fait attendre. Cependant, le changement est moins remarquable. Loomis joue ses parties avec brio (on n'en attendait pas moins de lui) mais reste assez discret et souvent cantonné à son coin de scène. 

Parlons un peu musique. Après War Eternal, Arch Enemy propose un retour aux classiques avec la toujours excellente Ravenous (extraite du non moins excellent Wages Of Sins) puis rendra visite à différents albums de sa discographie en privilégiant évidemment sa dernière offrande (trois titres seront extraits de War Eternal, avec You Will Know My Name et As The Pages Burn en plus de la chanson titre) ainsi que l'album précédent, Khaos Legions, avec là aussi trois compos : la speedée Bloodstained Cross et son riff ravageur et les plus mid-tempos Under Black Flags We March et No Gods No Masters. Anthems Of Rebellion ne sera pas oublié avec We Will Rise et Dead Eyes See No Future. L'impasse sera faite sur Rise Of The Tyrant mais pas sur Doomsday Machine puisqu'un set d'Arch Enemy n'en serait pas tout à fait un sans la présence de My Apocalypse et Nemesis. Et là, vous vous dites peut-être la même chose que moi... C'est bien mais très prévisible. Le groupe aligne ses classiques (ou ses titres pour lesquels des vidéos ont été tournées) sans essayer de glisser un petit élément de surprise dans la machine. Je ne crache pas dans la soupe, j'aime beaucoup la plupart des morceaux joués ce soir mais il y a d'autres compos extraites du nouvel album que j'aurais aimé entendre en concert... Et puis, un peu d'inattendu est toujours appréciable (c'est mon avis, en tout cas)... mais pas ce soir, visiblement. 

                   

Le Bataclan réagit très positivement au show du groupe suédois. L'ambiance est chaleureuse, certains thèmes joués à la guitare lead seront même repris par les fans chantant comme un seul homme (un peu comme dans un concert de Maiden), et on trouve les habituels pogos et autres slams de circonstance. Pourtant, le show a beau être carré et agréable, je trouve qu'il lui manque encore un petit quelque chose... mais quoi ? Le groupe fait le boulot mais peut-être que ça manque un peu d'implication (on ne relève pas parce qu'ils sont censés être malades ?) ou d'un grain de folie. Les interactions entre les musiciens ou entre les musiciens et le public sont très limitées... et le combo, malgré les efforts de Miss White-Gluz (qui est, je dois le dire, aussi un peu plus maniérée et poseuse que Gossow), conserve un côté un peu froid. Il y a autre chose aussi... mais cela ne s'imposera à moi qu'un peu plus tard, par comparaison avec la prestation de Kreator : peut-être que tout cela manque d'un zeste d'agressivité. Pourtant il y a bien des passages qui dépotent mais il est vrai que la musique d'Arch Enemy reste très mélodique et que, de la part d'un groupe censé évoluer dans la sphère melodeath, on pourrait s'attendre à quelque chose d'un peu plus renversant. Le contrat est tout de même globalement rempli, car les musiciens restent impressionnants et la musique de qualité, mais j'attendrai de revoir Arch Enemy en tête d'affiche (et en plus grande forme) avant de me faire un avis définitif sur ce nouveau line-up.

Setlist Arch Enemy :

01. Intro : Tempore Nihil Sanat
02. War Eternal

03. Ravenous
04. My Apocalypse
05. You Will Know My Name
06. Bloodstained Cross
07. Under Black Flags We March
08. As The Pages Burn
09. Dead Eyes See No Future
10. No Gods No Masters

11. We Will Rise
12. Nemesis
13. Fields Of Desolation (outro)

                   

 

Arch Enemy a honorablement rempli sa mission et a bien chauffé la salle avant l'arrivée des vétérans du thrash allemand : les vénérables Kreator. A quelle sauce allons-nous être manger ce soir ? Ma seule connaissance scénique du quatuor se limite jusque-là au visionnage des DVD que j'ai en ma possession et je dois dire que j'ai hâte de me prendre ma petite claque... ça tombe bien, elle arrive et j'ai la nette impression que je vais la sentir passer.

