[Mode Enervé: On] On a vraiment un problème en France avec le rock et le
metal ! On a des studios, on a des groupes, excellents, nombreux, mais inconnus ou presque, qui
produisent des petits bijoux dans l’indifférence totale de tous. On dit que la France
n’est pas une terre de rock : foutaise ! On a des musiciens, des compositeurs, des producteurs. Ce
qu’on n'a pas, c’est un public ! Vous, moi, nous quoi ! Personne dans les petites salles de
concert, personne pour acheter des CD, personne pour essayer de découvrir autre chose que les
éternels Trust ou Telephone. Quelle tristesse ! De voir que
Gojira est plus connu à l’étranger que dans son propre pays, que les
groupes se défoncent, innovent, que des disques sortent, ne passent nulle part en radio, nulle part
en télé et restent complètement confidentiels malgré leur potentiel artistique
indéniable. Le public metal, vous, moi, n’est pas non plus exempt de reproche. Souvent
accroché à ses bons vieux groupes repères, préférant leur n-ième album
sans surprise à la fraicheur des nouveaux venus et au final rarement ouverts à de la
nouveauté surtout, surtout... si c’est français. Je dirais même qu’il y a un
certain snobisme de la scène rock/metal française. C’est exactement comme avec le
tourisme. On préfère partir à l’autre bout du monde, alors qu’on ne connait
rien de son propre pays, par ailleurs destination numéro un des étrangers (ça
n’est pas vraiment le cas du rock par contre...) [Mode Enervé:
Off]
Donc voilà, je vous propose de découvrir un autre groupe français
(franco-irlandais pour être précis) : Molybaron. Le groupe formé en 2014
sort son premier album qui s’appelle juste Molybaron, entièrement auto produit
(bravo les labels qui ne servent à rien, surtout pas à découvrir des nouveaux talents !).
Le groupe est composé de Gary Kelly (chant/guitare), et c’est donc
l’Irlandais de la bande, de Steven André (guitare), de
Sébastien de Saint-Angel (basse) et de Raphaël Bouglon
(batterie). A noter que Raphaël n’est pas le batteur sur l’album, il
est arrivé après, et sur l’album c’est un batteur de session de Nashville,
Chris Brush qui a enregistré les plans de batterie en suivants des enregistrements
midi de boite à rythme. En parlant de galère pour trouver le bon batteur, le groupe a aussi
galéré pour trouver un chanteur puisque, à la base, Gary était
juste guitariste, mais lors d’une répète il s’est découvert être un
excellent chanteur, qui depuis a donné une véritable signature sonore au groupe (et un accent
anglais irréprochable). Voilà pour les présentations. Au niveau du son, c’est
superbe. Enregistré dans le home studio de Gary (sauf pour la batterie donc) et
mixé par Alexey Stetsyuk en Bielorussie. Eh oui, étonnant, mais le gars a
proposé ses services, montré ce qu’il pouvait faire du son, et les
Molybaron ont immédiatement adoré son boulot et parle même de
retravailler avec lui pour l’album suivant. Et tout ça entièrement réalisé
à distance.
Côté textes et pochette (Gary est par ailleurs
graphic designer, donc il s’est aussi occupé de ça), on voit de suite qu’on est en
présence de chansons qui essayent de passer des messages, ou au moins de dresser de sombres
constatations sur nos dépendances aux médias, aux télés qui nous bouffent le cerveau
(cf le type dans sa chaise sur la pochette qui se fait happer). Ca cause aussi de peurs,
d’apocalypse, de solitude, bref c’est sombre, mais c’est beau, profond et bien
écrit. Côté compo c’est du grand art. Avec dix morceaux assez différents mais
tous excellents qui ratissent ultra large au niveau des influences. Chacun y retrouvera sûrement
des choses de sa jeunesse, des bouts de rock des années 90 (le chant de Gary qui
sonne comme du Brian Molko de Placebo, en plus bas, croisé avec
Serj Tankian de System Of a Down, en plus calme). DuLed
Zep, du Thin Lizzy, du Talking Heads, du
Muse, du Red Hot Chili Peppers, on entend un peu de tout ça en
écoutant les dix morceaux de ce premier album, mais surtout on entend une réelle
originalité dans le projet musical. Et ça ça fait plaisir.
Dès les
premières mesures de Fear Is Better Business Than Love, on est saisi par la basse de
Sébastien et la voix de Gary. C’est du gros son
côté quatre cordes, ça vrombit, ça défonce tout sous les coups de
médiator. Les guitares de Gary et Steven enfoncent le clou, avec
de longs sustains qui accompagnent Gary et son « taste of cyanide ». On en
aurait presque le goût dans la bouche. Le son (Rickenbacker ? ou Explorer ?) de la basse est encore
plus puissant (ça ne semblait pas possible) sur Moly, le morceau suivant (refrain à
la Placebo), vraiment excellent. Chris, le batteur de session, a fait
du très bon boulot, j’ai hâte d’entendre ce que Raphaël aura
apporté. C’est aussi ce morceau qui a été choisi pour le premier clip
:
Ce sont les riffs des
guitares qui propulsent le morceau suivant, Let’s Die Together. Mais quand elles
s’arrêtent pour laisser Gary et sa voix trafiquée, c’est encore
une basse surpuissante qui porte le morceau. C’est lourd, et c’est excellent.
Dance, qui suit est un superbe morceau, très original, côté tempo, assez
saccadé sur le refrain, plus posé sur le couplet. Le refrain est très accrocheur, on ne
ressort pas indemne d’une telle tuerie. Pour se calmer, voilà Sleep Leaves This
Place, bien chanté, plein d’émotions. Ca repart de plus belle avec On The
Other Side et son rythme syncopé ainsi que son couplet plus calme. J’adore
le morceau The Apocalypse Shop qui aurait pu être sur un album solo de Serj
Tankian, c’est original, un peu déjanté, avec un refrain imparable, et un
solo de guitare inspiré. En fait tout ça c’était déjà excellent, mais
les trois derniers morceaux sont, à mon goût, encore meilleurs. D’abord Only When
Darkness Falls, au refrain qu’on reprend à tue-tête tellement il est bien foutu,
puis le clou de l’album, Incognito, au refrain très SOAD dans
l’âme, une vraie réussite comme j’aimerais en entendre plus souvent. Quel chant de
Gary ! Et le final est énormissime, je vous disais qu’il y a du
System Of a Down dans ce morceau délirant. Je vous ai retrouvé la vidéo
(pas parfaite) de leur passage à l’Elysée Montmartre, en première partie de The
Psychedelic Furs.
Enfin le dernier
morceau, Mother, est encore excellent, à la sauce Metallica (riffs) meets SOAD (chant), bien
riffé, son puissant, énorme final.
Si ma description ne vous convainc toujours pas, je
vous conseille d’aller jeter un œil et une oreille attentive sur leur site Bandcamp, ou vous
pouvez tout écouter et acheter en numérique (au prix que vous voulez). C’est pas la
classe ce groupe, mec ? Fais leur honneur bordel ! Et si ça passe près de chez toi, tu vas me
faire le plaisir de lâcher tes charentaises et d’aller secouer ta carcasse en me remerciant.
Tracklist de Molybaron :
01. Fear is
Better Business Than Love 02. Moly 03. Let's Die Together 04.
Dance (Addicted to the Disco) 05. Sleep Leaves This Place 06. On the Other
Side 07. The Apocalypse Shop 08. Only When Darkness Falls 09.
Incognito 10. Mother