Artiste/Groupe:

Igorrr

CD:

Savage Sinusoïd

Date de sortie:

Juin 2017

Label:

Metal Blade

Style:

Breakcore

Chroniqueur:

Lurk

Note:

19.5/20

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Haaa Igorrr, vous n’imaginez pas à quel point je suis heureux de pouvoir le chroniquer ici. Il s’agit probablement de mon énergumène préféré, un génie du mélange des genres dont l’œuvre ne pourra être appréciée à sa juste valeur que par une fraction infime de mélomanes dégénérés. Une secte étrange dans laquelle j’espère pouvoir vous embrigader. Ici, plus rien n’est sacré, tout est à profaner. Alors ouvrez vos esgourdes et vos chakras, c’est parti.

Cela commence sur une piste évoquant un grindcore décérébré, tempo lent et lourd martelant des riffs de guitare bêtes et méchants, soupoudrés de hurlements insensés. La guitare et la batterie sont allègrement glitchés, offrant une seconde couche au morceau, électronique. Un pilonnage qui s’avère être de courte durée, pour le meilleur ? 

C’est donc sur un ton incongru que le clavecin déroule ses premières notes, accompagné par un chant déchiré et solennel. Puis un monstre de kick électronique nous secoue par sa respiration puissante avant de laisser la place à un pur riff issu du black metal, sur lequel une voie féminine lyrique viendra étaler tout son talent de cantatrice baroque. Vous n’avez rien compris ? C’est normal, écoutez donc, plutôt que de lire :

C’est bon vous avez fini ? Votre vie vient-elle de prendre un nouveau tournant ? Avez-vous vu la lumière salvatrice au bout du tunnel ? C’est tout le malheur que je peux vous souhaiter.

Igorrr, comme vous avez pu le constater, est une entité particulière. L’esprit créatif derrière ce monstre musical, c’est Gautier Serre. Et celui-ci sait s’entourer des meilleurs. Laurent Lunoir et Laure Le Prunenec, les deux chanteurs d’Öxxö Xööx avec qui il colabore régulièrement. Ceux-ci chantent dans une langue de leur cru, pour un côté ésotérique pas piqué des hannetons. A la batterie, c’est Sylvain Bouvier qui joue le rôle du bûcheron. Et tous les autres instruments que vous entendez sont joués par des musiciens de session, dont la liste est longue mais dont le talent n’est pas moindre. 

Et comme vous avez pu le constater (bis), la liste des influences est encore plus longue. Tout y passe, de la musique baroque au hardcore/crossbreed, en passant par le breakbeat et le black metal, of course. Si Igorrr était classifié jusque-là en tant qu’artiste « breakcore », il a clairement dépassé ce statut avec cet album, se débarrassant de toute barrière stylistique pour une musique intégrée.

Ce n’est pas Houmous qui viendra me contredire avec cette association parfaite entre une musique folklorique de l’est de l’Europe jouée à l’accordéon, soupoudrée de blast beats vénères. Et il n’y a pas que l’idée. L’accompagnement à la guitare sèche est parfait, tout comme la production limpide qui ne laisse aucun instrument de côté. Et cette outro cheaptune. Yum.

Avec Opus Brain, c’est encore le feu d’artifice. Il se passe tellement de choses dans ces morceaux qu’il est illusoire d’être exhaustif. Et probablement contreproductif, focalisons-nous donc sur l’anecdotique et apprécions ce petit passage joué au sitar. 

Problème d’émotion, c’est l’interlude qui vous reposera les oreilles et le cerveau. Appréciez la voix cristalline de Laure et l’arrangement élégant. Est-ce un thérémine que j’entends ? Le morceau monte cependant en intensité jusqu’à une apogée électronique qui met à l’amende de nombreux producteurs drum & bass rien qu’en terme de sound-design.

Spaghetti Forever nous propose à nouveau quelques mandales dans la tronche, c’est à prendre ou à laisser, mais je conseille. Ceci avant d’enchainer avec ma valse préférée, Cheval, dont la batterie puissante accompagne un accordéon délicieux. Travis Ryan vient poser sont growl, comme ça, au passage. Le bal musette, version sous stéroïdes. Si toutes les fêtes au village étaient comme ça, on m’y aurait vu plus souvent.

Retour de la mandale, retour de Travis, c’est Apopathodiaphulatophobie. Je voulais dire autre chose, mais c’est resté coincé. Continuons donc avec Va Te Foutre (non je n’ai rien oublié) qui est probablement la première œuvre black metal jouée au clavecin, puis Robert, un autre exemple de Sound-design innovant et impressionnant, amenant au final.

Et le final s’appelle Au Revoir. Un nom approprié pour une fin d’album appropriée. La mélancolie s’installe dès les premières notes et le morceau laisse de côté les excentricités pour mieux monter en puissance jusqu’à un final intense. Comment bien finir un album en une leçon, par Igorrr.

Quarante minutes se sont écoulées. C’est à la fois long, de par la profusion d’éléments présents dans cet album, mais aussi bien court. La notion du temps disparaît à l’écoute de Savage Sinusoid, la stimulation est telle que le cerveau est constamment subjugué, éclipsant toutes les fonctions si ce n’est celle de l’écoute. Alors quand ça s’arrête, un seul mot s’impose.

Déjà ?

 

Tracklist de Savage Sinusoid :

01. Viande
02. ieuD
03. Houmous
04. Opus Brain
05. Problème d'émotion
06. Spaghetti Forever
07. Cheval
08. Apopathodiaphulatophobie
09. Va te foutre
10. Robert
11. Au Revoir