                   

Le dernier album en date, c'est Phantom Antichrist, déjà sorti depuis deux ans... mais ce n'est pas l'intro de celui-ci qui résonne dans les enceintes du Bataclan pendant que les musiciens montent sur scène. A la place, c'est The Patriarch, l'intro de l'album qui célébra le retour des teutons au thrash pur jus en 2001 (après une petite décennie consacrée à l'élargissement des horizons de Kreator avec des albums plus expérimentaux ou mélodiques) : le fameux Violent Revolution. Une fois le quatuor en place, il enchaîne avec la chanson titre du même disque. Comme je m'y attendais, ça calme. Ce n'est pas la tornade non plus mais c'est normal, le titre choisi pour commencer (aussi bon soit-il) n'est pas le plus ébourriffant de la discographie des Teutons. Un petit Civilization Collapse, autrement plus rapide et implacable, en deuxième position se chargera donc d'un débourrage plus intense et décoiffant. La musique est forcément vindicative, c'est du Kreator pas du Chantal Goya, mais pour que l'atomisation soit complète, les lumières stroboscopiques sont copieusement utilisées en renfort. 

                   

Comme ce fut le cas pour Arch Enemy (j'ai oublié d'en parler, je me rattrape maintenant), quelques animations, photos ou vidéos sont projetées sur le fond de la scène. Les lumières ne nous permettent pas toujours de bien voir ce qui est proposé mais ce n'est pas bien grave, on n'est pas spécialement venu pour mater un film. De temps en temps, on a le droit à une pochette d'album, une photo d'époque (pendant Extreme Aggressions, notamment) ou un clip (Impossible Brutality). Disons que ça ajoute un peu d'animation au show car si Mille Petrozza et ses sbires font preuve d'une indéniable efficacité, on n'ira peut-être pas jusqu'à affirmer qu'ils sont ultra-dynamiques ou charismatiques sur scène. Donc non, les musiciens ne sont pas déchaînés, leur truc, c'est plutôt la force tranquille. A ce titre, Sami et Christian (respectivement guitariste et bassiste) sont même assez flegmatiques... mais leur prestation est aussi carrée qu'efficace. Petrozza, en tant que leader hargneux, est logiquement un peu plus belliqueux... Vu l'agressivité des lignes de chant, le contraire aurait quand même été étonnant. 

Au sein du groupe, il y a un musicien également assez discret derrière son instrument mais qui m'impressionne beaucoup, c'est le batteur Jürgen Reil surnommé Ventor. Il n'en fait pas des caisses et se situe à des années lumières d'un showman à la Mike Portnoy mais sa performance force l'admiration. Force de frappe, rapidité et précision sont au rendez-vous et vu le rythme effréné auquel s'enchaînent les compos (qui, en plus, sont presque toutes assez véloces), on se dit que le bonhomme est sacrément endurant. Bluffant.

Niveau communication avec le public, Kreator ne fait pas spécialement dans le chaleureux. C'est même plutôt bref et sommaire. En gros, quand Petrozza prend la parole, c'est essentiellement pour dire qu'il veut du chaos. Les fans n'ont pas besoin de ça pour créer quelques beaux circle pits ou moshpits tout au long du concert, mais on sent bien que, galvanisés par les encouragements du leader, ils sont prêts à se dépasser si on leur demande "gentiment"... Gentiment, dans la bouche de Petrozza, ça donne "I want chaoooos!!!!" ou "I wanna see a moshpit... Paris style !!!". A un moment, on aura quand même le droit à un joli petit discours nous rappelant que Paris n'est pas juste connu pour le Louvre, Montmartre, la Tour Eiffel (etc.) mais également pour ses moshpits. Tous les moyens sont bons pour parvenir à ses fins. 

