C H R O N I Q U E

Heureusement que vous ne pouvez pas voir ma tête parce qu'après avoir écouté cet album, je ressemble à un gars qui est resté coincé dans un frigo pendant trois jours.

Tarja, ex-chanteuse de Nightwish, s'est alliée à son batteur Mike Terrana, lui-même ex-membre de Rage, pour tenter une expérience très particulière : faire interpréter des morceaux de musique classique par un orchestre tout en y ajoutant tantôt le chant de Tarja, tantôt la batterie de Mike. Le premier disque propose des morceaux de Bach, Mozart ou encore Strauss. Le second disque, quant à lui, offre quelques reprises de Led Zeppelin, Freddie Mercury et Tarja elle-même.

Avant de commencer à critiquer, je tiens à signaler que je suis un grand fan de Tarja, carrière solo comprise, un amateur passionné de musique classique, des Chants Grégoriens à Chostakovitch, et un adepte convaincu des expériences musicales, particulièrement des fusions de genres différents. J'avais donc tous les pré-requis pour aimer ce double-album. D'ailleurs, jusqu'à maintenant, j'appréciais assez la manière dont Tarja rendait hommage à la musique classique : elle commençait son premier album My Winter Storm par le Requiem de Mozart (forcément, ça fait une intro hyper badass), exécutait un beau clin d'oeil au Sacre Du Printemps de Stravinski dans In For A Kill et reprenait joliment un air de Peer Gynt de Grieg dans son dernier album. Tout cela, sans être vraiment exceptionnel, avait le mérite d'être sympathique, au moins amusant. Mais avec ce CD, la diva du metal a clairement sombré du côté obscur de la force...

Sincèrement, vous voulez savoir ce que j'en pense en une phrase ? Cet album, c'est Mozart qui se fait violer par un batteur de brutal death metal.

Premièrement, mettons au clair le fait que l'idée n'est pas mauvaise en soi. C'est sa réalisation qui est affreusement loupée. Pour expliquer pourquoi, il me semble intéressant de rappeler que la musique classique (baroque, contemporaine, moderne...) se différencie de la musique légère (jazz, metal, pop...) par son utilisation quasi-permanente des nuances. Cela ajoute une dimension gigantesque par rapport à la musique légère et c'est ce qui la rend si riche et complexe. Donc, quand un orchestre joue Bach ou Mozart, on ne peut simplement débarquer avec sa grosse batterie metal et se contenter de suivre le rythme en frappant violemment tous les toms et crashs à disposition. C'est comme si vous essayiez de jouer au tennis sur une piste de ski : vous avez beau être champion de tennis, sur ce terrain, ça ne marche pas. Jouer de la batterie sur de la musique classique est donc un défi extrêmement difficile car c'est un instrument qui n'est pas voué à ça à la base. Je pense que choisir un batteur comme Manu Katché, réputé pour son toucher très délicat, aurait été bien plus intéressant. J'ai détesté tous les morceaux de Mike à cause de son sens totalement inexistant de la nuance. Ah là là, ça fait mal aux oreilles... Et dès qu'il arrête de jouer, on se souvient qu'en fait, ce sont plutôt de beaux morceaux, au départ, quand on les laisse tranquilles ! Le pire, c'est que sans l'orchestre, je pense que sa prestation de batterie serait elle aussi bien plus écoutable : c'est la fusion entre les deux parties qui est totalement manquée. Une telle folie musicale nécessite clairement un énorme travail d'adaptation qui a ici été entièrement négligé.

Deuxièmement, abordons le chant de Tarja. Encore une fois, elle nous prouve que sa voix est incroyablement juste et mesurée. Ses interventions sont donc bien plus réussies que celles de son collègue. Toutefois, sa voix n'ajoute vraiment rien à la musique... qui est déjà exceptionnelle à la base. Certes, elle ne viole pas Mozart mais elle ne sert pas à grand-chose non plus.

Troisièmement, les deux musiciens ont décidé de piocher des extraits d'oeuvres complètement différentes : on passe de Bach à Strauss, de Dvorak à Mozart... et finalement, à écouter, ce n'est pas très agréable. Ca ressemble à une mauvaise compilation qu'on trouve dans les supermarchés. Ne sélectionner qu'une ou deux oeuvres et vraiment les approfondir m'aurait semblé bien préférable.

Quatrièmement, on trouve sur le second disque des reprises de musiques plus abordables. Les originaux de Tarja sont plutôt bien exécutés. Je trouve que The Reign, par exemple, a vraiment beaucoup de gueule. Ce sont les cinq minutes qui valent vraiment la peine. Quelle voix ! Les covers ne laissent que peu d'émotion, souvent molles. C'est ni foncièrement mauvais, ni bon pour autant, notamment parce qu'il n'y a rien d'inattendu.

Finalement, cet album représente un beau défi complètement raté. Ma critique est sévère mais j'espère avoir bien démontré mon point de vue qui se résume ainsi : quand on se lance dans des expériences d'une telle envergure, il faut retravailler, transformer et adapter la musique pour aboutir à une oeuvre cohérente. Mike ne l'a clairement pas fait et Tarja pas assez pour convaincre. Pour illustrer mon opinion, je vous invite à écouter ces reprises de musique classique dans des genres complètement différents. Je peux vous dire que ça vaut autrement le détour. Hell yeah !

- Peer Gynt de Grieg repris en version metal par Apocalyptica

- La Cinquième Symphonie de Beethoven reprise en version électro funk

- L'Adagio d'Albinoni repris en version rock par Mattrach

- La Sonate Au Clair de Lune de Beethoven reprise en version blues par Marcus Miller

- Le Prélude en Mi de Chopin repris en version rap par NTM

Tracklist de Beauty And The Beat :

CD 1 :

01. Concert For Violin & Oboe (live)
02. Blute Nur (live)
03. Zueigmumg - OP. 10, NO. 1 (live)
04. Barber Of Seville (live)
05. New World Symphony (live)
06. Song To The Moon (live)
07. Vilja Lied (live)
08. O Mio Babbino Caro (live)
09. Can-Can (live)
10. I Feel Pretty (live)
11. William Tell Overture (live)
12. Mein Herr Marquis (live)
13. Eine Kleine Nachtmusik (live)

CD 2 :

01. You Take My Breath Away (live)
02. The Reign (live)
03. Witch Hunt (live)
04. Led Zeppelin Medley (live)
05. Swanheart (live)
06. Fly Me To The Moon (live)
07. Into The Sun (live)
08. I Walk Alone (live)

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