Artiste/Groupe:

Helloween

CD:

Chameleon

Date de sortie:

1993

Label:

Style:

Citrouille en perdition

Chroniqueur:

Blaster Of Muppets

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1993 : une année marquante pour Helloween... celle de son album le plus déroutant (version polie / objective) voire le plus raté (version plus franche / subjective). Contexte : Vers la fin des années 80, Helloween n'était pas loin d'avoir le monde à ses pieds. Après une triplette infernale composée de Walls Of JerichoKeeper Of The Seven Keys Part I et sa suite, le combo allemand était en passe de devenir un groupe de heavy metal absolument énorme voire incontournable. A l'heure où certains géants affichaient une petite baisse de forme, la relève semblait assurée. Et puis... non. Le guitariste co-fondateur Kai Hansen décida de quitter le navire, le groupe connut quelques déboires liés à son changement de label et la bataille juridique (entre Noise et EMI) qui en découla... Et le Pink Bubbles Go Ape qui vit le jour en 1991 sonna l'heure de la déception tant il ne se montra pas à la hauteur des efforts précédents. Deux ans plus tard, Chameleon allait-il remettre les citrouilles sur les rails de la réussite ? Pas vraiment non, au contraire. Replongeons ensemble (si vous le voulez, je ne vous force pas) dans cet étrange cauchemar... 

Déjà, avec un titre pareil et une telle illustration, on le sent venir : Chameleon ne semble pas franchement indiquer un retour à un metal racé ou épique. Et après écoute de cet étrange disque, non seulement ce pressentiment se confirme mais en plus, on se rend compte que de metal (quel qu'il soit) il n'est tout simplement plus vraiment question. Parfois hard rock ou juste rock, tantôt orné de sonorités plus acoustiques ou de cuivres, proposant de nombreuses ballades, flirtant avec la pop ou le FM, ce cocktail musical sans direction précise, assez incohérent ou foutraque, a de quoi sacrément déstabiliser l'auditeur... surtout si celui-ci souhait entendre du speed mélodique. Est-ce à dire que ce disque est totalement dépourvu de qualités ? Non, pas totalement... mais la pilule est dure à avaler... et pas seulement à cause d'un problème de style. Il y a également des soucis de qualité évidents. Pourtant, ces messieurs sont de sacrés musiciens qui ont déjà fait leurs preuves... Comment expliquer cela alors ? Eh bien, c'est compliqué... mais pour mieux comprendre cette débacle, il ne faut pas sous-estimer les tensions qui rongent Helloween de l'intérieur. Michael Weikath, l'autre guitariste fondateur, a depuis eu l'occasion de revenir sur cette époque et a expliqué la génèse de Chameleon : il n'y a pas eu d'effort de groupe. Chaque compositeur (WeikathRoland Grapow et Michael Kiske) a travaillé ses quatre chansons dans son coin. Pas de collaboration, de discussions ou de compromis, les relations n'étaient pas au beau fixe, l'édifice menaçait de s'écrouler si un membre du groupe intervenait sur une compo qui n'était pas la sienne... Au final, ce disque ressemble à trois albums solo qu'on aurait mélangé. 

Faisons l'état des lieux. Ca ne démarre pas si mal avec la première piste, First Time. Pas si mal mais pas si bien non plus. Disons que pendant quelques instants, la compo fait illusion. Ce n'est pas du heavy ou du speed metal... mais il y a un bon riff qui accroche et un son excellent (oui, la production de Chameleon est sans doute ce que l'album a de plus réussi... le travail du groupe avec Tommy Hansen et Michael Wagener est à saluer). La chanson n'est pas agressive mais possède un bon tempo et un feeling hard rock positif. Bref, le moment passé n'est pas désagréable... mais le refrain "I can't wait forever baby, open me your door" est d'une telle gentillesse qu'il ferait passer le happy metal de l'ex-collègue Hansen sur son Heading For Tomorrow pour du thrash ! C'est dire. La chanson reste fun et pourrait à la limite faire office de plaisir coupable (il m'est arrivé de la chantonner sous la douche) mais rien de comparable avec les hymnes métalliques pondus par Helloween dans les années 80. Et le pire reste à venir. Mais comme je suis gentil, je vais d'abord évoquer une poignée de compos pas trop honteuses. Allez, on peut sauver Giants, un titre plutôt heavy (mais très mélodique), mid-tempo et assez épique (que l'on doit, comme First Time, à Weikath... c'est largement ce qu'il a proposé de mieux sur ce disque). Pas mal du tout, celui-là. Kiske livre lui aussi une compo assez heavy qui s'en sort correctement. Changeant, progressif (neuf minutes au compteur), I Believe est un titre intéressant traversé par de belles mélodies. Dans un moment d'extrême indulgence, on pourrait considérer Crazy Cat (rock'n'roll avec des cuivres) ou Step Out Of Hell qui flirte avec l'AOR comme des morceaux sympas, entraînants, plutôt fun (bien que n'ayant plus rien à voir avec ce qui nous a plu chez ce groupe)... mais bon, c'est déjà plus "limite". Et le reste, même avec toutes les meilleures intentions du monde, est très difficile à défendre. 

