Robert Cray

Artiste/Groupe

Robert Cray

CD

Nothin But Love

Date de sortie

Aout 2012

Label

Mascot Records

Style

Blues

Chroniqueur

Didier

Note Didier

17/20

Site Officiel Artiste

Myspace Artiste

C H R O N I Q U E

Merci de venir lire cette chronique. De deux choses l’une. Soit vous savez qui est Robert Cray et vous aimez le blues. Soit vous ne savez pas qui est Robert Cray, mais votre curiosité musicale l’a emportée. Dans les deux cas merci car je me suis demandé s'il était oui ou non pertinent de chroniquer un album de blues sur notre webzine. Certes, le blues est à l’origine du rock et donc forcément du hard rock, mais il est clair qu’à l’écoute de certains groupes dits extrêmes, les  racines blues sont très profondes, voire disparues et relativement peu de jeunes metalleux sont amateurs de blues, souvent relégué dans la catégorie de musique de vieux. Moi perso, j’assume, j’ai toujours aimé le blues et les groupes de metal influencés par le blues. Il faut reconnaitre aussi que des musiciens blues (hard) rock récents comme Joe Bonamassa, Philip Sayce, Kenny Wayne Shepherd ont pas mal fait pour redorer le blason du blues rock auprès des fans de rock plus pêchu, et c’est une bonne chose. J’ajouterais même que le dernier album d'Europe flirte pas mal avec le blues rock, et donne la sensation que cette musique est éternelle. Alors les portes du metal ont décidé de s’ouvrir en grand et d’accueillir cet album de blues. Les statistiques du site me donneront-elles raison ?

Robert Cray, 59 ans, c’est plutôt un gars de la vieille école, un ancien, une figure emblématique du blues. Il n’a plus rien à prouver : des Grammy Awards, intronisé au Blues Hall of Fame, des millions de disques vendus, il a joué avec les plus grands noms du blues, bref, celui que BB King a surnommé le Prophète du Blues revient en 2012 avec un nouvel album studio, Nothin But Love, le seizième de sa carrière. L’album est signé du Robert Cray Band et justement, ce Band est un peu un retour aux sources puisque d’anciens musiciens avec lesquels il avait déjà travaillé sont de retour. Tony Braunagel est à la batterie, Jim Pugh aux claviers, Richard Cousins à la basse et bien sûr Robert Cray au chant et à la guitare. Pour assurer un son moderne et puissant, Robert s’est offert les services de Kevin Shirley à la production, c’est le même Kevin qui produit des artistes comme Joe Bonamassa, Aerosmith ou encore The Black Crowes. L’album a été enregistré à Los Angeles en seulement deux semaines, et en seulement quelques prises live, pour restituer ce côté live et cru du blues.

Le ton d’un album de blues est souvent… mélancolique. Par essence, le blues c’est un peu la loose, la déprime, c’était à l’origine la musique des esclaves noirs américains, qui chantaient leurs conditions d’existence, donc forcément pas super folichon. Comme le dit le comique Eddy Le Quartier, dans son mythique sketch, sur ce qui est du rock et ce qui n’en est pas : "le blues c’est facile, tu t’assois dans un champ et tu cries". Il aurait pu tout aussi bien dire, "et tu pleures". Car là aussi, c’est plutôt tristounet et engendre la mélancolie et la réflexion. Sur cet album Robert chante des femmes qui le quittent ou l’ont quittées, la perte de son job, de sa maison, le chômage, bref, toujours des choses plutôt noires, sans jeu de mot. Cela dit, tout est ici triste mais beau, et même hors contexte blues, les artistes avouent avoir souvent plus de facilités à composer sur des thèmes tristes que lorsque tout va bien et que les oiseaux chantent.

Si la plupart des morceaux sont bien sûr très blues, on trouve aussi des choses plus soul (Great Big Old House) ou jazz (I'll Always Remember You), toujours de très bon goût. La voix de Robert est magique, cristalline et chaude, un vrai plaisir à écouter. Sa guitare l’accompagne quasi en permanence, de petites touches de solo et de rythmiques précises, qui viennent appuyer un magnifique piano blues d’une limpidité incroyable. Dans la catégorie des morceaux essentiels de cet album, je retiens celui qui l'ouvre, Won't Be Coming Home (là, sa femme le quitte et il reste assis à sa table comme un couillon). Il en ressort une émotion et une subtilité dans les jeux de guitare, piano et dans le chant qui sont incroyables, le tout mis en valeur par une prod aux petits oignons.  J’aime beaucoup ce Worry (là, il s’inquiète pour la femme qu’il aime), typé vieux blues jazzy, avec un énorme piano et de bons chœurs sur le refrain. J’aime aussi beaucoup ce morceau I'll Always Remember You (là, sa femme est partie et lui boit), aux accents de vieux blues des années 50 (pourtant très jazzy pour mes goûts), avec une grosse section cuivre et un très bon piano, la guitare se contentant d’un excellent solo. Side Dish (là il n’arrive pas à brancher des nanas) est un morceau plus guilleret, très dansant, avec un riff de basse excellent qui rythme le tout. Le piano et la guitare s’en donnent à cœur joie, c’est un des meilleurs morceaux de l’album, à mon avis. Dans Blues Get Off My Shoulder, il explique que rien n’y fait, et malgré ses supplications il ne peut se débarrasser de ce blues qui l’accapare. Un fois de plus, le duo piano / guitare est magnifique, ici complété par une section cuivre. Fix This (là, il décrit pourquoi son couple est parti en vrille), est un très bon blues traditionnel, bien chanté. Great Big House (une maison qui tombe en ruine, abandonnée par ses occupants ruinés) est un morceau plus Soul, avec un gros son de synthé sur lequel la voix de Robert est superbe. 
Tout ça fait déjà un paquet de bons morceaux, mais la perle est cachée en huitième position. Une tuerie, sous la forme d’un blues super calme, I’m Done Cryin’ (là, il a perdu son job, délocalisé à l’étranger, puis sa maison, pour finir avec sa famille dans la rue). S’il y dit n’avoir plus aucune larme à pleurer, méfiez-vous, vous pourriez vous-même succomber à l’émotion que dégage ce morceau, et en verser une petite. Triste et superbe à la fois, un petit bijou.

Pour conclure, je dirais que cet album, malgré sa tonalité tristounette, m’a fait un bien fou, comme si d’entendre les malheurs de quelqu’un d’autre permettait de relativiser les siens. Si vous êtes fan de blues, c’est un album à ajouter à votre collection car il est homogène et très bon. Si vous n’êtes pas fan de blues mais curieux, vous pourriez tenter l’expérience avec cette pépite du Prophète du Blues, aux sonorité modernes mais traditionnelles. Si des fois ça ne vous plaisait vraiment pas, je m’en excuse par avance, mais au moins vous serez fixé, vous n’aimez pas le blues, point barre, car c’est ici ce qu’on fait de mieux dans le genre.

 

Tracklist de Nothin But Love:

01. (Won't Be) Coming Home
02. Worry
03. I'll Always Remember You
04. Side Dish
05. A Memo
06. Blues Get Off My Shoulder
07. Fix This
08. I'm Done Cryin'
09. Great Big Old House
10. Sadder Days
11. 100 Miles (Bonus Limited Edition)

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