A part ça... eh bien, ça tabasse ! La setlist mélange allègrement compos assez récentes (From Flood Into Fire, Enemy Of God, Voices From The Dead, Hordes Of Chaos ou la terrible Phantom Antichrist, dans le désordre) avec quelques classiques plus anciens comme Extreme Aggressions, Pleasure To Kill ou Endless Pain. Quelque soit l'époque représentée, il y a un dénominateur commun à toutes ces compos : une brutalité sans concession. C'est direct et ça fait mal ! Heureusement que, de temps en temps (mais rarement quand même), le quatuor nous offre un morceau un peu moins rageur histoire de souffler un peu... Ainsi,  Phobia ou People Of The Lie, déjà particulièrement excellentes, seront d'autant plus appréciées. 

Petites choses plus ou moins intéressantes ou insolites à noter : j'ai vu quelque chose que j'ai trouvé assez surprenant, assez tôt dans le show (sur Extreme Aggressions, il me semble), on a eu le droit à une sorte de pluie de confettis. Sérieusement ? Des confettis... sur du thrash... et du Kreator en plus. Marrant... c'est plutôt en décalage avec tout le reste du concert mais pourquoi pas ? A part ça, sur Voices Of The Dead, ce sont des photos de musiciens morts qui ont défilé sur le rideau de fond de scène. Bon ScottClive Burr, Cliff Burton, Jeff Hanneman, Chuck Schuldiner, Scott Columbus et beaucoup d'autres ont été rappelés à notre souvenir pendant ce morceau... La dernière photo projetée fut celle de Ronnie James Dio. Autre surprise de la soirée : une reprise. En effet, après nous avoir infligé un doublé particulièrement ravageur (Hordes Of Chaos / Pleasure To Kill), Kreator quitte la scène du Bataclan et revient pour entamer son rappel sur The Number Of The Beast de Maiden. Plaisant. D'autant plus que le morceau se voit légèrement thrashisé, surtout sur le refrain où une bonne partie de double grosse caisse est venue faire un petit tour. Très sympa.

Pour bien finir la soirée après ce The Number Of The Beast inattendu, la sauvage Warcurse nous est infligée... On se rappelle le début des 90's avec l'imparable People Of The Lie (dommage que cette compo soit la seule rescapée de Coma Of Souls) avant de se remanger une dernière salve speed et plombée avec le petit duo traditionnel de fin de concert nommé Flag Of Hate / Tormentor.

Que dire ? Je ne suis pas déçu de cette prestation de Kreator dans la mesure où j'ai eu ce à quoi je m'attendais. Je n'étais pas venu pour me marrer et tant mieux. Le show fut puissant et solide. Pas de bla bla, pas de longueur : du thrash jusqu'à plus soif. Certes, ce n'est pas très chaleureux, le groupe est un peu statique et le déroulé du concert est un chouilla linéaire mais il y a quelque chose d'impressionnant dans la façon dont il maîtrise son art. Le son fut globalement bon car assez fort et puissant... le petit bémol provient du fait que la batterie était très en avant et que, parfois, j'aurais aimé mieux distinguer les riffs... ça n'a pas gâché la fête pour autant. Voilà, Kreator, c'est fait. Je ne dis pas que j'y retournerai forcément à chaque nouvelle tournée mais le décrassage de tympans offert par ces vétérans vaut le coup. Il faut l'avoir fait au moins une fois dans sa vie de métalleux. 

Setlist Kreator

01. Intro : The Patriarch
02. Violent Revolution

03. Civilization Collapse
04. From Flood Into Fire
05. Extreme Aggressions
06. Phobia
07. Enemy Of God
08. Voices Of The Dead
09. Awakening Of The Gods (intro) / Endless Pain
10. Suicide Terrorist
11. Mars Mantra / Phantom Antichrist
12. Impossible Brutality
13. Hordes Of Chaos
14. Pleasure To Kill
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15. The Number Of The Beast
16. Warcurse
17. People Of The Lie
18. Flag Of Hate / Tormentor

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