Tout était prêt, la solitude comme compagne et l'immense nuit comme décor. Casque posé sur les oreilles, j'attendais l'enlèvement, languissant la visite de ces dimensions promises par le groupe et par cet album bellement paré dans son artwork somptueux. Black metal atmosphérique, porte d'entrée pour l'extérieur, porte magique vers d'autres mondes où le rêve se vit éveillé pendant que la conscience fait sa pause pour nous laisser divaguer ailleurs... paisiblement, loin. Je m'engage alors pour soixante treize minutes d'une musique de cave destinée à joindre le cosmos, sans artifices ni booster de son, juste une âme, Black Sorcerer Battle, qui compose seule et loin des hommes, ses longues pièces évocatrices et immersives. La proposition est belle, la démarche l'est encore plus, pureté de l'art brut qui n'attend et n'espère rien en retour. 

Tout était prêt donc, mais je n'ai jamais pu la toucher du doigt cette nébuleuse du rêve qui attendait que je me fonde en elle, moi qui désirais plus que tout y disparaître. Je l'ai approché, à de nombreuses reprises, frôlé les abysses, j'ai longtemps tourné autour mais rien n'y a fait. Faute à cette boîte à rythme d'un autre âge peut-être, à ce martellement parfois trop synthétique. Faute à ces morceaux finalement trop longs, à leur structure perfectible, faute à tous ces petits éléments qui, s'ajoutant les uns aux autres, fragilisent l'édifice, fissurent la magie et empêchent le voyageur d'atteindre le terme d'un périple pourtant plein de promesses, aux confins des galaxies, au bout de l'infini.

Battle Dagorath s'efforce depuis maintenant six albums, et avec une classe certaine, de nous prendre par l'âme pour nous envoyer valser aux quatre coins de l'univers avec ses synthés magnifiques, imposants, grandioses, son Black Metal lo-fi, abrasif comme il se doit et ses vocaux glaçants qui percent cette sombre nuée de riffs et d'arpèges oniriques. Le groupe, devrais-je dire one-man-band, connaît les codes du genre sur le bout des doigts et les manie admirablement mais une pointe d'amateurisme l'empêche encore aujourd'hui de passer le cap qui lui permettrait d'aller rejoindre l'Empereur, Limbonic Art ou Paysage D'hiver dans la cour des très grands qui vous catapultent parmi les étoiles en trois riffs toujours magiques, sans fausses notes ni fautes de goût.

Une fois de plus l'effort est louable, irréprochable sur la plan de l'engagement, parfaitement inattaquable sur celui de la sincérité, mais il manque peut être au projet une deuxième âme qui viendrait, avec un œil neuf, corriger les quelques erreurs sans lesquelles Battle Dagorath serait déjà très grand, voire immense, pour qui souhaite se perdre loin de ce monde le temps d'un disque.

Tracklist de Abyss Horizons :

01. Womb of the Labyrinth
02. Incantation of the Vortexx
03. Spectral Emanations
04. Phantasmal Eye of Dreams
05. A Voiceless Call
06. Conjuring the Starwinds
07. Twilight of the Cold Sun
08.Saturnian Moons