STRAPPING YOUNG LAD

Artiste/Groupe

Strapping Young Lad

Album

City

Date de sortie

1997

Style

Métal Extrême

Chroniqueur

Damien

Site Officiel

http://www.strapping
younglad.com/

C H R O N I Q U E

Strapping Young Lad

Au diable les présentations. Strapping Young Lad, pour les incultes, c'est le groupe extrême de Devin Townsend, qui au-delà d'être un sacré musicien peut se targuer d'être un des plus grands psychopathes de l'ère des guitares saturées. En 1997, soit il y a exactement 10 ans, ce canadien décide de donner un successeur au poisseux Heavy As A Really Heavy Thing, album passé inaperçu sur notre continent mais ayant gentiment permis de faire circuler le nom de cette bête immonde.

La genèse durant un concert d'Iron Maiden, le 28 février 1996, Devin rencontre Gene Hogland, batteur de ni plus ni moins que Death, Dark Angel et Testament. Ils deviennent amis et composent ensemble. Devin est en colère, Devin en veut au monde entier et il le fait savoir. Ross Robinson, célèbre producteur des Korn, Slipknot et autres Sepultura, confiera à Gene Hogland qu'alors que Strapping enregistrait, la bande à Jonathan Davis composait Life Is Peachy dans un studio voisin. Soufflés, les cinq venaient se coller à la porte et n'en croyaient pas leurs oreilles...

Le choc

Lorsque City débarque dans les bacs, les avis de spécialistes sont unanimes * le mal de crâne est garanti, on a rarement entendu aussi violent, ce canadien est décidemment barré. Des avis si loin de la réalité. City est l'apocalypse même. Le chaos continu, l'annihilation de cervelle, la mise en pièce de toutes les limites de la scène extrême, du grind au black, du death à l'Indus, jamais une telle réunion de styles n'aura créé plus beau disque. Musicalement ? Décortiquons ce qui peut l'être.

Le contenu

Tout démarre par une introduction, "Velvet Kevorkian". Le nom ne laisse pas présager l'univers musical que l'on y découvre. Le son est dantesque, les couches sonores paraissent énormes. La mélodie s'insinue tout doucement, elle rentre, elle rentre... Et hop, on baisse le rideau comme Indochine au début des concerts du Alice Et June Tour, et c'est parti pour un voyage inter dimensionnel. Tout ceux qui n'ont pas bouclé leur ceinture seront violemment retournés, molestés, massacrés. Peu survivront à vrai dire. "All Hail The New Flesh", premier morceau embraye direct à fond de sixième. Tenter de définir ce déluge sonore qui s'abat tel une pluie de magma incandescent est quasi-impossible. Plus question de Black, de Thrash, de Death, juste de musique extrême. On ne peut décemment pas étiqueter City.

La mélodie est irréelle, les instruments sont plus lourds qu'une meute de Dumpers lancés à pleine charge (mais si vous savez, ces immenses camions bennes capables de porter 360 tonnes et de faire passer votre grand frère de 2 mètres 10 pour un playmobil), le mix est ultra compact et homogène mais paradoxalement le son du métal extrême n'a jamais aussi clair et puissant. Et là, alors que l'on tente de reprendre sa respiration, "Oh My Fucking God !" atomise le badaud. C'est les groupes de Black et de Grind que l'on enfonce, plus de limites, Devin veut vous crier sa colère, il n'y a pas de raison que cela ne s'entende pas. Un titre nucléaire qui permet dès la troisième piste de laisser sur le carreau tout fan de violence. Les ambulanciers accourent, une bombe nucléaire vient de passer. Dans cette urgence les retombées seront encore plus destructrices.

Du côté des zicos c'est l'orgie, la guitare de Jed Simon est plus efficace que le refrain du dernier titre de Céline Dion, la basse de Byron Stroud provoque séismes sur séismes et Gene Hogland...L'horloge atomique ! Les répliques se précisent, plus longues, plus violentes, sous la forme d'un ravageur "Detox". La folie s'empare de chacun de vos neurones, l'envie de vous mettre à fracasser tout ce que vous trouvez vous prend. Votre corps se convulsent déjà depuis longtemps, vos membres sont endoloris. C'est la fin des temps. Puis avec perversion, Devin jette du sel sur cet océan de désolation, il appuie sur les fractures et concasse les crânes déjà écrasés par cette masse noire que constitue cet album.

Les contours se font Indus, la folie se fait plus éparpillée, "Home Nucleonics" avec son allure cyber fonce droit devant. Le rythme se ralentit, il faut frapper chirurgicalement maintenant pour raser les hôpitaux de campagnes. Le calme se fait, les soldats accourent, les balles pleuvent mais le chaos s'est arrêté. Ce sont bien des hommes, là, sur ce champ de bataille. Et là l'assaut repart de plus belle. L'effet de surprise agit. Les troupes sont paralysées, les vagues subversives de guitares sont telles des tanks lancés en ligne de front, sur une longueur de plusieurs kilomètres. On pilonne, Devin envoie la plus belle mélodie jamais entendue dans le metal extrême, on tient là le plus beau morceau de bravoure musicale du siècle. Jamais on ne réentendra ça. On est effondré, à bout, on voudrait dormir, définitivement. Mais sans comprendre on se retrouve dans une pièce noir, la "Room 429" à peine éclairée par un psychopathe qui nous expose son point de vue. On parcourt les couloirs d'un immense labyrinthe d'où les murs sont tout justes visible, avec cette impression que quelque chose vous court après. Sans jamais savoir quoi, on court à s'en décrocher les poumons, on ne veut pas se faire attraper. Mais trop tard, le jeu doit prendre fin. La "Spirituality" aura raison de notre sanité. Les couleurs sont saturées, les ombres sont floues, l'enfer s'ouvre sous nos pieds. Le voyage iniatique prend fin ici.

On a beau hurler, on a beau crier, il est trop tard, on a trop avancé vers ce fond, on ne peut plus reculer. Le jugement dernier. Personne ne nous aidera. L'apothéose musicale en forme de tréfonds de l'âme. On est perdu. Désorienté. On regrette. D'avoir fait ce premier pas. On ne savait pas. Que ce disque allait changer notre vie.

L'héritage

10 ans plus tard, jamais Homme n'aura si bien exprimé sa colère. On attend toujours de Devin un nouveau City, mais les gens ne comprennent pas. City est le cri (hurlement) de colère contre une époque révoltante, la fin du monde d'un seul Homme, le rouage qui se grippe dans une machine si bien huilée. Une révolution provoquée par un dégoût de la société et une lassitude de la déshumanisation de notre monde.

Mais cela est passé. L'époque a changé, il serait incohérent de sortir un second City, incompatible avec ce que Devin est devenu. Un véritable Dieu pour lequel on souffre de le voir aussi mal. Il ne refera plus un tel disque parce qu'il est vrai et qu'il a changé. Parce que les sentiments ont changé, parce que l'homme est devenu ce qu'il redoutait. Devin a abandonné le combat après son album éponyme en 2003.

Parler de disque parait blasphématoire tant il est question d'une véritable merveille du monde ici. Il y a eu les jardins suspendus de Babylone. Le colosse de Rhodes. Le phare d'Alexandrie. La grande pyramide de Kheops. Le mausolée d'Halicarnasse. Le temple d'Artémis à Ephèse. La statue de Zeus à Olympie. Maintenant il y aura City de Strapping Young Lad.