Que reste-t-il donc à se mettre sous la dent ? Des ballades mielleuses à la limite de l'abject comme Windmill (mon dieu... était-il possible de faire plus mièvre ?), I Don't Wanna Cry No More (refrain immonde avec claviers de la honte... moi aussi, j'ai envie d'arrêter de pleurer, par conséquent, je n'écoute plus cette chanson) ou l'acoustique In The Night (moins horrible que les deux autres mais bien médiocre tout de même), une compo pop/rock fourre-tout gentillette et bien trop longue (When The Sinner), un titre hard rock aux influences sixties - seventies (encore une fois) trop long et qui finit donc par devenir un poil répétitif et pénible (Revolution Now et ses huit minutes), la mélancolique Music, plus sympa que ses voisines, mais qui reste assez molle et trop longue (décidément, c'est un défaut récurrent sur ce disque) puisqu'elle s'étend sur sept bonnes minutes... Le verdict est sans appel : avec autant de morceaux tirant vers le bas, le navire est en train de sombrer. La dernière chanson du disque, Longing, est (encore) une ballade. Cependant, c'est clairement la plus belle de l'album (c'est aussi faute de concurrence). Mélancolique, symphonique, avec des arrangements de qualité (elle a été enregistrée avec un vrai orchestre), elle s'en sort plutôt bien... mais il est trop tard, le mal est fait.

Chameleon, c'est quoi ? Du rock progressif, du hard rock, de la pop... c'est surtout un disque qui manque de cohésion et ne connait pas ses limites, l'œuvre d'un groupe qui a perdu le cap et n'en est plus vraiment un (de groupe). Trop de déchets, trop de ballades, trop de compos excessivement longues aussi... pour un total de soixante-et-onze minutes globalement assez indigestes. Certains le défendent, et c'est tant mieux. A chacun de décider s'il est une bouse ou un disque courageux et totalement mesestimé. Dans les faits, le groupe s'est quand même tiré une balle (quoi que le terme roquette semble plus approprié) dans le pied et cet album a été un véritable échec commercial. La suite ? Difficile. La tournée ne sera pas reluisante, les Allemands joueront dans des salles à moitié vides et proposeront un set principalement axé autour de ses deux derniers disques, bien moins populaires que ses classiques des années 80 (et hop, on massacre bien l'autre pied, histoire d'être sûr de se ramasser en beauté). Au terme de celle-ci, Michael Kiske devra s'en aller, tout comme le batteur Ingo Schwichtenberg (souffrant d'addiction et de schizophrénie... il se suicidera en 1995). Une vraie descente aux enfers. Certains groupes ne s'en seraient jamais remis. Mais Helloween se relèvera, recrutera un certain Andi Deris (ex-Pink Cream 69) ainsi que le batteur Uli Kusch (ex-Gamma Ray) et arrivera à relancer sa carrière en revenant au heavy metal (de qualité qui plus est). De quoi faire croire les plus incrédules d'entre nous aux miracles...

 

Tracklist de Chameleon :

01. First Time
02. When The Sinner
03. I Don't Wanna Cry No More
04. Crazy Cat
05. Giants
06. Windmill
07. Revolution Now
08. In The Night
09. Music
10. Step Out Of Hell
11. I Believe
12. Longing

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